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Démission du gouvernement égyptien après un scandale de corruption

Le président égyptien a chargé Chérif Ismaïl, ministre du pétrole dans le gouvernement démissionnaire, de former un nouveau cabinet d’ici une semaine.

Par  (avec Reuters)

Publié le 12 septembre 2015 à 14h25, modifié le 13 septembre 2015 à 17h06

Temps de Lecture 5 min.

Le président égyptien, Abdelfattah Al-Sissi a accepté, samedi 12 septembre, la démission que lui a présentée le premier ministre, Ibrahim Mehleb. Le ministre sortant du pétrole, Chérif Ismaïl, s’est vu confier la tâche de former un nouveau gouvernement, dans un délai d’une semaine. Les rumeurs d’un remaniement ministériel enflaient au Caire depuis l’arrestation, lundi, du ministre de l’agriculture, Salah Helal, accusé d’avoir reçu des pots de vin de la part d’hommes d’affaires contre l’attribution de terres appartenant à l’Etat. Les soupçons portés contre d’autres ministres, ainsi que les critiques exprimées par le président Sissi contre les performances du gouvernement, ont précipité sa démission. Le remaniement ministériel vise à « injecter du sang neuf », a commenté un responsable gouvernemental à l’AFP.

« Le président égyptien souhaite faire passer le message que ni l’Etat ni lui-même ne protégeront qui que soit. Même si les soupçons portés contre d’autres ministres s’avéraient faux, le doute n’est pas permis pour le président », a commenté au Monde une source égyptienne bien renseignée. Un message fort en direction de la population, appelée à élire son parlement — suspendu depuis 2012 — , du 17 octobre au 2 décembre 2015, et des investisseurs étrangers. L’affaire visant le ministre Helal avait fait plonger, mardi, la bourse égyptienne. « Les spéculations vont bon train sur l’implication de personnalités importantes au sein du secteur privé et du gouvernement, qui pourrait entamer la confiance envers le marché égyptien », a commenté au quotidien égyptien Al-Ahram online, Mohammed Radwan de Pharos Holding.

22 affaires de corruption

Lors de son élection en mai 2014, le président égyptien avait fait de la lutte contre la corruption, endémique sous la présidence d’Hosni Moubarak (1981-2011), l’une de ses priorités. L’Egypte se range au 94e rang, sur 175 pays, dans l’index sur la corruption dans le secteur public établi par l’organisation indépendante Transparency International, pour l’année 2014. Après un an et demi de mandat, les critiques s’accumulent quant au manque de volonté de l’exécutif de s’attaquer sérieusement à ce problème. Lors de la première année de la présidence Sissi, 22 affaires de corruption impliquant des institutions et responsables étatiques ont été répertoriées par l’organisation Partners for Transparency Fund.

L’affaire du ministre de l’agriculture, le plus haut responsable mis en cause sous la présidence Sissi, intervient alors que l’opinion s’est mobilisée, ces deux dernières semaines, en faveur de la lycéenne Mariam Malak. Cette brillante élève est devenue aux yeux de milliers d’Egyptiens une icône de la lutte contre la corruption en Egypte, par le combat qu’elle mène pour prouver que ses copies du bac ont été échangées contre celles du rejeton d’un haut responsable. Lors des épreuves de juillet, cette fille d’un petit instituteur d’un village de la province de Minya, à 240 kilomètres au sud du Caire, avait obtenu zéro à toutes les matières, alors qu’elle avait obtenu 97 sur 100 aux examens des deux précédentes années de lycée.

Certains commentateurs voient dans la révélation de l’affaire du ministre de l’agriculture, Salah Helal, et ses suites, une aubaine pour le président Sissi. « Cela arrive au moment où Sissi a perdu de sa popularité », a commenté Amr Hashem Rabie, chercheur au Centre Al-Ahram pour les études stratégiques et politiques au site internet de la chaîne saoudienne Al-Arabiya news, citant les critiques portées contre la hausse des prix alimentaires et les baisses des subventions. Les critiques sont également fortes au sein de la fonction publique, qui représente six millions de salariés, dont les syndicats ont appelé à manifester ces jours-ci contre la réduction de leurs effectifs.

Un gouvernement qui « n’arrive pas à suivre »

Le président égyptien a exprimé à plusieurs reprises son mécontentement face à l’incapacité du gouvernement Mehleb à remplir les objectifs qui lui ont été fixés. « La vitesse de la présidence est hautement supérieure à celle du gouvernement, qui n’arrive pas à suivre, commente la source égyptienne bien renseignée. Le premier ministre sortant est quelqu’un qui s’est investi à fond, a fait son maximum, mais les défis sont immenses. » La presse a multiplié les critiques contre la politique gouvernementale au cours des dernières semaines. « Al-Sissi et les forces armées sont responsables des accomplissements que nous voyons », a commenté l’éditorialiste égyptien Ibrahim Eissa, qualifiant Ibrahim Mehleb et son cabinet de « fardeau » pour le président. « Tous les ministres qui ont échoué ont été choisi par M. Mehleb », a-t-il ajouté.

Lors d’un précédent remaniement ministériel, en mars 2015, qui avait vu le départ de six ministres, Ibrahim Mehleb n’avait pas été inquiété. Vu comme un proche du président, ce cacique du parti de l’ex-président Hosni Moubarak, renversé en 2011 à la suite d’une révolte populaire, avait été nommé premier ministre en février 2014 par le président par intérim, Adly Mansour, puis reconduit par le président Sissi, en juin 2014. Avant de remettre la démission de son gouvernement, samedi, M. Mehleb a rendu un rapport sur ses réalisations, jugé « insatisfaisant » par le président, ont indiqué deux responsables de la présidence à l’agence AP. « Il lui a été reproché de passer trop de temps dans la rue, au lieu de définir la stratégie avec les techniciens dans son bureau, alors qu’on voulait un gouvernement qui soit plus proche du peuple », commente la source égyptienne. Et de poursuivre :

« il y a des domaines où l’on s’attendait à faire mieux. Mais en ce qui concerne la sécurité ou l’électricité notamment, un bon travail a été fait et on peut lui faire crédit de cela. »

Son remplaçant, Chérif Ismaïl, avait été nommé ministre du pétrole dans le gouvernement de transition de Hazem El-Beblaoui, après le renversement du président islamiste Mohammed Morsi par l’armée, en juillet 2013, puis reconduit à ce poste dans le gouvernement Mehleb. Ingénieur de formation, il a dirigé plusieurs compagnies publiques égyptiennes dans les secteurs du pétrole et du gaz, à l’instar de la Ganoub El-Wadi Petroleum, de la holding egyptienne pour les pétrochimiques (ECHEM) et de la holding pour le gaz naturel égyptien (EGAS).

M. Ismaïl a une semaine pour former son gouvernement. Le président Sissi devrait se réserver un droit de véto sur certains portefeuilles. « Il serait surprenant que les ministres de la défense, de l’intérieur et des affaires étrangères ne soient pas reconduits, estime la source égyptienne. Les ministres des portefeuilles économiques et le gouverneur de la Banque centrale ne vont pas nécessairement rester. Sur la politique financière et économique, la satisfaction n’est pas totale. »

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