Il est depuis plusieurs années considéré comme le mouton noir de l’Europe. Ses réformes de la Constitution, ses lois qui bâillonnent les médias lui ont déjà attiré à plusieurs reprises les foudres de ses partenaires européens. Mais avec sa gestion de la crise des réfugiés dans son pays, Viktor Orbán semble avoir passé un nouveau cap. “Le reste du continent doit s’opposer à ce régime malsain”, lance le journal britannique The Guardian dans un édito qui s’indigne du renforcement de la législation à l’encontre des migrants et de la barrière de barbelés érigée à la frontière avec la Serbie.

Le dirigeant hongrois est allé à contre-courant de l’esprit de générosité qui a émergé en Europe, selon The Guardian. “Des personnes désespérées, syriennes pour la plupart, ont été bloquées à la gare Keleti de Budapest et pourchassées par les policiers à coup de gaz lacrymogènes. On a dit aux réfugiés qu’ils allaient être emmenés vers l’Ouest, mais ils se sont aperçus avec désarroi qu’ils étaient en fait transférés dans des camps pour y être enregistrés. (…) Ces scènes lamentables en Hongrie vont entacher le bilan des droits de l’homme, et peut-être même la réputation du pays.”

Dans les colonnes du New York Times, l’ancienne ambassadrice américaine à Budapest Eleni Kounalakis relève que Viktor Orbán s’était bien préparé à l’afflux de réfugiés. Avant l’été, rappelle-t-elle, le gouvernement avait lancé une campagne anti-immigration. “Si vous venez en Hongrie, vous ne pouvez pas prendre le travail des Hongrois”, proclamaient les affiches… écrites en hongrois. Le message s’adressait donc aux Hongrois, analyse Eleni Kounalakis, Viktor Orbán “faisait un travail de fond pour immuniser le public hongrois contre tout sentiment de compassion envers ces supposés voleurs de travail”.

Sa priorité : la politique interne

Car la priorité d’Orbán, c’est la politique nationale, souligne Thomas Vieregge, dans le quotidien autrichien Die Presse. L’éditorialiste note que vendredi soir, alors que la tension était à son comble à la gare Keleti de Budapest, avec des milliers de migrants qui cherchaient un moyen de poursuivre leur chemin vers l’Autriche et l’Allemagne, le Premier ministre était… au stade, pour soutenir l’équipe de Hongrie. En début de soirée, il postait sur sa page Facebook “Allez les Hongrois”, qui s’apprêtaient à affronter la Roumanie en qualification pour l’Euro 2016. Quelques heures plus tard, après le feu vert de Vienne, des bus affrétés par le gouvernement emmenaient les réfugiés de la capitale hongroise vers l’Autriche.

“Les calculs de politique interne semblent être plus importants pour lui que son image et celle de son pays. Les attaques contre Angela Merkel, son alliée au Parlement européen, lui valent des bravos en Hongrie. (…) Il sait que la majorité de ses compatriotes le soutiennent”, souligne Thomas Vieregge, qui voit là “un fossé politique” resurgir entre l’Ouest et l’Est de l’Europe – la Slovaquie, la République tchèque et la Pologne ayant refusé, comme Budapest, la mise en œuvre de quotas de réfugiés dans l’UE. “L’époque de la solidarité, qui avait assoupli le communisme, appartient pour eux au passé.”

“La rhétorique xénophobe qui vient de Hongrie doit être affrontée avant d’encourager plus de nationalisme ailleurs en Europe”, répond en écho The Guardian, qui en appelle aux institutions européennes. “Les propos haineux de M. Orbán sur les musulmans qui seraient une menace pour la ‘civilisation européenne’, de même que ses références absurdes aux guerres d’un autre siècle avec les Ottomans, doivent être tenus pour ce qu’ils sont : une honte.”