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A Singapour, le parti au pouvoir conforte son emprise sur le pays

La formation du premier ministre Lee Hsien Loong, le Parti d’action du peuple (PAP), a largement emporté les élections législatives anticipées, s’adjugeant 83 sièges sur 89.

Par  (Bangkok, correspondant en Asie du Sud-Est)

Publié le 12 septembre 2015 à 06h40, modifié le 12 septembre 2015 à 13h45

Temps de Lecture 3 min.

L'actuel premier ministre Lee Hsien Loong, a eu la main heureuse en décidant d’avancer les élections législatives alors que son mandat aurait pu se prolonger jusqu’au début de 2017.

Si la victoire électorale du parti au pouvoir à Singapour, vendredi 11 septembre, n’a rien d’étonnant, c’est l’ampleur de son succès qui constitue une surprise. Alors que nombre d’analystes prédisaient la poursuite d’un certain déclin du People’s Action Party (Parti d’action du peuple, PAP), la formation du premier ministre Lee Hsien Loong a gagné haut la main : 83 sièges sur 89 ! Une gifle pour le Worker’s Party (Parti des travailleurs, WP), la principale formation de l’opposition, qui prône l’extension des droits politiques dans un système de démocratie sous contrôle.

En ces temps de relatif ralentissement de l’économie de l’un des pays les plus riches du monde, le résultat est significatif et ne va pas manquer de renforcer la légitimité du PAP, un parti au pouvoir depuis cinquante-six ans.

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2015 aura décidément été une année marquante pour Singapour : en août, la cité-Etat a fêté le cinquantième anniversaire de son indépendance et il y a six mois disparaissait son fondateur Lee Kuan Yew, mort à 91 ans.

Son fils, l’actuel premier ministre Lee Hsien Loong, a eu la main heureuse en décidant d’avancer les élections législatives alors que son mandat aurait pu se prolonger jusqu’au début de 2017. Lors du scrutin de 2011, son parti avait marqué le pas en ne remportant que 60 % des voix contre près de 70 % vendredi.

Mais le chef du gouvernement a su capitaliser sur la vague de sympathie suscitée par la disparition de son père, à la formidable réputation : selon l’institut de sondage BlackBox, 80 % des personnes interrogées se disaient satisfaites des performances du gouvernement en mars, le mois de la mort de Lee senior, contre 72 % un an auparavant.

Engorgement démographique

Singapour a beau incarner la quintessence du succès asiatique, le fameux modèle tant vanté par son père fondateur commence cependant à donner des signes de fatigue : en termes de production industrielle par habitant, l’île reste le numéro trois mondial derrière la Suisse et le Japon, mais la domination du PAP sur la vie politique est de plus en plus critiquée par une jeunesse parfois un peu lasse de la gestion musclée et paternaliste de ses gouvernants.

Le long « règne » de Lee Kuan Yew (1959-1990) fut marqué par un pragmatisme parfois brutal faisant de lui une sorte de « dictateur bienveillant » qui emprisonnait ses adversaires, bannissait les syndicats et traduisait systématiquement en justice les journalistes critiquant son autoritarisme.

Le gouvernement est aussi l’objet de critiques d’ordre socio-économiques : alors que 30 % des quelque 5 millions et demi de Singapouriens sont désormais des étrangers, la population « de souche » s’agace de l’engorgement démographique de cet Etat minuscule (le territoire national est d’à peine 700 km2), tout en s’inquiétant de voir une proportion significative d’emplois lui échapper. Paradoxe : la réussite singapourienne s’est aussi construite sur l’apport de travailleurs étrangers aux bas salaires.

« La population a augmenté de 25 % en dix ans, surtout en raison d’un énorme afflux d’étrangers », constate l’économiste Manu Bhaskaran, directeur de Centennial Asia Advisors. « Il n’y a rien d’étonnant à ce que les Singapouriens s’en irritent, du fait de la densité de la population, de l’augmentation des loyers et d’une compétition accrue pour l’emploi et l’accès à de bonnes écoles pour leurs enfants. »

Evolution du « modèle » économique

Le pouvoir a compris la leçon : il a commencé depuis quelque temps à prendre des mesures destinées à ralentir l’arrivée d’étrangers tout en améliorant la couverture médicale pour la classe moyenne et les facilités d’accès à la propriété immobilière. Le gouvernement prône en outre une évolution du modèle économique en comptant sur le développement des biotechnologies et de la robotique dans le but de faire de l’île une plate-forme « high-tech » plus internationale. Mais les prévisions immédiates, en ces temps de récession, sont mitigées : la croissance en 2015 devrait osciller entre 2 % et 2,5 %, contre de 5 % à 10 % l’an durant la dernière décennie.

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Le succès du PAP traduit une réalité tangible : comme le dit le professeur de sciences politiques australien Michael Barr, le vote montre que « les Singapouriens ne se préoccupent pas trop des questions de liberté d’expression et de démocratie ». Les résultats du scrutin sont en effet la résultante de choix électoraux fondés sur la confiance dans la performance économique et l’amélioration de la qualité de vie plutôt que sur les perspectives de démocratisation du système.

Lee Kuan Yew proclamait que « la poésie est un luxe que l’on ne peut pas se permettre ». Si l’on considère que la démocratie est une sorte de poésie, la formule reste peut-être d’actualité.

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