En Afrique, les barrages attisent le paludisme

La présence de barrage fait grimper les cas de malaria, selon une étude récente. [Neville Nel/Flickr]

En Afrique, les barrages pourraient engendrer, au minimum, un million de cas de paludisme par an, révèle une étude publiée dans la revue Malaria Journal. 

Première maladie parasitaire, le paludisme a été lié à 198 millions de cas dans le monde en 2013, dont 90 % rien qu’en Afrique subsaharienne. Si la mortalité a baissé de plus de moitié depuis les années 1990, du fait de nouveaux traitements, il aurait tué 584 000 personnes en 2013.

Vecteurs de cette maladie, les moustiques anophèles se reproduisent dans l’eau, où ils pondent leurs œufs. D’où la crainte que de nouvelles retenues d’eau douce, telles que celles engendrées par les barrages, favorisent la maladie aux alentours, un phénomène déjà noté au Cameroun, au Zimbabwe, au Kenya et en Ethiopie.

Afin de mieux chiffrer l’impact des barrages, localement et au niveau du continent, Solomon Kibret, de l’université de Nouvelle-Angleterre à Armidale (Australie), et ses collègues en ont étudié 1 268 érigés en Afrique subsaharienne, comparant la prévalence de paludisme chez les personnes habitant à proximité à celle de populations plus distantes.

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Jusqu’à 320 % de cas en plus

Résultat: environ 20 millions d’Africains vivent à moins de 5 km d’un barrage, dont 73 % dans des zones à risque élevé de contracter la maladie. Et plus ils sont près de l’eau, plus leur risque s’élève: dans les pays où la prévalence de paludisme est stable, les personnes vivant à moins d’un kilomètre auraient 92 % plus de risques d’en tomber malade que celles vivant à plus de 5 km.

La situation est encore plus marquée dans les pays où la prévalence de paludisme est jugée instable, par exemple en raison de variations annuelles ou saisonnières. Dans ce cas, le barrage agit comme un «stabilisateur» de l’épidémie: le risque de contracter la maladie y est multiplié par 3,2 chez les personnes habitant à moins de 1 km de la retenue d’eau, par rapport à celles résidant à plus de 5 km.

Selon les chercheurs, 1,2 million de cas de paludisme seraient liés chaque année aux barrages en Afrique. Peut-être même jusqu’à 2 millions: faute de données, l’équipe a dû exclure de son analyse environ 800 autres barrages, pour la plupart situés dans des zones à fort risque de paludisme.

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De nombreux projets

Dans l’hypothèse de 1,2 million de cas, les barrages n’expliqueraient certes que moins de 1 % des cas recensés chaque année en Afrique. L’impact reste donc assez faible au niveau du continent, mais il n’en reste pas moins important localement. Et face au réchauffement climatique, qui laisse présager des difficultés croissantes d’accès à l’eau, bien d’autres barrages sont en projet.

Les chercheurs en ont recensé 60 dans des pays à fort niveau de paludisme, ce qui reviendrait à 61 000 nouveaux cas annuels. Là aussi, au bas mot: ce chiffre ne tient pas compte du fait que les barrages attirent de nouveaux habitants, notamment des agriculteurs à la recherche d’eau.

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Pour l’équipe, toute nouvelle construction devrait s’accompagner d’un train de mesures préventives contre la maladie. «Par exemple, en asséchant le rivage lorsque les moustiques sont en phase de reproduction, ou en finançant des programmes de distribution de moustiquaires imprégnées d’insecticides à la population. Voire en introduisant des espèces de poissons se nourrissant de larves de moustiques», proposent-ils.

Cet article est initialement paru dans le Journal de l’Environnement.

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