Le QG du HDP incendié à Ankara.

Les quartiers généraux du mouvement prokurde HDP ont été intégralement brûlés par des militants ultra-nationalistes proche du gouvernement, mardi dernier.

Alexandre brutelle

Partout en Turquie, les attaques contre le Parti Démocratique des Peuples (HDP) se sont multipliées. Jusque dans la capitale Ankara, où les quartiers généraux du mouvement ont été intégralement brûlés par des militants ultra-nationalistes proche du gouvernement, mardi dernier. Selon les responsables du HDP, plus de 400 attaques ont eu lieu contre les locaux du parti en l'espace d'une semaine.

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Le 7 juin, le parti avait réussi à faire barrage contre l'AKP du président Erdogan et son projet d'hyper-présentialisation de la constitution turque, en réunissant 13,48% des suffrages au scrutin législatif. Un succès que semble aujourd'hui payer le HDP, parti de toutes les minorités de Turquie.

Complicité des forces de l'ordre

"Du terrorisme d'état", c'est ainsi que Dilek Aykan définit les agressions dont le parti a fait l'objet à travers toute la Turquie. À Izmir, ce sont près d'un millier de militants islamo-conservateurs qui se réunissent face au siège local du HDP, le 9 septembre dernier. 35 personnes sont encore présentes dans le bâtiment lorsque la foule, manifestement agressive, tente d'y pénétrer.

Présente sur place, Dilek ne peut pourtant pas accéder à l'immeuble "La police m'en empêchait, ils prétendaient que c'était pour ma sécurité". Elle observe donc, impuissante, les attaques de la foule qui, sous les cris "Allahou Akbar", casse les vitres du bâtiment les unes après les autres. "Les policiers participaient au cassage également, confie-t-elle, à un moment je les ai même vus aider des militants d'extrême-droite à pousser des containers enflammés contre les portes du bâtiment".

Une scène qui aurait pu mal finir. "J'étais très inquiète, car un important transformateur électrique est situé à l'entrée de nos bureaux. S'il avait été touché, l'explosion aurait probablement provoqué un incendie, alors que 35 personnes étaient bloquées à l'intérieur de nos locaux. Par chance, cela n'est pas arrivé".

Au cours de l'attaque, Dilek a en effet la chance d'être contactée par une chaîne de télévision kurde qui retransmet son témoignage en direct. En réaction, près d'une dizaine de milliers d'habitants de la ville se mobilise rapidement devant les locaux du parti. Leur venue provoque la dispersion des assaillants. Des assaillants "sans couleurs, sans étiquette", mais dont les liens étroits avec les réseaux d'extrême-droite turcs et le gouvernement ne font aucun doute, selon de nombreux cadres du HDP.

Un député HDP, Ertugrul Kürkçü, n'a pas hésité à qualifier cette première nuit d'attaques de "Nuit de Cristal" du président Erdogan. Faisant ainsi un parallèle entre les pogroms subis par la communauté juive allemande en 1938 et les 178 attaques simultanées que le parti pro-kurde a pu essuyer en l'espace d'une nuit, mardi dernier.

qg hdp

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© / Alexandre Brutelle

L'incendiaire d'Ankara "engagé par le palais présidentiel"

Pour la co-présidente du HDP, Figen Yüksekda, l'attaque du bureau d'Ankara, survenue la veille de celle d'Izmir, a été directement commanditée par l'administration du président turc Recep Tayyip Erdogan. "Nous avons identifié l'incendiaire de nos quartiers généraux à Ankara et savons qu'il a été engagé par un réseau de contre-guerilla affilié au Palais Présidentiel", confie-t-elle samedi dernier depuis la ville de Cizre, dans le sud-est turc.

Toujours selon Yüksekda, ces attaques sont à mettre en parallèle avec les opérations militaires du gouvernement turc contre le PKK. "Cette opération de terreur vise à punir le peuple kurde pour le scrutin du 7 juin dernier. Il n'y a qu'à regarder où les opérations anti-terroristes ont été menées depuis juillet dernier. Cizre, Hakkari, Sirnak - des régions où le HDP a récolté entre 80 et 90 % des suffrages. Le but du gouvernement est de lyncher, de punir tous ceux qui ont été déloyaux à l'AKP [parti présidentiel]".

Alors que des élections législations anticipées devraient avoir lieu en novembre prochain, la campagne militaire du président Erdogan pourrait bien agir en sa défaveur. Les sondages effectués par les instituts turcs démontrent en effet une baisse des intentions de vote en faveur de l'AKP depuis juillet dernier.

Seule alternative possible pour le président turc : déclarer inaptes à la tenue du scrutin les régions du sud-est où les opérations militaires sont en cours; Diyarbakir, Silvan ou encore Lice. Une entorse démocratique qui affaiblirait le HDP et assurerait probablement un retour à la majorité absolue pour le parti du président Erdogan. Faisant référence aux opérations militaires survenues dans le sud-est de la Turquie, à majorité kurde, Erdogan n'avait pas hésité à l'admettre publiquement : "Si 400 sièges de députés avaient été accordés à un parti politique unique, rien de tout cela ne serait arrivé".

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