C’est la foire aux dollars. Cent milliards (88,3 milliards d’euros) pour le numéro un mondial de la bière qui veut avaler son principal concurrent, 17,7 milliards pour le français Altice à l’assaut du câblo-opérateur américain Cablevision.
Et 200 millions le même jour pour la star-up Blablacar.
A tous ceux qui se demandent encore pourquoi le monde économique s’agite autant face à la perspective d’une éventuelle hausse des taux américains en voici une réponse sonnante et trébuchante : l’argent pas cher. Un marché où les taux d’intérêt flirtent avec le zéro et où les banques centrales font tourner la planche à billets favorise les emprunteurs.
Une aubaine pour des patrons financiers qui ont construit leur croissance sur les acquisitions par la dette. Non seulement parce qu’ils empruntent à petit prix, mais aussi parce que les taux bas poussent les investisseurs vers la Bourse, ce qui facilite beaucoup les opérations financières compliquées comme celles qu’affectionnent les géants de la bière… ou du câble.
Le risque des bulles spéculatives
Ces deux secteurs ont en commun d’être prospères, mais matures, voire en déclin, et d’être peuplés par une multitude d’acteurs. Le marché de la bière est en érosion dans les pays occidentaux et attaqué par la multiplication des petites bières locales qui plaisent tant aux jeunes urbains branchés. On cherche donc la croissance en rachetant ses concurrents dans le monde entier. Après avoir écumé l’Europe et l’Amérique, AB InBev s’attaque à l’Afrique, territoire de son rival, SABMiller.
Le riche monde du câble américain est, lui, en pleine recomposition sous les coups de boutoir de l’Internet qui propose des alternatives bien moins chères à ses abonnements télé. De quoi pousser les plus astucieux des acrobates, comme l’Américain John Malone et le Français Patrick Drahi, à faire leurs emplettes parmi les petits ou moyens acteurs. Banquiers et acheteurs d’obligations se bousculent pour prêter à de tels artistes qui savent agglomérer et restructurer pour en extraire de juteux bénéfices.
Il faut dire que les prêteurs de long terme, comme les fonds de pension et les assureurs, qui sont les poches profondes de l’économie, ont de moins en moins de choix. Les taux bas rendent problématiques la rentabilité de leur placement, voire le financement des retraites. Cela les pousse à chercher des placements de plus en plus longs et à prendre plus de risques. L’effet bénéfique est de rendre l’argent facile pour de jeunes entrepreneurs, comme Blablacar, par le biais du capital-risque.
L’inconvénient de ce déluge d’argent est d’alimenter en permanence des bulles spéculatives et de favoriser des stratégies opportunistes peu créatrices, voire destructrices de valeurs. L’effondrement de Vivendi en 2002 en est une illustration frappante. Comme à l’époque, notre monde, aujourd’hui, se construit sur le socle fragile de l’argent pas cher.
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