Publicité

Pactole de Michel Combes : et celui des hauts fonctionnaires, on en parle ?

Michel Combes KENZO TRIBOUILLARD/AFP

FIGAROVOX/TRIBUNE - Pour Eric Verhaeghe, si le parachute doré du DG d'Alcatel peut légitimement choquer, il ne doit pas dissimuler un certain nombre d'avantages acquis sur lesquels le pouvoir socialiste ferme les yeux.


Eric Verhaeghe a été président de l'Apec (Association pour l'emploi des cadres) entre 2004 et 2009. Il est également l'auteur de plusieurs ouvrages publiés chez Jacob-Duvernet: Jusqu'ici tout va bien, Au cœur du MEDEF: chronique d'une fin annoncée, et Faut-il quitter la France? . Retrouvez ses chroniques sur son site.


L'affaire Alcatel (14 millions d'euros de parachute doré pour Michel Combes, directeur général partant) se situe entre le marronnier de rentrée (chaque année, entre septembre et novembre, l'actualité traite d'au moins un cas de patron touchant le jackpot en quittant ses fonctions) et la dispute du vieux couple hystérique: on sait à l'avance ce qui va se dire, et on sent bien que chacun attend avec impatience le moment où il va pouvoir faire l'un voler les assiettes l'autre les valises pour rentrer chez sa mère.

Et on les entend d'ici, les déclarations de haine de chaque partie. Le gouvernement crie au scandale parce que, en période de crise, «au moment où l'on demande des efforts aux Français», les sommes en jeu sont «indécentes», «indignes». L'anthologie est connue et d'ordinaire elle atteint son sommet lorsque Ségolène Royal est envoyée au front pour, la main sur le coeur, appeler à la responsabilité des patrons, la voix chevrotante façon Jeanne d'Arc arrivant à Orléans. Le camp d'en face va pour sa part rappeler que la retraite d'un député coûte, en annuités actualisées, tout aussi cher que le parachute d'un patron, avec une petite différence: un député peut faire n'importe quoi dans ses mandats (l'exemple de Bartolone en Seine-Saint-Denis, épinglé par la Cour des Comptes, est bien connu), cela n'empêche jamais son parti de l'investir au scrutin suivant, alors qu'un patron qui fait n'importe quoi, c'est quand même plus compliqué à expliquer.

Le patronat français et son siècle de retard dans la communication financière

Ce sujet des parachutes dorés intéresse-t-il vraiment l'opinion? Au-delà de l'envie (ou de l'admiration) que peut susciter la somme en jeu, il n'est pas sûr que les Français aiment s'occuper des affaires des autres, ou en tout cas prendre parti dans ces disputes de couple. Cela n'empêche bien entendu pas de prendre plaisir à assister au match de catch dans la boue, mais l'injonction de défendre l'un ou l'autre laisse un peu perplexe dans ces dossiers délicats où l'on a du mal à voir clair.

Il ne fallait en effet pas être grand clerc pour comprendre que les conditions de départ de Michel Combes, détaillées dans les documents de l'entreprise comme il se doit, allaient susciter des commentaires acides et une polémique. Pourquoi, au lieu de l'anticiper, l'entreprise s'est-elle livrée à un exercice de défense confuse sur le fait qu'aucune somme en liquide n'allait être versée à l'intéressé avant 2016 ?

Dans le cas Alcatel, une chose est sûre: le patronat a toujours autant de mal à gérer les conséquences du Say on Pay généralisé sur les marchés réglementés. Il ne fallait en effet pas être grand clerc pour comprendre que les conditions de départ de Michel Combes, détaillées dans les documents de l'entreprise comme il se doit, allaient susciter des commentaires acides et une polémique. Pourquoi, au lieu de l'anticiper, l'entreprise s'est-elle livrée à un exercice de défense confuse sur le fait qu'aucune somme en liquide n'allait être versée à l'intéressé avant 2016? Alors que tout laisse à penser le contraire...

Si le MEDEF avait une utilité (autre que gérer la tranchée paritaire qui protège le capitalisme français de la concurrence), elle serait probablement de former les entreprises du CAC40 à la gestion de communication sur la rémunération des dirigeants. Car lorsque, dans la même séquence, Alcatel explique que Michel Combes doit percevoir 4,5 millions d'euros au titre de sa clause de non-concurrence, dont l'effet dure trois ans, et qu'il devient au 1er septembre 2015 président de Numéricable-SFR, on se demande: mais pourquoi font-ils jouer une clause de non-concurrence si le gaillard est déjà recasé?

Ce genre de posture est évidemment dévastateur et il complique singulièrement l'exercice de remise à plat du sujet.

La gauche et la réussite sociale

Car une remise à plat est bel et bien indispensable. La gauche en France vit en effet un étrange paradoxe. D'un côté, elle adore évoquer l'égalité et l'excellence pour tous. C'est à cette sauce-là que Najat Vallaud-Belkacem nous a par exemple servi sa soupe sur la réforme des collèges. D'un autre côté, la gauche jubile de sanctionner tous ceux qui réussissent par leur travail et de les empêcher de sortir de leur condition.

Dans le cas de Michel Combes, l'enjeu est pourtant celui-là. L'intéressé a pris il y a deux ans la direction générale d'une entreprise en difficulté. Il l'a sauvée et l'a valorisée auprès de Nokia à 16 milliards d'euros. En bout de course, il empoche 0,1% de la transaction sous forme d'actions de l'entreprise. C'est à la fois beaucoup et très peu, et les arguments «de gauche» ne manquent pas pour justifier cette opération: en quoi est-il choquant qu'un directeur général soit actionnaire de l'entreprise qu'il dirige? Cette association du travail au capital part plutôt d'un principe vertueux.

Au fond, la gauche française est la première force conservatrice de France : dans l'esprit de ses membres, l'ordre social devrait être immuable et sortir de sa condition un crime lourdement puni.

Mais, assez curieusement, la gauche française n'aime pas ce principe. Autant elle admire les fils de bonne famille, les héritiers, les jeunes gens bien éduqués, autant elle déteste les corsaires qui accèdent à la fortune par leur réussite professionnelle. Au fond, la gauche française est la première force conservatrice de France: dans l'esprit de ses membres, l'ordre social devrait être immuable et sortir de sa condition un crime lourdement puni. L'une des premières mesures de Jean-Marc Ayrault fut d'ailleurs de tripler la fiscalité applicable à l'épargne salariale.

Quelques oublis sur les rémunérations des dirigeants

Pourtant, la collectivité n'a pas forcément à se plaindre des mesures généreuses dont bénéficie Michel Combes.

Rappelons que les «gains d'acquisition d'actions gratuites», pour reprendre la terminologie officielle, sont soumis à des prélèvements sociaux de 8%, à une contribution salariale spécifique de 10%, puis à l'impôt sur le revenu. Dans le cas qui nous occupe, le taux marginal d'imposition sera de 45%. Autrement dit, sur 15 millions versés à Michel Combes, le contribuable en récupèrera 8,5 et l'assuré social 1,2 million. Il ne devrait donc rester que 5 millions au salarié sur la somme initialement versée par l'entreprise.

Certes, 5 millions, ce n'est pas rien. Mais enfin, ramenés à son espérance de vie (il a 53 ans), cela nous fait un 200 000 euros annuels, hors intérêt. Cette somme est colossale pour le smicard, mais elle est bien raisonnable par rapport aux rémunérations des hauts fonctionnaires du ministère des Finances... Entre-temps, elle aura contribué à joliment financer le déficit public, et ce n'est tout de même pas négligeable.

Pactole de Michel Combes : et celui des hauts fonctionnaires, on en parle ?

S'ABONNER
Partager

Partager via :

Plus d'options

S'abonner
378 commentaires
  • Wallenstein

    le

    Pourquoi personne ne parle-t-il du fils de la vice présidente du sénat nommé à l'EPAD que convoitait le fils de Sarkozy?
    (par exemple)

  • Olive2012

    le

    Au nom du grand principe de l'égalité par le bas,
    GAGNER DE L'ARGENT C'EST MAL! Je ne connais pas le parcours professionnel de ce Monsieur, ni ses écoles et formations certainement prestigieuses.
    A l'école j'étais parmis les cancres et je ne revendique pas la médiocrité obligatoire pour tout ceux qui avaient des possibilités intelectuelles et sociales et qui en ont usé.
    J'ai une vie beaucoup beaucoup plus modeste, et je ne suis pas maladivement jaloux ni envieux de la réussite des autres. Elle fait partie intégrante du dinamisme économique de notre pays.
    Alcatel était au bord de l'agonie lorsqu'il est arrivé. Dans sa rémunération était comprises ces actions. Pour son départ il veux récupérer ses billes. A sa place je le voudrais aussi.
    ALCATEL a perdu 10.000 emploi. C'est énorme en drames humains et économiques. Mais en l'absence des choix de cette personne combien auraient étés débarqués sur le sable à la fermeture du groupe? Et puis, quel est le rapport avec les actions qu'il a reçu depuis son arrivée?
    Quel est le but de toute cette agitation médiatique? Agiter des chiffres choquants avec pleins de zeros. Pourquoi pas son patrimoine aussi. (Et le nôtre dans une situation semblable.) Faire rager les francais de plus basse condition sociale? Désigner un coupable tout frais trouvé, à leurs yeux?
    STOP A LA DÉMAGOGIE DESTRUCTIVE
    Nous ne sommes pas tous égaux, ni de naissance, ni de possibilités intelectuelles et certains préfèrent la voie du farinente alors que d'autre vont bos

  • France eternelle

    le

    Peut-on considérer cela comme une réussite quand on licencie 10 000 personnes et qu'on vend l'entreprise ? Je suis pas sûr.

À lire aussi