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Libération
Récit

A Marseille, une élue PS jugée pour avoir refusé de marier deux femmes

Une ancienne adjointe de Samia Ghali comparaît le mardi devant le tribunal pour avoir refusé de célébrer un mariage homosexuel, en août 2014.
par Stéphanie Harounyan, (à Marseille)
publié le 1er septembre 2015 à 8h54

La colère est un peu retombée, pas le sentiment d'injustice. Claude et Hélène attendent beaucoup de l'audience qui se tiendra mardi au tribunal correctionnel de Marseille. Face à elles, Sabrina Hout, une ancienne adjointe à la mairie des XVe et XVIe arrondissements (celle de la sénatrice PS Samia Ghali) que les deux femmes accusent de discrimination en raison de leur orientation sexuelle. En cause, l'annulation de leur mariage, que l'élue avait fait célébrer au dernier moment par un conseiller d'arrondissement, non habilité à le faire.

«Venez en tongs et bermudas.» C'est la seule touche hors du commun que Claude et Hélène avaient voulu apporter à leur mariage. Après douze ans de vie commune et alors que la loi sur le mariage pour tous venait d'être votée, les deux femmes ont décidé de sauter le pas, entourées de leurs familles, amis et collègues. Le 16 août 2014, 80 personnes sont réunies autour d'elles à la mairie. Une belle journée balayée d'un simple coup de fil, trois semaines plus tard. «C'était Samia Ghali qui m'annonçait que notre mariage allait être annulé, raconte Claude. Le soir même, on a commencé à cogiter et en regardant les photos de mariage, on s'est rendu compte que le nom indiqué sur le cavalier ne correspondait pas à la photo de l'élu trouvée sur Internet.» Les actes de mariage, eux, sont pourtant signés par Sabrina Hout. Un faux, donc. Samia Ghali, que les deux femmes rencontrent dès le lendemain, leur indique que sur ce point, le procureur a été saisi.

«Une claque»

Devant les policiers, Sabrina Hout assure que, le jour des noces, elle ne s'est pas sentie bien, ce qui explique sa défection. Sauf qu'elle a bien célébré les quatre autres mariages suivants le même jour. Et surtout, dans les PV accompagnant la demande d'annulation du mariage, le couple découvre que trois témoins assurent que c'était en raison de ses convictions religieuses – l'élue est musulmane – qu'elle ne souhaitait pas célébrer l'union de deux personnes du même sexe. Une claque pour Claude et Hélène, d'autant plus forte qu'en septembre, le procureur décide de ne faire qu'un simple rappel à la loi, classant donc l'affaire sans suite. «C'est ce qui nous a fait réagir, relève Hélène. Durant douze ans, nous n'avons jamais été victimes de discrimination. Le fait que pour la première fois, cela se passe dans une mairie, c'était inacceptable. Nous ne voulons pas sa tête, mais nous sommes des victimes et pour nous, c'était important que la société reconnaisse son erreur.»

Le couple décide de porter plainte pour discrimination. L'association Mousse, qui lutte contre les discriminations sexuelles, et SOS Homophobie se portent parties civiles à leurs côtés. «Cette affaire, la première du genre en France, n'est pas anodine, assure Yohann Roszéwitch, président de SOS Homophobie. On avait l'impression que le débat était clos, mais l'homophobie ordinaire s'est ancrée : on espérait que ça se calme mais on en est encore en 2014 à plus de 40% de hausse par rapport à 2011, l'année précédant le débat sur le mariage pour tous.»

Remariage

Du côté de la mairie de secteur, on assure que l'affaire est aujourd'hui politiquement classée : l'élue a perdu sa délégation et Samia Ghali a procédé au remariage de Claude et Hélène. Sabrina Hout, elle, tout en réfutant les accusations de discrimination, a cherché à rencontrer les mariées, en vain. «Elle est très éprouvée par cette procédure, assure Me Alain Lhote, son avocat. Elle assure n'avoir aucun sentiment homophobe et répétera devant le tribunal qu'elle regrette toute cette histoire.» L'avocat demandera pour elle la non-inscription de la condamnation au casier judiciaire, l'intéressée étant par ailleurs fonctionnaire.

Depuis l'annulation de leur mariage en novembre dernier, Claude et Hélène se sont redit «oui» en petit comité. «C'était plus une régularisation qu'un remariage pour nous, précise Claude. Cet été, on a passé notre premier 16 août après cette affaire et c'était vraiment dur… Peut-être qu'avec le temps, ça s'estompera.»

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