Au palais de justice de Paris, le 18 juin, une petite cérémonie prisée rassemblait les professionnels du crime. Sous les plafonds voûtés de la buvette, une coupe de champagne à la main, grands avocats et juges célèbres, fait-diversiers et policiers ont, comme chaque année au « pot de la presse judiciaire », échangé des récits d’audience, des nouvelles et leurs « 06 ». Chevelure blanche et sandales vert prairie, souriante comme vous ne la verrez jamais dans « Faites entrer l’accusé », Frédérique Lantieri, sa présentatrice, y était en mission, à la recherche de témoins et d’histoires pour alimenter la seizième saison de l’émission-culte, qui démarrera le 5 septembre sur France 2.
« Faites entrer l’accusé » a changé de présentateur, a été mille fois copié mais reste, de loin, la référence en matière de crime disséqué sur petit écran. Tadam, tadam… Le générique, une reprise de Michel Legrand, est comme un code, un mantra pour la grande famille des fans de l’émission. Chaque dimanche soir vers 22 h 30, le blues du dimanche s’estompe chez les aficionados quand apparaît à l’écran Christophe Hondelatte ou Frédérique Lantieri, selon les saisons et l’agenda des rediffusions.
Une dramaturgie rodée
« Faites entrer » — c’est comme ça que l’appellent les initiés — vient de commencer. On y parlera meurtre crapuleux ou crime passionnel, disparition inquiétante ou cadavre dépecé, psychopathe solitaire ou famille dysfonctionnelle. En quatre-vingt-dix minutes, selon une dramaturgie immuable, le présentateur entraînera son public vers chaque fausse piste de l’enquête jusqu’à son dénouement, le procès.
Quelques-uns des spectateurs les plus assidus sont en prison, où l’émission a très vite trouvé son public. Y passer, pour un détenu, c’est faire partie de la grande geste du crime à la française. Un label. A la centrale de Moulins-Yzeure (Allier), « il y a un étage où le directeur a regroupé tous les psychopathes de France. On l’appelle “l’étage de ‘Faites entrer l’accusé’”. Sept détenus qui l’occupent ont fait l’émission. Une sorte de laboratoire : Patrice Alègre, Guy Georges, Nadir Sedrati, Edgar Boulai… C’est simple, à chaque fois qu’on passe à cet étage, on fredonne le générique de l’émission », raconte Rédoine Faïd, le braqueur qui s’est fait la belle en 2013 (avant d’être repris un mois et demi plus tard), dans son livre Braqueur, des cités au grand banditisme (La Manufacture des livres, 2010).
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