On aurait presque l’impression que c’est leur université d’été. Les écologistes ont occupé le devant de la scène lors de l’ouverture du rendez-vous annuel des socialistes à La Rochelle, vendredi 28 août. Les annonces successives des départs de François de Rugy et de Jean-Vincent Placé, respectivement président de groupe à l’Assemblée nationale et au Sénat de leur formation politique, Europe Ecologie-Les Verts, ont totalement bousculé le programme de la journée au Parti socialiste.
« C’est un événement majeur », a concédé Jean-Christophe Cambadélis pendant sa conférence de presse d’ouverture, lors de laquelle il aura été davantage question des Verts et des sorties d’Emmanuel Macron sur les trente-cinq heures que de l’université d’été du PS. Le premier secrétaire socialiste a regretté « cette fragmentation de la gauche, qui prend des dimensions paroxysmiques chez les écologistes ». Et pour cause. Ces derniers ont choisi le centre des congrès de l’Encan, à La Rochelle, théâtre habituel des joutes socialistes, pour mettre en scène leur implosion.
Emmanuelle Cosse était ainsi l’invitée la plus attendue de la journée. A son arrivée, devant une nuée de caméras, la secrétaire nationale d’EELV a bien tenté de détourner l’attention : « Je suis venue pour parler de la COP21 [la conférence des Nations unies sur le climat]… » Mais, très vite, l’actualité politique a repris le dessus. La voix serrée et le visage décomposé, Mme Cosse a déploré le départ de ses deux collègues : « Ils ont choisi des aventures personnelles au moment où l’intérêt collectif aurait dû primer. »
Le remaniement a bousculé le calendrier
Les deux principaux intéressés avaient à ce moment déjà assuré le spectacle. La veille, François de Rugy, après avoir annoncé son départ dans une interview au Monde, s’était affiché à La Rochelle dans une réunion du Front démocrate, un petit parti regroupant derrière Jean-Luc Bennahmias les débris éparpillés de l’écologie politique prêts à rejoindre la majorité.
Jean-Vincent Placé avait pour sa part réservé la primeur de sa démission à la matinale d’Europe 1, vendredi matin, comme pour mieux phagocyter les débats politiques de la journée. La veille, pendant la soirée, il s’était affiché longuement sur une terrasse en vue de La Rochelle aux côtés des proches du premier ministre, Manuel Valls, et avait eu un long aparté avec Christophe Borgel, le responsable des élections au PS.
Nulle surprise chez les socialistes devant la décision de ces deux responsables écologistes, qui couvait depuis plusieurs mois. « Je suis surpris par le timing », lâche cependant un ministre. Les socialistes s’attendaient en effet à ce que les deux démissionnaires attendent le vote des militants de Nord-Pas-de-Calais-Picardie sur la stratégie aux régionales, le 12 septembre, qui devrait acter le refus stratégique d’EELV de s’allier avec le PS. Mais la démission de François Rebsamen, ministre du travail, et la probabilité d’un remaniement la semaine prochaine a bousculé le calendrier.
« Ce n’est pas nous qui nous engueulons, pour une fois »
« Il y a une course à l’échalote entre les deux, explique un dirigeant socialiste. Ils se sont dit : si jamais il y a un maroquin, le premier qui déboîte l’aura. » Les ambitions ministérielles de Jean-Vincent Placé et François de Rugy ne sont un secret pour personne au PS. Jean-Christophe Cambadelis a d’ailleurs noté avec un sourire narquois, lors de sa conférence de presse : « Il semble que M. de Rugy ait devancé l’appel en faisant une déclaration d’une courte tête avant M. Placé. »
Mais pour beaucoup, la stratégie pourrait ne pas payer. « Je ne suis pas sûr qu’ils soient les mieux placés pour le remaniement de la semaine prochaine, ça apparaîtrait comme une opération politique », estime un ministre.
Au PS, la tragicomédie écologiste, si elle inquiète les responsables, fait quand même sourire. « Vous noterez que ce n’est pas nous qui nous engueulons, pour une fois », s’amuse un organisateur de La Rochelle, oubliant un peu vite le recadrage matinal du ministre de l’économie par le premier ministre. Mais l’implosion d’EELV a surtout eu pour effet de faire passer au second plan le programme de l’après-midi à l’Université d’été. Un effet collatéral dommageable pour les Verts : pour la première fois, les socialistes avaient décidé de centrer l’ensemble de leurs réunions sur la réussite de la COP21 et sur l’écologie.
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