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Pourquoi les politiques s’emparent de la rentrée littéraire

Après Alain Juppé et Cécile Duflot, François Fillon publie lui aussi son livre-programme en vue de 2017. Un passage devenu obligé pour tout présidentiable.

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Publié le 16 septembre 2015 à 17h30, modifié le 18 septembre 2015 à 16h25

Temps de Lecture 4 min.

Le dernier cru de la cuvée 2015 des livres politiques est arrivé en librairie. Faire, de François Fillon (Albin Michel, 320 pages, 20 euros), rejoint sur les stands les essais d’Alain Juppé, Cécile Duflot, Jean-Christophe Cambadélis mais aussi Olivier Besancenot, François de Rugy ou José Bové, tous parus depuis fin août. « Ces dernières années, les essais politiques ont envahi nos rayons », constate Guillaume Leroux, gérant de la librairie Le Merle moqueur, à Paris.

Un embouteillage qui ne doit rien au hasard selon Bruno Cautrès, chercheur en science politique au Cevipof : « Dans la tradition politique de notre pays, montrer des qualités d’écrivain est apprécié. On apparaît dès lors comme sage, sérieux, structuré. Beaucoup d’hommes politiques ont lancé ou relancé leur carrière grâce à des livres, de François Mitterrand et son Coup d’Etat permanent en 1964 jusqu’à Jean-Luc Mélenchon avec Qu’ils s’en aillent tous !, en 2010. » Le choix massif de la rentrée pour le lancement ne serait pas non plus fortuit. « Sortir un essai en septembre revêt une forte valeur symbolique. Il s’agit de montrer qu’on a profité de l’été pour prendre du recul, réfléchir et mettre en ordre ses idées», poursuit le politiste.

Livres-programme

D’où les livres-programme qui se multiplient, posant les jalons de futurs projets présidentiels. C’est le cas pour Cécile Duflot, qui a publié le 10 septembre Le Grand Virage (Les Petits Matins, 128 pages, 10 euros, tiré à 10 000 exemplaires), une ode à l’écologie politique. « Ce livre pourrait constituer mon testament politique », fait mine de s’interroger la députée EELV de Paris en marge d’une séance de dédicaces organisée vendredi 11 septembre par la librairie Libralire, à Paris. « Vous trouverez dans ce livre toutes mes convictions sur l’écologie, la fiscalité, l’égalité des territoires », égrène quelques instants plus tard celle qui se prépare à une éventuelle candidature à la présidentielle de 2017, en s’adressant debout sur une chaise à la vingtaine de lecteurs présents.

Même enjeu pour Alain Juppé, candidat à la primaire de la droite et du centre de novembre 2016. L’ex-premier ministre dévoile ses propositions scolaires dans Mes chemins pour l’école (JC Lattès, 306 pages, 12 euros, 28 000 exemplaires tirés), premier tome d’une série de quatre livres programmatiques devant être publiés avant la primaire fin 2016. « Avec cet essai, Alain Juppé tente d’apparaître aux citoyens sous un jour nouveau. Son modèle est le Jacques Chirac du milieu des années 1990 qui a réussi à poser une autre image, en l’occurrence celle du candidat anti-fracture sociale, avec ses ouvrages Une nouvelle France en 1992 et La France pour tous en 1994 », décrypte Bruno Cautrès.

Qui dit livre dit également campagne de communication. Pour chaque sortie de l’ouvrage d’une personnalité politique connue, des émissions de télévision, de radio, des interviews dans la presse écrite sont programmées. « La possibilité d’attirer l’attention des médias reste la première raison qui pousse un politique à publier », explique Bruno Cautrès. Une stratégie que confirme Pierre Larrouturou, président du petit parti Nouvelle Donne et auteur prolifique, avec un livre par an à son actif depuis 2011 : « Quand l’ouvrage sort, on peut avoir quarante-cinq minutes dans les médias pour en parler. Ce qui n’arrive autrement jamais ».

Ventes inégales

De quoi inciter les politiques à prendre la plume, même si les ventes sont loin d’être toujours au rendez-vous. Au 6 septembre, à peine 200 exemplaires de l’opus de Jean-Christophe Cambadélis, A gauche, les valeurs décident de tout (Plon, 240 pages, 15,90 euros, tiré à 6 000 exemplaires), sorti le 19 août, avaient trouvé preneur, selon l’institut Tite Live-Edistat. L’ouvrage du patron du PS a pourtant bénéficié d’une large couverture médiatique, avec diverses interviews dans les radios et la presse écrite, ainsi qu’une invitation dans l’émission de Laurent Ruquier « On n’est pas couché » sur France 2, graal des politiques-écrivains.

Le livre de l’ancien d’EELV François de Rugy Ecologie ou gauchisme, il faut choisir (L’Archipel, 128 p., 14,95 euros, tiré à 4000 exemplaires) n’a pour l’heure pas obtenu plus de succès, avec 160 exemplaires écoulés. « Un ouvrage qui ne rencontre pas son public, ce n’est pas bon signe, estime Bruno Cautrès. Cela veut dire que les positions défendus par l’auteur ne trouve pas d’écho dans la société. »

A ce titre, Alain Juppé peut se rassurer : selon son entourage, Mes chemins pour l’école s’est vendu à 20 000 exemplaires en trois semaines. L’institut Tite Live-Edistat avance néanmoins le chiffre plus modeste de 5 600 ventes. « Notre outil ne prend pas en compte les ventes hors magasins, comme dans les campus ou universités politiques », note toutefois Nicolas Mougin, chargé d’études de l’institut.

Préfacer pour exister

François Hollande et Nicolas Sarkozy ont eux trouvé un autre moyen pour occuper le terrain de la rentrée littéraire, en préfaçant des ouvrages de proches. Pour le président socialiste, ce sera Le Moteur du changement : la démocratie sociale ! (Lignes de repères, 180 pages, 17 euros, tiré à 5 000 exemplaires) de Jacky Bomtens et Aude de Castet, responsables du think tank social-démocrate R8120. Le président des Républicains introduit lui l’essai de Daniel Fasquelle La France juste (Fayard, 120 pages, 10 euros).

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Une stratégie savamment mûrie pour Nicolas Hubé, maître de conférences en science politique : « En pleine crise, personne ne comprendrait qu’ils trouvent le temps d’écrire un livre. La préface est un bon compromis : elle permet d’exister médiatiquement sans trop se mouiller, tout en mettant l’accent sur les thèmes qu’ils veulent incarner. » Et de se prémunir d’un éventuel bide dans les rayons.

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