TERRORISMELes fabricants français de vêtements se méfient du coton «made in Daesh»

Les fabricants français de vêtements se méfient du coton «made in Daesh»

TERRORISMEAlors que l'organisation terroriste s'est emparé de la production syrienne de coton, les grandes marques françaises s'inquiètent d'utiliser ce tissu...
Des combattants de Daesh en Irak, le 24 février 2015
Des combattants de Daesh en Irak, le 24 février 2015 - Uncredited/AP/SIPA
20 Minutes avec AFP

20 Minutes avec AFP

Finance-t-on des attentats terroristes de Daesh en achetant un T-shirt ? La question inquiète les fabricants de vêtements français. En effet, l’organisation Etat islamique (EI) a mis la main sur la production syrienne de coton, un risque pris au sérieux par certains fabricants de vêtements qui veillent de près à leur image, même si la possibilité de retrouver dans nos habits du coton « Made in Daesh » est limitée. Outre le pétrole et le blé des plaines céréalières, les djihadistes ont pris le contrôle des « trois quarts de la production de coton », dont la Syrie était un exportateur relativement important avant la guerre, indique Jean-Charles Brisard, spécialiste du financement du terrorisme.

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Les maisons de luxe parisiennes se méfient

Dans les plus grandes maisons de luxe de Paris, le sujet est d’actualité. Sous couvert d’anonymat, une source chargée des approvisionnements pour les collections haute couture d’une enseigne prestigieuse reconnaît se montrer particulièrement vigilante sur la provenance des tissus. « Notre fournisseur habituel nous a envoyé cet été des rouleaux de tissu sans le bordereau d’origine, nous avons demandé aux ateliers de ne pas y toucher en attendant d’avoir tous les certificats requis. » « Vous imaginez ! Se retrouver avec un coton fourni par Daesh ! » ajoute-t-elle après une pause.

La Syrie, un des principaux fournisseurs de la Turquie

Car tout près des zones contrôlées par les djihadistes se trouve la Turquie, deuxième fournisseur de textiles de l’Union européenne, le troisième pour l’habillement (quatrième pour la France), selon des données compilées par l’Union des industries textiles (UIT). Aujourd’hui, l’inquiétude est que des grossistes turcs utilisent du coton vendu à bas prix par Daesh, avide de toute source de financement. La Turquie, importatrice nette de coton pour la fabrication de vêtements, compte parmi ses principaux fournisseurs « les Etats-Unis, la Grèce, l’Ouzbékistan, l’Egypte… et historiquement la Syrie », souligne Emmanuelle Butaud-Stubbs, déléguée générale de l’Union des industries textiles (UIT). Les exportations de coton syrien vers la Turquie avaient grimpé dans les années 1990, avant de refluer à partir de 2008.

Selon des cotonniers syriens interrogés par l’AFP, l’EI envoyait jusqu’à très récemment en Turquie le coton non égrené (brut), cultivé dans la région de Raqqa et Deir ez-Zor (soit un tiers de la production syrienne). Mais ces derniers temps, la Turquie a officiellement refusé de recevoir ce coton, pour des raisons inconnues - peut-être des pressions américaines -, selon ces mêmes sources.

La guerre a mis à mal la production de coton

L’EI revend donc désormais le coton à des intermédiaires qui les transportent vers des centres d’égrenage, où est traité le coton brut, dans des régions tenues par le régime de Bachar Al-Assad, car l’égrenage, tout comme l’exportation, est monopole d’Etat en Syrie. Ces centres d’égrenage se trouvent notamment à Hama et Homs. A cause du conflit, « il est difficile d’avoir une image précise de ce qui se passe réellement sur le terrain. Si du coton syrien passe en Turquie, cela se fait probablement par des canaux non-officiels », estime José Sette, directeur exécutif de l’ICAC, organisme représentant les pays producteurs et consommateurs de coton, auquel adhérait la Syrie jusqu’en 2013.

Le conflit a provoqué l’effondrement de la production, passée de 600.000 tonnes/an à un volume compris entre 70.000 et 100.000 tonnes aujourd’hui, dont 3.000 tonnes sont officiellement exportées, selon les estimations de l’ICAC. « Même en supposant que toute la production syrienne (…) passe en Turquie, ce qui est hautement improbable, cela ne représenterait que 5 % du coton utilisé » par ce pays, souligne M. Sette, qui juge « injuste » de ternir la réputation de l’industrie textile turque sur un « chiffre si petit et vague ».

Un risque très limité

« Compte tenu de tous ces éléments (…) la proportion de produits finis cotonniers importés par la France de Turquie et réalisés à partir de coton syrien issu de champs contrôlés par Daesh est proche de zéro », estime Mme Butaud-Stubbs. Le groupe de luxe et d’habillement sportif Kering (Gucci, Puma, Saint Laurent) se dit d’ailleurs serein : « une grande majorité du coton acheté par (le groupe) vient de fournisseurs basés en Chine, au Bangladesh, en Italie ou aux États-Unis. Le risque posé à Kering est donc mineur, car la Turquie représente une part infime des achats de coton du groupe », explique le service de communication.

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