
BANQUE - Ils sont 150 et ils sont inquiets. Ce 15 septembre, Le Monde a publié la tribune d'économistes dénonçant le choix de François Villeroy de Galhau comme nouveau patron de la Banque de France. Dans la liste des nombreux anonymes cosignataires, presque tous issus du monde universitaire, on trouve aussi Thomas Piketty, auteur du best-seller mondial Le Capital au XXIe siècle.
Ce qu'ils lui reprochent? D'être l'ex-directeur général délégué de BNP Paribas, tout simplement. "L’expérience de François Villeroy de Galhau lui confère à n’en pas douter une excellente expertise du secteur bancaire, au moins autant qu’elle l’expose à un grave problème de conflit d’intérêts et met à mal son indépendance", explique la tribune.
Occupé depuis 12 ans par Christian Noyer, le poste de gouverneur de la Banque de France sera à nouveau à pourvoir le 31 octobre. Le 8 septembre, en pleine crise des réfugiés, François Hollande a officialisé sa préférence pour cet homme du sérail de 56 ans. Polytechnicien, il est issu de la même promo de l'Ena que Pierre Moscovici, l'ancien Ministre de l'Economie.
20 ans dans le public, 12 ans chez BNP Paribas
Après un début de carrière à l'Inspection des finances, cet héritier des fondateurs de Villeroy & Boch sera conseiller de Pierre Bérégovoy, ainsi que directeur de cabinet Dominique Strauss-Kahn et de Christian Sautter à Bercy, de 1997 à 2000. Une carrière de la haute fonction publique irréprochable jusqu'à ce qu'il passe au privé.
En 2003, François Villeroy de Galhau devient président-directeur général de Cetelem, la filiale de crédit à la consommation du groupe BNP Paribas, l'une des plus grandes banques de France. Il a ensuite grimpé les échelons jusqu'à devenir directeur général délégué du groupe en décembre 2011. Depuis sa démission de BNP Paribas en mai, le gouvernement lui a confié une mission sur le financement de l'investissement.
Vingt ans dans le public, les douze dernières années dans le privé. Qu'est-ce qui pèsera le plus lourd? S'il accède comme prévu à la direction de la Banque de France, François Villeroy de Galhau sera le relais de la France auprès de la BCE et des grandes instances internationales de régulation bancaire.
"L'indépendance ne souffre aucun doute"
"Comment pourrait-il changer subitement ses positions pour incarner l’intérêt général? L’indépendance ne souffre aucun doute", dénonce Laurence Scialom dans une interview au Monde, professeur à Paris-Ouest-Nanterre-La Défense à l'origine de cet appel. A priori, rien ne l'empêcherait de retourner chez BNP Paribas dans quelques années...
Ce n'est pas la première fois que les liens incestueux entre la haute fonction publique et le secteur bancaire sont pointés du doigt. "Quand vous êtes haut fonctionnaire à Bercy, vous savez qu'à 45 ans, vous allez plafonner dans votre carrière. Si vous ne voulez pas moisir dans votre bureau, vous irez pantoufler dans une banque, avec un salaire multiplié par 10 ou 50", confie un économiste dansle Livre noir des Banques.
Aussi, l'ex-chancelier allemand Gerard Schrôder est devenu conseiller de la banque Rothschild en 2006, tandis que l'ancien Premier ministre britannique Tony Blair a fait de même avec l'assureur suisse Zurich Financial Services et la banque américaine JP Morgan.
Fin septembre, le poulain de François Hollande sera auditionné par la Commission des finances de l'Assemblée nationale. Pour son président Gilles Carrez, son passage par BNP Paribas n'est pas un argument suffisant pour ignorer sa candidature puisqu'on "loue les vertus de Mario Draghi, ancien de Goldman Sachs", aujourd'hui président de la BCE. Pour l'instant, les internautes préfèrent en plaisanter...