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Test grandeur nature des candidats républicains à la présidentielle

Test grandeur nature des candidats républicains à la présidentielle

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Par Paul Krugman

Est-ce que le krach boursier chinois va déclencher une nouvelle crise financière mondiale ?

Probablement pas. Pourtant, les aléas des marchés financiers de la semaine dernière nous rappellent que le prochain président aura à gérer le même genre de problème que ceux qu’ont eu à résoudre George W Bush et Barack Obama. L’instabilité financière demeure.

Voilà donc un exercice : comment réagiraient les hommes et les femmes qui aimeraient être président si une crise survenait sous leur égide ?

Et du côté républicain au moins, la réponse, c’est en fanfaronnant et en tapant sur la Chine.

On ne voit aucun signe venant des candidats du GOP indiquant qu’ils comprennent le problème ou les décisions à prendre si l’économie mondiale se heurtait à un nouvel écueil.

Prenons l’exemple de Scott Walker, le gouverneur du Wisconsin. Walker était censé être un candidat impressionnant, appartenant à l’équipe de premier ordre du parti composée de ces gouverneurs actuels ou passés qui savent comment faire les choses. Que suggère-t-il donc à Obama ? Eh bien d’annuler la visite prévue en Amérique de Xi Jinping, le dirigeant chinois. Ca règlerait les choses !

Il y a aussi Donald Trump, qui apprécie, de temps en temps, une petite pause dans ses diatribes anti immigrants pour se plaindre que la Chine tire profit de la faiblesse des dirigeants américains. L’on pourrait penser qu’une économie chinoise qui flanche aurait du mal à trouver sa place dans cette vision du monde. Mais non, il a simplement déclaré que les marchés américains semblaient troublés parce qu’Obama a laissé la Chine "dicter son propre programme". Qu’est-ce que cela signifie ? Je n’en ai aucune idée – mais lui non plus.

D’ailleurs, il y a cinq ans, nous avions de vraies raisons de nous plaindre de la monnaie chinoise sous-évaluée. Mais l’inflation chinoise et l’augmentation de la concurrence ont largement réduit ce problème.
Revenons à cette équipe talentueuse : Chris Christie, un autre gouverneur qui, il n’y a pas si longtemps était vu comme la nouvelle grande sensation, s’est montré plus compréhensible. Selon lui, la raison pour laquelle les marchés américains ont été éprouvés par les évènements en Chine, c’est que les déficits budgétaires américains, qui, d’après lui, nous ont endettés auprès des chinois et nous ont donc rendus vulnérables à leurs soucis. Cette fable économique atteint presque un niveau cohérent.

Le marché américain a-t-il plongé parce que les investisseurs chinois ont sabré les crédits ? Eh bien non. Si notre dette envers la Chine était le problème, nous aurions vu les taux d’intérêts américains grimper en flèche alors que ceux de la Chine se seraient effondrés. A la place, les taux d’intérêts ont chuté.

Mais il y a un léger prétexte pour que Christie s’empare aussi facilement de ce fantasme précis : les histoires à faire peur qui mettent en scène le fait que la Chine est propriétaire de la dette américaine sont des rengaines républicaines depuis des années. Elles ont notamment été les chouchoutes de Mitt Romney lors de la campagne de 2012.

Et l’on peut voir pourquoi. "Obama met l’Amérique en danger en empruntant en Chine", voilà une réplique politique parfait, qui joue à la fois sur le fétichisme des déficits, la xénophobie et cette affirmation perpétuelle selon laquelle les démocrates ne défendent pas l’Amérique. L’Amérique ! L’Amérique ! Là aussi c’est complètement ridicule mais apparemment ça n’est pas important.

En fait, dire n’importe quoi en matière de crise économique est un prérequis essentiel du poste pour quiconque espère être nommé comme candidat républicain à la présidentielle.

Afin de comprendre pourquoi, il nous faut revenir à la vie politique de 2009, lorsque la nouvelle administration Obama tentait de gérer la crise la plus terrifiante depuis les années 1930. L’administration sortante de Bush avait déjà conçus un renflouement des banques mais l’équipe Obama renforça cet effort avec un programme temporaire de déficit budgétaire, alors que la Réserve Fédérale tentait de soutenir l’économie en faisant l’acquisition de nombreux actifs.

Et de l’autre côté de l’échiquier, les républicains prédisaient le désastre. Ils insistaient sur le fait que le déficit budgétaire allait causer une flambée des taux d’intérêts et la banqueroute : les efforts de la Fed allaient "déprécier le dollar" et produire une inflation galopante.

Rien de tout ceci ne s’est produit. Les taux d’intérêts sont restés très bas, tout comme l’inflation. Mais le GOP n’a jamais reconnu le fait qu’après six années à avoir tort sur tout, toutes les mauvaises choses qu’il avait prédit ne s’étaient jamais réalisées ou montré la moindre velléité de repenser les doctrines qui avaient mené à ces mauvaises prédictions. Au contraire, les dirigeants du parti ne cessaient de parler, année après année, comme si les désastres qu’ils avaient prédits étaient réellement en train de se produire.
Aujourd’hui on nous rappelle que quelque chose comme cette dernière crise pourrait se produire à nouveau – ce qui signifie qu’il se pourrait bien que l’on ait besoin d’une redite de ces mesures qui ont aidé à contenir les dommages la dernière fois. Mais aucun républicain n’ose proposer une telle chose.

A la place, même les candidats soi-disant raisonnables appellent de leurs vœux des mesures destructrices. Ainsi John Kasich est dépeint comme un républicain différent parce qu’en tant que gouverneur, il a approuvé l’extension de Medicaid dans l’Ohio, mais cette initiative phare est un appel pour un amendement d’équilibre du budget, qui nuirait à la vie politique dans une crise.
Ce qu’il faut retenir, c’est qu’un côté de l’échiquier politique est déterminé à ne rien retenir de ces expériences économiques de ces dernières années. Si l’un de ces candidats finit par se retrouver au pouvoir lors de la prochaine crise, il nous faudra avoir très, très peur.

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