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Une étude révèle la dangerosité de l'«effet cocktail» des molécules

Des composés présents dans une pilule contraceptive et un pesticide, inoffensifs à faible dose, peuvent avoir des effets négatifs lorsqu'ils sont combinés. Démonstration d'une équipe de chercheurs français.
par Gabriel Siméon
publié le 3 septembre 2015 à 13h01

«Ça va redéfinir beaucoup de choses», prévient Patrick Balaguer. L'étude que le chercheur a menée avec plusieurs collègues de l'Institut de recherche en cancérologie de Montpellier (IRCM) et onze autres scientifiques, publiée ce jeudi dans la revue Nature Communications, démontre que l'«effet cocktail» est loin d'être un mythe inventé de toutes pièces par les défenseurs du principe de précaution.

L'effet cocktail désigne le pouvoir de plusieurs substances chimiques, lorsqu'elles sont associées, à induire un effet toxique pour l'organisme à des doses auxquelles chacune est habituellement inoffensive prise séparément. «Nous sommes quotidiennement exposés à de multiples composés exogènes tels des polluants environnementaux, des médicaments ou des substances provenant de notre alimentation», écrit l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), soulignant que leur combinaison pourrait exacerber leur toxicité.

Perturbateur endocrinien

Patrick Balaguer et son équipe l'ont en tout cas démontré pour deux composés : l'éthinylestradiol (que l'on trouve dans les pilules contraceptives) et le trans-nonachlor (un pesticide organochloré). En analysant leur comportement à l'échelle moléculaire, les chercheurs ont découvert que ceux-ci se liaient «coopérativement» à un récepteur exprimé dans le foie pour l'activer. Le récepteur en question est chargé de protéger le corps contre des substances étrangères potentiellement toxiques. Or, «mieux vaut éviter de l'activer chez une personne suivant un traitement contre le cancer», observe le directeur de recherche, sous peine que ce traitement soit contré par le récepteur.

«C'est la première fois qu'on montre ce type d'effet cocktail. Auparavant, on ne se doutait pas que deux molécules pouvaient agir sur une même cible», poursuit-il. Et devenir, à deux, un perturbateur endocrinien (ces substances suspectées d'interagir avec des protéines régulatrices de nos cellules et de causer des troubles physiologiques et métaboliques).

Preuve de concept

«Ces résultats obtenus in vitro constituent une preuve de concept qui ouvre la voie à un large champ d'études. Il existe effectivement dans notre environnement environ 150 000 composés dont l'action combinée pourrait avoir des effets inattendus sur la santé humaine au regard de leur innocuité reconnue ou supposée en tant que substances isolées», prévient l'Inserm.

Les auteurs de l'étude ne comptent pas s'arrêter là. Ils suspectent d'autres molécules médicamenteuses d'avoir des effets de synergie similaires. Et donc nocifs. «On voudrait étudier les effets de 1 600 médicaments en couple», explique Patrick Balaguer. Pour le moment, rien n'oblige les groupes pharmaceutiques à le faire avant la mise sur le marché d'un nouveau produit.

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