Allemagne: la multiplication des attaques contre les réfugiés dans l'Est inquiète

Un sticker apposé sur un lampadaire clame, le 27 juillet 2015 à Freital, en Saxe: "S'il vous plaît, fuyez un peu plus loin! Il n'y a rien pour vous accueillir ici! Les réfugiés ne sont pas les bienvenus!"

© TOBIAS SCHWARZ

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Par AFP

La multiplication récente en ex-Allemagne de l'Est des agressions d'extrême droite visant des réfugiés a relancé le débat sur l'ex-RDA, soupçonnée d'être plus raciste que le reste du pays sur fond de différences historiques et socio-économiques.

Depuis plusieurs mois, l'Allemagne, qui fait face à un afflux inédit de candidats à l'asile, ne cesse de réévaluer à la hausse ses prévisions en matière d'accueil des candidats à l'asile : 800 000 en 2015, selon les dernières estimations, un record.

Parallèlement, les attaques (incendies, menaces, agressions...) contre les demandeurs d'asile ou foyers d'accueil pour réfugiés se sont multipliées, notamment à l'Est du pays, dans des Etats régionaux (Länder) qui formaient, avant la chute du Mur en novembre 1989, l'ex-RDA (Brandebourg, Mecklembourg, Saxe-Anhalt, Saxe et Thuringe).

Les politiques ont fermement condamné ces actes, certains pointant une Allemagne ex-communiste, 25 ans après la réunification, plus raciste que le reste du pays, car la dénazification y était largement absente durant l'après-guerre et les "étrangers" n'y étant que très peu nombreux.

"Pendant des dizaines d'années", sous le régime verrouillé de la RDA, "les gens n'ont pas connu d'autres cultures. Vivre avec des gens issus de l'immigration doit s'apprendre", estimait lundi dans le journal Die Welt Roger Lewentz, ministre de l'Intérieur de Rhénanie-Palatinat (ouest).

Cette image d'une Allemagne de l'Est "brune" a fait bondir les dirigeants concernés : "nous parlons d'un problème qui concerne l'Allemagne" dans son ensemble "et que nous devons combattre collectivement", a ainsi martelé Bodo Ramelow, président du parti de gauche radicale Die Linke de Thuringe.

"Pas un conflit Est-Ouest"

Et la chancelière Angela Merkel, elle-même originaire d'ex-RDA, a bien insisté lundi sur le fait qu'elle ne voulait "pas transformer cela en un conflit Est-Ouest".

Mais de fait, en 2014, 47% des violences racistes ont été commises en ex-Allemagne de l'Est, dont les cinq Länder n'accueillent pourtant que 16% des réfugiés et "où ne vit que 17% de la population", a rappelé cette semaine l'hebdomadaire Der Spiegel.

Principal foyer de ces violences, la Saxe: théâtre de 42 des 202 attaques perpétrées dans tout le pays contre des foyers de réfugiés entre janvier et juin. C'est encore là que fin août des heurts ont opposé police et militants d'extrême droite.

La capitale régionale est aussi le berceau du mouvement anti-islam et anti-réfugiés Pegida (Patriotes européens contre l'islamisation de l'Occident), lancé l'automne dernier et qui a connu son heure de gloire en janvier, en rassemblant 25 000 personnes après les attentats contre Charlie Hebdo.

Déjà, au début des années 1990, peu après la chute du Mur de Berlin, l'Allemagne, alors en proie aux difficultés économiques liées à la Réunification, avait dû faire face à un afflux massif de réfugiés en provenance d'ex-Yougoslavie.

Une vague d'attaques contre des foyers de réfugiés avait eu lieu alors "principalement" en Allemagne de l'Est, la plus emblématique restant celle menée "contre une tour habitée par des Vietnamiens à Rostock", relève Nele Katharina Wissmann, chercheuse à l'Institut français des relations internationales (Ifri).

"Frustrés et furieux"

Par la suite, des "petits partis néonazis", comme le NPD ou Der III Weg (La troisième voie), y ont fait leur lit et disposent encore de quelques bastions, à l'image de Dresde et, plus largement, de la Saxe, explique l'universitaire.

Pour le politologue Hajo Funke, enseignant à la Freie Universität Berlin, la persistance d'une idéologie d'extrême-droite en Allemagne, 70 ans après la chute du IIIe Reich, est en partie le "résultat des bouleversements" subis par l'ex-RDA dans les années 90.

"Une génération de parents s'est retrouvée économiquement désemparée et leurs enfants se sont retrouvés désorientés, furieux et frustrés", explique l'universitaire.

Encore maintenant, le chômage dans les Länder de l'Est atteint 9,2%, contre 6,4% pour la moyenne nationale.

Et comme le relève M. Funke, le trio de la NSU, groupe responsable de la pire série de meurtres racistes en Allemagne depuis l'après-guerre, était originaire de Thuringe. L'unique rescapée du trio, Beate Zschäpe, 40 ans, est actuellement jugée à Munich pour son implication notamment dans une dizaine de meurtres.

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