
« Ashley Madison a créé plus de 70 000 bots de femmes pour envoyer aux utilisateurs masculins des millions de faux messages, afin de créer l’illusion d’un vaste terrain de jeu rempli de femmes disponibles. » C’est la conclusion à laquelle est parvenu le site Gizmodo après avoir analysé des données de l’entreprise, publiées en ligne le mois dernier par un groupe de hackeurs se faisant appeler « The Impact Team ».
Dans un article publié lundi 31 août, Gizmodo évoque une « armée de robots », fabriqués par ce site de rencontres adultères. Sur ces 70 529 « bots » recensés, seuls 43 incarneraient des hommes. Une importante partie de ces faux comptes seraient liés à des adresses IP « qui suggèrent qu’ils ont été créés par des personnes travaillant dans les bureaux d’Ashley Madison ». La plupart utilisent des adresses e-mail finissant par « ashleymadison.com ».
« Je suis sexy, discrète et partante pour un tchat coquin »
Les faux comptes, créés par des employés de l’entreprise, prenaient ensuite vie grâce à ces « bots », qui engageaient la conversation avec les hommes. Le programme dispose de plusieurs phrases d’accroche possibles : « Salut », « Comment ça va ? », « Tu es là ? », « Alors, qu’est-ce que tu fais ici ? », « Dispo pour un tchat ? ». Une fois que l’utilisateur entrait dans la discussion, d’autres phrases étaient programmées :
« Hmmmm, quand j’étais plus jeune je couchais avec les petits amis de mes copines. J’imagine que les habitudes ont la vie dure, bien que je ne pourrais pas coucher avec leurs maris. »
« Je suis sexy, discrète, et toujours partante pour un tchat coquin. J’aimerais bien te rencontrer en personne si on apprend à se connaître et qu’on pense qu’il pourrait y avoir une bonne connexion entre nous. Ça t’intéresse ? »
Gizmodo affirme que 20 millions d’hommes ont été contactés par ces robots, et 11 millions ont discuté avec eux. Leur mission : pousser ces hommes à acheter des « crédits » sur le site, pour leur permettre d’échanger plus longuement avec leur interlocutrice.
32 millions de comptes piratés
Le site révèle aussi qu’un ingénieur a travaillé sur la possibilité d’embaucher de vraies femmes pour échanger avec les utilisateurs, calculant les bénéfices que l’entreprise pourrait en tirer. L’idée était de leur fournir 5 % des bénéfices, si elles réussissaient à faire payer leur interlocuteur.
Cette enquête vient confirmer en partie ce que les hackeurs de The Impact Team dénonçaient. A la mi-juillet, ils avaient affirmé avoir piraté les serveurs du site et menaçaient de rendre les données publiques si Avis Life Media (ALM), l’entreprise canadienne qui édite le site, ne fermait pas ce service. Ils reprochaient notamment à Ashley Madison de fournir un service mensonger, et d’avoir commercialisé une option, payante, pour qu’un utilisateur supprime toutes ses données du site. Mais en réalité, toutes les données ne seraient pas supprimées – l’adresse e-mail ou le numéro de carte bleue des utilisateurs étaient conservés.
La menace a été mise à exécution en août, avec pas moins de 9,7 gigaoctets de données liées à 32 millions de comptes publiés en ligne, comportant les adresses, numéros de téléphone ou encore les préférences sexuelles des utilisateurs du site.
Guerre des chiffres
La semaine dernière, Gizmodo avait affirmé, après avoir analysé ces données, que la part de femmes présentes sur le site était infime, ne dépassant pas quelques milliers de membres. Le site est revenu sur ces affirmations, expliquant qu’elles étaient fondées sur des documents incomplets. Mais c’est en examinant l’intégralité des données que le site s’est rendu compte qu’une grande partie des profils féminins étaient en réalité des robots :
« Soit ils ont fait cela parce que le nombre de vraies femmes était minuscule, soit parce qu’ils ne voulaient pas que des hommes rencontrent des vraies femmes et cessent d’acheter des crédits. »
Des affirmations appuyées mardi par Michelle McGee, un mannequin qui avait servi de visage à la marque en 2010. Bien qu’elle n’ait jamais utilisé son profil sur le site, qu’elle avait dû créer dans le cadre de son contrat, elle affirme que son compte a contacté des inconnus à son insu. « Je crois qu’ils ont utilisé mon profil pour leurrer des gens », confie-t-elle au site Inside Edition. « Je pense qu’il y a de vraies femmes là-dessus, mais ce sont des escrocs ou des filles du porno qui veulent gagner de l’argent. »
Lundi, ALM avait démenti le ratio hommes-femmes présenté par Gizmodo, et avait même affirmé dans un communiqué avoir gagné, en une semaine, « des centaines de milliers de nouveaux utilisateurs, parmi lesquels 87 596 femmes ». Des chiffres difficiles à vérifier, et encore plus à croire, pour un site de rencontres adultères qui a non seulement prouvé que les données de ses utilisateurs n’étaient pas en sécurité, mais leur a aussi menti en leur vendant un service incomplet de suppression de leur compte.
Voir les contributions
Réutiliser ce contenu