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La Légion étrangère prend ses quartiers sur le plateau du Larzac

Trois décennies après l’emblématique mouvement, un collectif se mobilise contre un projet d’installation de la Légion étrangère... sans le soutien des figures historiques du Larzac.

Par  (La Cavalerie (Aveyron), envoyé spécial)

Publié le 09 septembre 2015 à 18h57, modifié le 13 septembre 2015 à 12h53

Temps de Lecture 4 min.

Devant le camp militaire, à La Cavalerie (Aveyron), en septembre.

Le Larzac va-t-il repartir en guerre contre son camp militaire ? Trente-quatre ans après la fin du long mouvement de désobéissance civile qui avait conduit, en 1981, à l’annulation du projet d’extension de la base, un collectif de paysans et d’habitants se mobilise contre le projet d’installation sur place de la 13e demi-brigade de la Légion étrangère, rapatriée d’Abou Dhabi. Une centaine de personnes ont manifesté, samedi 12 septembre, à Millau dans l’Aveyron. Le 5 septembre, devant la préfecture, une centaine de personnes avaient aussi brandi des banderoles proclamant « La Légion ni ici ni ailleurs ».

Une pétition a recueilli 2 500 signatures, un journal est en cours de fabrication et la lutte sur les réseaux sociaux s’organise, même si le terme de zone à défendre (ZAD), popularisé à Notre-Dame-des-Landes et Sivens, n’est pas encore évoqué. Le collectif d’opposant dénonce une décision soudaine et sans concertation. Il se dit soutenu par de nombreux habitants du Larzac et par une « nouvelle génération, notamment à Millau, qui n’a pas envie de voir débarquer un corps d’armée à la réputation sulfureuse, au lourd passé colonial », précise Joseph Pineau, porte-parole du collectif. A La Cavalerie, la commune de 1 100 habitants qui jouxte le camp, « un habitant sur deux sera un militaire, ce n’est pas ce que nous imaginions quand nous défendions ce territoire exceptionnel », ajoute M. Pineau.

« Le Larzac a toujours véhiculé un message de paix et de solidarité internationale, argumente Christian Roqueirol, membre de la Confédération paysanne. Nous avons construit ici un modèle de développement économique et agricole inédit qui fait ses preuves. Nous n’avons pas besoin de l’argent de l’armée, nous voulons des crédits civils pour préserver notre modèle. »

Pas sûr pourtant que le plateau du Larzac rejoue la lutte des années 1970. Sans projet d’extension du camp, sans expropriation d’agriculteurs, le projet d’installation de la Légion fait l’objet d’un large consensus politique et divise les paysans. Une page Facebook a été créée pour dire « Oui à la venue de la Légion étrangère sur le Larzac ».

Bruno Ferrand, maire de La Cavalerie, devant le camp militaire.

Pour Bruno Ferrand, le maire (sans étiquette) de La Cavalerie, « l’arrivée de la Légion est une aubaine pour une commune qui veut se développer ». L’élu a dans ses cartons la création d’un centre commercial « village de marques » et se réjouit de l’arrivée des militaires. Selon la décision officialisée le 31 juillet, « 460 hommes vont arriver en 2016 au camp de La Cavalerie. Avec les familles, les compagnes, cela peut représenter 1 000 personnes, cela dans le cadre de la refonte militaire », confirme le lieutenant-colonel Jean­-Philippe Mouille, au Sirpa Terre.

D’ici à 2018, près de 1 200 bérets verts et autres personnels devraient s’installer ou transiter par le camp de 3 000 hectares, avec un investissement de 40 millions d’euros à l’appui. Les 180 militaires du centre d’entraînement et d’instruction du tir opérationnel, occupants actuels du camp, déménagent quant à eux à Canjuers (Var).

Acté au cœur de l’été

Le sénateur de l’Aveyron et ancien député (Les Républicains) Alain Marc revendique, « en accord total avec les autres élus de tous bords », la réussite de cette installation, alors qu’« il était question il y a deux ans de la fermeture du camp ». Soutenu par le conseil départemental et son président, Jean­-Claude Luche (LR), puis par le sénateur et maire PS de Saint­-Affrique, Alain Fauconnier, le déménagement est acté au cœur de l’été, avec une promesse d’investissements de l’ordre de 20 millions d’euros de la part du département. « Des investissements destinés à la périphérie du camp concernant un gymnase, un collège, la piscine de Millau et des travaux à réaliser sur l’aérodrome de La Cavalerie », annonce le sénateur.

Un tag aux abords du camp militaire, à La Cavalerie (Aveyron).

Début août, les opposants ont adressé une lettre à François Hollande, dénonçant une « décision prise à l’initiative d’élus locaux en négociations secrètes au ministère de la défense sans que les populations locales soient informées ni consultées », qui met « en péril la réflexion déjà engagée et souhaitée d’un avenir civil du Larzac, s’inscrivant dans une dynamique solidaire et humaniste. L’Etat rompt ainsi le contrat moral établi en 1981 avec François Mitterrand pour mettre fin à dix ans de lutte », poursuit la lettre.

« Changement de locataires »

Reste que des figures historiques du Larzac, comme Léon Maillé, qui faisait partie des « 103 » paysans menacés d’expulsion ayant tenu tête à l’Etat jusqu’en 1981, ne s’opposent pas à l’arrivée des légionnaires. Très proche voisin du camp et un des leaders de la bataille du Larzac dans les années 1970, l’ancien syndicaliste paysan José Bové, devenu député européen, considère que, « depuis les attentats de janvier, le gouvernement a besoin de plus de monde sur le territoire. Pour moi, il s’agit seulement d’un changement de locataires et pas d’une nouvelle occupation par les militaires ».

S’il se dit « un peu stupéfait de la rapidité de la décision », il considère que « celle-ci est interne à l’armée et donc difficilement contestable ». M. Bové souligne que « le ministère de la défense semble vouloir réduire la superficie actuelle du camp. On a déjà gagné une centaine d’hectares que les agriculteurs peuvent utiliser ».

Le député européen imagine déjà la création de chantiers de dépollution dans le camp, ainsi que la création de zones réservées aux énergies renouvelables, dont la méthanisation ou la recherche sur l’hydrogène. Une position soutenue par le bureau départemental de la Confédération paysanne qui a décidé, lundi 7 septembre, de ne pas prendre position sur un « dossier interne à l’armée et qui ne menace pas l’agriculture du plateau ».

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