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Desintox

Réfugiés : l'intox des 77 000 HLM passés sous le nez des Français

Migrants, réfugiés... face à l'exodedossier
Le FN dénonce le choix des pouvoirs publics d'attribuer 77 000 logements aux réfugiés, pénalisant les familles françaises. Comme souvent, c'est un peu plus complexe que ça...
par Valentin Graff
publié le 15 septembre 2015 à 18h12

INTOX C'est le dernier angle d'attaque du Front national (FN) : selon plusieurs élus frontistes, l'Etat français va mettre des milliers de logements à disposition des réfugiés sur le point d'être accueillis. HLM, logements sociaux, places d'urgence, les responsables du FN ne sont pas d'accord quant à la nature de ces logements mais le même chiffre circule : plus de 70 000 solutions d'hébergement reviendraient aux «migrants» plutôt qu'aux familles françaises qui «continueront d'attendre un logement social», dénonce Florian Philippot, le vice-président du Front national.

«Révoltant», «honteux», d'«une profonde violence à l'égard des Français», la supposée mesure a été copieusement dénoncée mardi matin. La présidente du parti, Marine Le Pen, a profité de son passage sur France Inter pour dévoiler la mise à disposition de «77 300 places d'urgence comme ça, du jour au lendemain, alors qu'il y a un million et demi de foyers français qui attendent un logement social, parfois depuis des années».

DÉSINTOX Comme souvent, le chiffre existe bien mais a été manipulé à loisir par les pontes du FN. Il sort tout droit d'une tribune publiée la veille par Marie-Arlette Carlotti. L'ex-ministre et actuelle présidente du Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées (HCLPD) proposait sur le site de l'Obs «de mobiliser une partie du parc social laissé vacant pour loger les réfugiés. […] 77 310 logements sociaux sont aujourd'hui en attente de locataires, notamment dans les secteurs où la demande est faible».

D'abord, le Haut Comité n'est que consultatif, comme le précise le décret de 1992 qui en porte création. Il constitue une force de proposition mais en aucun cas un acteur contraignant dans le domaine du logement. La proposition de Marie-Arlette Carlotti n'engage donc en rien le gouvernement ni, a fortiori, les maires qui pourraient accueillir des réfugiés dans leur commune.

Ensuite, l'ancienne ministre déléguée aux Personnes handicapées ne suggère de consacrer qu'«une partie» de ces 77 310 logements, en définissant «des critères et des conditions d'accueil [et en procédant] à une répartition géographique équilibrée [pour parvenir] à une intégration harmonieuse de ces populations». Le chiffre cité par Carlotti correspond aux estimations du commissariat général au développement durable, selon lequel 1,6 % des près de 5 millions de logements sociaux étaient inoccupés depuis au moins un trimestre au 1er janvier 2014.

Enfin et surtout, ce que Le Pen et Philippot ne semblent pas avoir compris - ou se gardent bien de préciser dans le cas contraire -, c'est que les 77 310 logements qu'évoque Mme Carlotti sont donc durablement vacants… Aucun n'a été habité au cours des trois derniers mois. Pour partie (environ un quart) parce qu'ils sont en vacance technique, c'est-à-dire en travaux. Pour partie (les trois quarts restants) parce qu'ils sont situés dans des «secteurs où la demande est faible». Par définition, donc, ils ne font pas l'objet de demande de «familles françaises», pour reprendre la terminologie du FN.

C'est par exemple le cas du Limousin, où 5 % des 37 700 logements sociaux sont vacants depuis plus de trois mois, soit près de 1 900 logements vides. C'est le taux de «vacance structurelle» le plus élevé des régions de France.

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