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Réfugiés : les Européens échouent à s’entendre

Le principe de répartir 120.000 demandeurs d’asile au sein des Etats membres n’a suscité qu’une adhésion limitée de la part des ministres de l’Intérieur de l’Union européenne.

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Bernard Cazeneuve, le ministre français de l’Intérieur, pendant la conférence de presse le 14 septembre à Bruxelles

Par Renaud Honoré

Publié le 15 sept. 2015 à 00:07

10 septembre 2015, gare de Budapet, Hongrie, les policiers bloquent les migrants afin d’empêcher la surpopulation des train.

Les Européens n’arrivent toujours pas à parler d’une seule voix sur la question des réfugiés. La réunion de crise, qui s’est tenue ce lundi à Bruxelles, a souligné une nouvelle fois les fractures qui traversent l’Europe sur ce problème menaçant de faire vaciller le sacro-saint principe de libre circulation. Le principe de répartir 120.000 demandeurs d’asile au sein des Etats membres n’a ainsi suscité qu’une adhésion limitée de la part des ministres de l’Intérieur, au point que ceux-ci ont échoué à s’entendre sur un communiqué commun à l’issue d’une réunion une nouvelle fois houleuse.

Cette réunion s’est tenue après le coup de tonnerre survenu la veille en Allemagne. En rétablissant les contrôles aux frontières avec l’Autriche, Berlin a donné un premier accroc à Schengen, bientôt suivi ce lundi par Vienne et Bratislava. « C’était clairement une façon de mettre la pression sur les Etats d’Europe de l’Est », qui sont ceux ayant le plus bénéficié de la libre circulation depuis dix ans, souligne une source européenne. L’intimidation n’a visiblement pas marché, puisque aussi bien la Slovaquie que la République tchèque ont répété leur opposition au principe des quotas. La Pologne s’est certes montrée plus ouverte que par le passé, mais la Roumanie s’est également jointe au mouvement des réfractaires, dont le fer de lance reste la Hongrie.

Crainte d’un appel d’air vers l’Europe

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Le paradoxe veut que Budapest serait pourtant le premier bénéficiaire de ce système de quotas : ce mécanisme de répartition de demandeurs d’asile, proposé mercredi dernier par la Commission, veut transférer 120.000 demandeurs d’asile de Grèce, Hongrie et Italie vers d’autres Etats européens, afin d’alléger la pression sur ces trois pays qui subissent les plus gros flux migratoires. Mais Budapest juge ce système inapplicable et néfaste à long terme car il créerait un appel d’air vers l’Europe. C’est une position que la délégation hongroise a martelé lors des débats, qui ont été « enflammés », comme l’a reconnu le Commissaire aux migrations, Dimitris Avramopoulos. Bernard Cazeneuve, le ministre français de l’Intérieur, a ainsi alpagué pendant la séance ses homologues de l’Est: « Pendant que vous ergotez, l’opinion publique nous regarde et des migrants meurent. » Une tirade qui n’a pas infléchi la volonté de ces pays.

Forcer la décision dans un tel contexte s’avère difficile. « Un vote entre Européens est légalement possible, mais politiquement compliqué : si la décision n’est pas portée par tout le monde, il sera difficile de l’appliquer sur le terrain », explique un diplomate. « C’est difficile d’envoyer des réfugiés dans des pays où ils ne sont pas les bienvenus », renchérit une source européenne. Du coup – et c’est tout à fait exceptionnel dans les affaires européennes – les conclusions de cette réunion n’ont été endossées que par une partie des ministres de l’UE – tout le monde, sauf les pays de l’Est mentionnés.

Nouvelle réunion qui aura lieu au plus tard le 9 octobre

Si bien que, pour le moment, le mécanisme de quotas ne concernerait pas ces réfractaires. « L’Europe n’est pas une Europe à la carte », a tempêté Bernard Cazeneuve. Il semble pourtant que ce soit le cas, dans l’attente d’une nouvelle réunion qui aura lieu au plus tard le 9 octobre. Certains pays voudraient que celle ci soit avancée à la semaine prochaine, tandis que les Hongrois militent même pour un sommet rapide des chefs d’Etat et de gouvernement sur le sujet. « Ils sont partisans d’une telle solution, car ils savent qu’un accord est encore plus improbable dans une telle configuration fortement médiatisée », décrypte une source européenne.

Seule avancée tangible, les ministres se sont entendus sur la proposition de transférer 40.000 réfugiés massés en Italie et en Grèce (une proposition faite en mai, au début de la crise). Français comme Allemands ont insisté pour que ce dispositif soit accompagné de la mise en place rapide de « hot spots » (des centres d’accueil recensant efficacement les réfugiés). C’est notamment là que doivent être prises les empreintes digitales des demandeurs d’asile, pour permettre leur identification claire.

« Procédure crédible de retour »

Des outils indispensables pour répartir les demandeurs d’asile, mais aussi pour permettre le renvoi des migrants non acceptés. Des centres de rétention pour ces derniers sont également envisagés. « Seulement 40 % des personnes ­faisant l’objet d’une procédure d’expulsion le sont réellement. Il faut donc mettre au point une ­procédure crédible de retour pour ces migrants », explique une diplomate, qui insiste également sur la coopération à mener avec les voisins de l’Europe (les pays d’origine ou de transit des migrants arrivant sur le Vieux Continent). « Il faut chercher le bon équilibre entre la ­fermeté et la solidarité », insiste un des négociateurs.

Pour le moment toutefois, seule l’Italie est en mesure de mettre en place les « hot spots » promis. Une aide va être délivrée à la Grèce pour qu’elle soit prête à la fin de la semaine.

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