L'instrumentalisation de la peur

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Chaque matin, l'actualité vu au travers de la presse étrangère. Aujourd'hui : la vraie fausse photo de Banksy, les demandeurs d'asile plus nombreux en Suède qu'en Allemagne, la campagne anti-immigration de Donald Trump et la mort de Wes Craven.
Une photo poignante symbolisant la tragédie des migrants.

Photo de Nacho Herranz et Nacho Rojo, de l'agence RMG Connect.
Photo de Nacho Herranz et Nacho Rojo, de l'agence RMG Connect.

Sans doute l'avez-vous vu passer ce week-end sur votre fil Twitter ou Facebook. Le drapeau européen y est figuré de manière symbolique par les corps flottants de douze migrants noyés remplaçant ainsi les étoiles de la banière de l'UE. L'image postée sur Facebook, par un compte se présentant sous le nom du street-artist Banksy, a été immédiatement partagée par des dizaines de milliers d'internautes. Sauf que si l’artiste britannique est effectivement connu pour ses œuvres à la fois percutantes et politiques, en revanche, celle-ci n'est pas de lui, prévient le journal de Montréal METRO. Banksy, d'ailleurs, ne possède pas de compte Facebook et n'a même jamais utilisé Twitter, peut-on lire sur le site officiel de l’artiste. Alors d'où vient cette image ? Elle fait en réalité partie d'une campagne lancée en mai dernier, déjà, par la Commission espagnole d'aide aux réfugiés. Une tout aussi choquante que poignante et qui méritait, quoi qu'il en soit, d'être ainsi diffusée sur les réseaux sociaux pour faire prendre conscience de la tragédie qui est en train de se jouer.

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Autres photos saisissantes, celles publiées cette fois-ci sur le site du NEW YORK TIMES.
Des photos venant illustrer une infographie ô combien instructive. Intitulée : «quels pays sont les plus sous pression en Europe dans la crise migratoire?», elle présente 20 pays européens classés par le nombre total de demandeurs d’asile depuis 2011, mais mieux encore classés proportionnellement, en fonction du nombre de demandeurs pour 100.000 habitants. Et c'est là que les chiffres prennent, évidemment, tout leur sens. On y apprend notamment que si l’Allemagne et la France arrivent effectivement en tête des pays qui reçoivent le plus de demandes en valeur absolue, en revanche, ces deux pays sont très loin derrière lorsqu’il s’agit de ramener ce nombre à la population totale. En proportion, c’est la Suède et la Hongrie qui font face au plus grand afflux de demandeurs. Quand l’Allemagne accueille près de 680 demandeurs pour 100.000 personnes et la France seulement 380, précise le site du NEW YORK TIMES, la Suède, elle, en récolte entre trois et quatre fois plus que l’Allemagne et plus de six fois plus que la France. Une précision qui a son importance en particulier en Allemagne, en proie aujourd'hui à la montée des actes anti réfugiés.

Serbian border police patrol near the town of Presevo, some 383 km (238 miles) from capital Belgrade.
Serbian border police patrol near the town of Presevo, some 383 km (238 miles) from capital Belgrade.
© Reuters - Marko Djurica

Et c'est également, d'ailleurs, ce qu'a bien compris son confrère de Genève LE TEMPS, pour qui parler de chaos de l’asile en Suisse, comme le fait régulièrement le parti UDC, relève de l’indécence. Même si la Suisse a subi, c'est vrai, une hausse des demandes d’asile de 20% si l’on compare les sept premiers mois de l’année à la même période en 2014, le pays reste toutefois moins attractif que bon nombre de ses voisins européens. Voilà pourquoi, dans la campagne qui agite le pays à la veille des élections fédérales, l’asile, thème électoral par excellence, aspirateur à électeurs, doit retrouver sa juste place, sans instrumentalisation malsaine ni exagération déplacée. Et le journal d'en conclure : la Suisse n’est ni le pays le plus «généreux», ni le plus «attractif», des arguments pourtant bien souvent mis en avant pour justifier des tours de vis législatifs.

> Migrants, réfugiés, demandeurs d'asile en Europe : les chiffres et les mots**** **

Migrants et demandeurs d'asile en UE, 1er semestre 2015
Migrants et demandeurs d'asile en UE, 1er semestre 2015
© Radio France - Camille Renard

Et à ce titre, justement, il est une question qui touche à un aspect très profond de l’américanité et qui agite fortement la campagne présidentielle de 2016 aux Etats-Unis, celle du droit du sol.
L’Amérique serait-elle prête à abolir ce qui est l’une de ses marques de fabrique ? En tête des sondages dans la course à l’investiture républicaine, Donald Trump le martèle à chaque meeting électoral : il faut abolir le droit du sol pour l’acquisition de la nationalité américaine. Le milliardaire new-yorkais, dont les slogans pourtant simplistes font mouche, tient depuis plusieurs semaines un discours anti-immigration d’une rare violence, considérant que bon nombre d’immigrants mexicains notamment sont des criminels ou des violeurs. Rien de moins.

U.S. Republican presidential candidate Donald Trump speaks during a news conference regarding issues on undocumented immigrants.
U.S. Republican presidential candidate Donald Trump speaks during a news conference regarding issues on undocumented immigrants.
© Reuters - Jonathan Alcorn

Il y a quelques jours en Iowa, précise toujours le correspondant du journal helvétique, Trump a notamment dénoncé les «bébés d’ancrage», un terme péjoratif pour décrire les enfants nés de parents clandestins aux Etats-Unis. Pour lui, leur naissance procède d’une stratégie délibérée de leurs géniteurs, pour rester dans le pays et faciliter leur chemin vers la citoyenneté. Or les faits démentent son analyse, puisqu'entre avril et septembre 2011, 46 000 parents clandestins dont les enfants ont acquis la nationalité américaine par la naissance ont été expulsés du pays.

Et quand bien même, précise ce matin le site de la chaîne américaine CNN, Jeb Bush juge irréalistes et même inconstitutionnelles les propositions de son adversaire à la primaire, plusieurs candidats à la Maison-Blanche, sous l’impulsion de Donald Trump, Scott Walker, Ted Cruz ou Rand Paul, pour ne citer qu'eux, exigent désormais à leur tour l’abolition du droit du sol.

Enfin pour terminer, la bande annonce ce matin de l’actualité

Bande annonce de Scream de Wes Craven

27 sec

Vous aurez sans doute reconnu la bande d'annonce de Scream .

Wes Craven, le maître de l'horreur est décédé hier des suites d'un cancer du cerveau, a déclaré son manager au LOS ANGELES TIMES. Mais une fois encore, ce matin, l'actualité nous prouve que la liste des scenarii destinés à nous faire peur est encore longue.

Par Thomas CLUZEL

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