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Quand le rap français prend l’accent congolais

Les succès de vente de l’album « MCAR » du chanteur d’origine congolaise Maître Gims, paru en août, illustre la proximité « naturelle » du rap avec les culures africaines.

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Publié le 18 septembre 2015 à 12h51, modifié le 18 septembre 2015 à 17h32

Temps de Lecture 12 min.

Capture d’écran du clip

Il cumule tous les superlatifs. Maître Gims est devenu en moins de deux ans l’un des artistes les plus importants de la scène musicale française. Le chanteur de 29 ans, né à Kinshasa (République démocratique du Congo), est en tête de tous les classements des ventes de disques depuis la sortie, en août, de son dernier album Mon cœur avait raison. Son premier album, Subliminal (2013), a été vendu à plus d’un million d’exemplaires.

Avec Niska, également d’origine congolaise et autre phénomène récent de la scène rap, Maître Gims a pris d’assaut Planet Rap, l’émission de Fred Musa sur Skyrock, la première radio urbaine en France. Cela est symptomatique de la nouvelle direction empruntée par le rap français : puiser dans le patrimoine culturel africain. La chanson « Sapés Comme Jamais », extraite de l’album Mon cœur avait raison de Maître Gims, reprend de manière décomplexée les thèmes de la musique congolaise : la sapologie, l’extravagance et l’ambiance survoltée de la RDC.

Comme tout courant musical, le rap a ses codes. Des codes qui se sont, eux aussi, adaptés à la réalité française. « Dans un premier temps, les rappeurs se revendiquaient des quartiers et des cités, ils évoquaient des codes postaux de la banlieue parisienne “Je viens du 9-1, 9- 2, 9-3”... Aujourd’hui, il y a plutôt le besoin de rappeler ses origines ancestrales », analyse Philo Moanda, directeur et créateur du label Bomayé dont est issu le rappeur Youssoupha, fils du défunt roi de la rumba congolaise, « Seigneur » Tabu Ley Rochereau. « Tous les jeunes des cités qui font du rap savent qu’ils ne sont pas des Américains. Ils grandissent dans cette culture congolaise qui prend par les tripes », ajoute Philo.

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Entrecouper ses textes d’un refrain en lingala (la langue la plus parlée au Congo-Kinshasa), entremêler des riffs de guitare rumba sur des beat urbains ou raconter son quotidien avec le regard d’un jeune immigré congolais en France est devenu l’apanage de cette nouvelle génération de rappeurs en « conversation permanente » avec leur pays d’origine. Le phénomène « Ngulu » y a largement contribué.

Au début des années 2000, certaines stars de la musique congolaise commencent à se livrer à un trafic juteux de visas. Ils font venir en Europe de jeunes gens issus des « quartiers populaires de Kinshasa » en les faisant passer pour des musiciens ou des danseurs. Cela a laissé des traces sur les jeunes de la diaspora congolaise à Paris.

« Au lieu que ces jeunes de Kinshasa s’intègrent, ce sont les jeunes d’ici qui se sont intégrés à eux. J’ai grandi dans ce milieu-là, au milieu des répétitions des spectacles de Papa Wemba », se souvient Tito Prince, auteur et producteur de Toti Nation, son opus sorti le 14 août et depuis numéro deux des ventes numériques. Prince, de son vrai prénom, est un ovni dans le hip-hop français. Il manie l’art du storytelling avec habileté et n’hésite pas à raconter le parcours du « jeune noir né en France ». Tito Prince est le fils JP Tshiamala, le producteur de Koffi Olomidé et de Viva la Musica, entre autres.

Une empreinte plus personnelle

La « congolisation » du rap français  ne se résume pas à scander des mots tels que niama (animal), shégué (enfants des rues) ou ndeko (frère), mais à une volonté de laisser une empreinte plus personnelle, plus subtile. « Quand certains rappeurs chantent, on dirait du lingala français », estime Tito Prince, comme pour rappeler une proximité « naturelle » entre la culture française et les cultures africaines.

« Les rappeurs américains font référence à l’Afrique sur un mode plus fantasmagorique, sur l’appel à l’unité de tous les pays africains, le panafricanisme. Une Afrique qui fait encore référence à l’esclavage. Sur le mode de celui qui n’a jamais été là-bas. Les rappeurs français, eux, ils connaissent l’Afrique », analyse le sociologue Anthony Pecqueux, auteur de l’essai Voix du rap (L’Harmattan, 2007).

Bisso na Bisso, le collectif rap de français dont les membres sont originaires de la République du Congo, avait amorcé ce processus de « congolisation » à partir de 1999. Une décennie et demi plus tard, les succès populaires de Gradur, Niska, Tito Prince, Maître Gims ou Youssoupha ne sont pas les révélateurs d’un « communautarisme au sein du rap français ». Ils sont plutôt la preuve que ce genre continue d’évoluer et qu’il est capable de toucher un public plus large.

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