Australie: la politique restrictive sur les migrants heurte l'opinion

Australie: la politique restrictive sur les migrants heurte l'opinion

Les migrants qui veulent gagner l'Australie sont repoussés en haute mer, ceux qui touchent terre sont incarcérés dans des camps au large mais
Des Australiens rassemblés le 7 septembre 2015 à Sydney à la mémoire d'Aylan Kurdi pour demander aux autorités de faire entrer davantage de réfugiés
Des Australiens rassemblés le 7 septembre 2015 à Sydney à la mémoire d'Aylan Kurdi pour demander aux autorités de faire entrer davantage de réfugiés - WILLIAM WEST AFP
© 2015 AFP

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Les migrants qui veulent gagner l'Australie sont repoussés en haute mer, ceux qui touchent terre sont incarcérés dans des camps au large mais

Alors que l'Europe a entrouvert sa porte face à sa plus grave crise migratoire depuis la Seconde Guerre mondiale, le gouvernement du Premier ministre conservateur Tony Abbott a interdit avec succès l'accès de son île. Aucun bateau de réfugiés n'a atteint ses rives depuis plus d'un an.

Ils étaient peu nombreux en 2008 mais en 2013, des embarcations chargées de migrants venus d'Afghanistan, du Sri Lanka et du Moyen-Orient arrivaient quasi quotidiennement. Des centaines de personnes sont mortes noyées dans les eaux dangereuses de l'Australie septentrionale.

Les réfugiés continuent d'être acceptés au titre d'un programme humanitaire limité à 13.500 places par an.

Mais surtout, les bateaux de clandestins sont systématiquement refoulés par les bâtiments de la marine australienne et le plus grand secret règne sur ces opérations en haute mer. Ceux qui parviennent quand même à passer sont exilés dans des camps de rétention sur deux îles du Pacifique.

Il n'y a plus de noyades mais les défenseurs des droits de l'Homme dénoncent sans relâche l'incarcération des demandeurs d'asile, y compris des enfants, pour des périodes indéfinies, politique cruelle qui viole les obligations légales de l'Australie. Des enfants ont subi des abus sexuels dans ces camps qui accueillent plus de 1.500 personnes, des migrants s'y sont suicidés, accusent-ils encore.

L'opinion est restée largement à l'écart de la controverse. Mais les images du corps d'Aylan Kurdi, le petit syrien de trois ans échoué sur une plage turque, qui ont choqué le monde entier, commencent à faire bouger les lignes.

- 'Ouvrez la porte' -

Des milliers d'Australiens se sont rassemblés à travers le pays lundi à la mémoire d'Aylan Kurdi pour demander aux autorités de faire entrer davantage de réfugiés dans ce pays multiculturel nourri par des vagues d'immigration successives. «Nous avons tous été émus aux larmes par les images poignantes de cet enfant noyé», a reconnu devant le Parlement Tony Abbott.

L'Australie va prendre sa part du fardeau, a-t-il assuré. «Le gouvernement a la ferme intention d'accueillir un nombre significatif de gens venant de Syrie cette année», a-t-il dit, sans toutefois avancer de chiffre.

Les associations humanitaires demandent à Canberra d’augmenter son programme d'accueil des réfugiés à 30.000.

«Notre gouvernement doit ouvrir son coeur, son esprit, sa porte», souligne Pamela Curr, du Centre de ressources pour les demandeurs d'asile.

Y compris au sein du Parti libéral (conservateur) du chef du gouvernement, qui soutenait jusqu'alors comme un seul homme sa politique de fermeté, des voix s'élèvent pour réclamer plus de générosité. Un parlementaire a même parlé d'accueillir 50.000 Syriens.

Mike Baird, le Premier ministre de Nouvelles-Galles du Sud, Etat le plus peuplé d'Australie, vient d'admettre que les autorités ne pouvaient se «borner à arrêter les bateaux». «On ne peut pas voir les images qu'on a vues, ressentir les choses qu'on a ressenties et continuer comme si de rien n'était».

- Déplacer le problème -

Néanmoins, il semble que l'Australie ne soit pas prête à cesser d'arrêter les bateaux.

Le ministre de l'Immigration Peter Dutton a souligné la semaine dernière que cette politique était essentielle pour éviter les désastres humanitaires. «Notre politique est respectueuse de la loi. Elle est sûre. Elle marche. Elle sauve des vies», a-t-il martelé.

Mais les ONG accusent l'Australie de se défausser.

Michelle Foster, spécialiste du droit d'asile à l'Université de Melbourne, explique que les gens qui arrivent illégalement par bateau sont dans leur grande majorité des réfugiés véritables.

«Un gouvernement qui renvoie les bateaux ne fait rien pour résoudre le problème global des réfugiés. Cela revient simplement à leur demander de chercher refuge ailleurs».

Sarah Joseph, directrice du centre Castan pour les droits de l'Homme à l'Université de Monash, dit qu'il est impossible de prouver les affirmations des autorités selon lesquelles des vies ont été sauvées. Les camps de rétention sur l'île de Manus, en Papouasie-Nouvelle-Guinée, ou sur l'île de Nauru, dans l'océan Pacifique, sont quoi qu'il en soit des «endroits déplorables», souligne-t-elle.

Elle note aussi que l'Europe ne pourrait pas mener ce genre de politique, vu sa proximité avec les zones de conflit et les arrivées massives de migrants. «Et où est-ce qu'il faudrait les renvoyer? Va-t-on dire aux gens +Ne vous inquiétez pas, restez en Syrie?+»

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