Dénoncer l’Etat islamique et... refuser d’aider ses victimes
"Dénoncer l'horreur islamiste tout en refusant l'actuelle vague de demandeurs d'asile - les premières et véritables victimes de ce radicalisme – est incompatible, voire humainement incompréhensible". Un édito de Dorian de Meeûs.
- Publié le 04-09-2015 à 16h18
- Mis à jour le 05-09-2015 à 13h22
Un édito de Dorian de Meeûs
Il est Syrien. Père de famille, il vient de Kobané, ville détruite après avoir été à deux reprises un champ de bataille de l’Etat islamique. Actuellement, l’homme se réfugie en dessous d’un pont à côté de la gare de Budapest en Hongrie en attente d’un train pouvant l’emmener en Allemagne. Son témoignage se résume ainsi : "Je préfère mourir que retourner à Kobané dans les bras de l'Etat islamique qui veut nous torturer, nous pendre, nous tuer".
L’Etat islamique, dispersé partiellement en Irak et en Syrie, nous a presque habitués à ses horreurs : hommes brûlés vifs, femmes lapidées en public, enfants égorgés, macabres mises en scène d’homosexuels jetés depuis des sommets d’immeubles avant d’être achevés, cadavres mutilés, marchés d’esclaves sexuelles, chrétiens crucifiés, corps décapités,… La liste de l’horreur est infinie. Vu les atroces et violentes mises en scènes, les rédactions s’abstiennent souvent de diffuser certaines images pour ne pas entrer dans le piège tendu par Daech. Le groupe aspire à terroriser toujours plus la planète.
Dénoncer ces actes, condamner Daech, se révolter contre ces pratiques barbares, c’est facile depuis la Belgique. Mais voilà, les opposants les plus virulents à l’islamisme radical sur les réseaux sociaux sont souvent les plus fervents opposants à l’accueil des réfugiés chez nous. Ils devraient pourtant, au contraire, comprendre et soutenir ces populations qui sont prêtes à tout pour fuir ce théâtre macabre qu’ils dénoncent tant.
Dénoncer l'horreur islamiste tout en refusant l'actuelle vague de demandeurs d'asile - les premières et véritables victimes de ce radicalisme – est incompatible, voire humainement incompréhensible.
Fuir l’innommable folie guerrière
La principale crainte avancée est celle d’un risque de basculement de notre ‘vivre ensemble’, comme si ces quelques millions de réfugiés qui fuient les fous de dieu allaient bousculer notre société européenne de plus de 500 millions d’habitants. Au contraire, ils pourront témoigner de l’horreur de ce radicalisme sans issue qu’ils ont vécu et fui. Ce sont des témoins vivants de faits en cours. Ils ont un devoir de mémoire envers leurs proches restés dans les campagnes et villes syriennes. S’ils étaient favorables à l’objectif final de Daech, ils seraient restés sur place au lieu de risquer leurs vies sur des zodiacs dégonflés.
Inutile de se voiler la face, une telle phobie existe et est de plus en plus répandue parmi les citoyens selon les enquêtes d’opinion. Certes, "on ne peut accueillir toute la misère du monde" quand la précarité est déjà un fléau dans nos régions, mais on doit pouvoir accepter un effort exceptionnel pour donner un espoir à ces milliers de personnes qui ont fui l’innommable folie guerrière sans aucune aide des pays du Golfe. Puis, verser une larme devant une photo qui fait le tour du monde ne résout (malheureusement) rien…
Comme on l’a constaté ces derniers mois avec les départs de jeunes en Syrie et des attentats réussis ou manqués, l’échec partiel du ‘vivre ensemble’ alimente sans doute une partie de la xénophobie et du repli sur soi. C’est pourquoi il est temps d’oser en parler franchement et lui donner les conditions de sa réussite.