Menu
Libération
Surprise

Coupe du monde de rugby : après des années de raclées, le Japon crée l'exploit

Coupe du monde de rugby 2015dossier
En dominant l'Afrique du Sud (34-32), un des cadors du rugby mondial, les Japonais, victimes expiatoires du passé, ont stupéfié le monde de l'Ovalie.
par Mathieu Grégoire, Envoyé spécial à Londres
publié le 19 septembre 2015 à 21h42
(mis à jour le 20 septembre 2015 à 3h29)

Une clameur déferle sur Twickenham, dans la fan zone, dans la salle de presse, dans les travées du stade alors clairsemées à l’approche de France-Italie. Il est 18h45, heure anglaise, et tout le monde regarde vers les écrans géants, vers Brighton, où le Japon, alors mené 32-29, enchaîne les mêlées à cinq mètres de la ligne d’en-but sud-africaine. Ils s’acharnent, les hommes d’Eddie Jones, ils zappent même la possibilité d’une pénalité pour égaliser. Ils veulent enfoncer les Springboks, comme tant d’autres adversaires l’ont fait avec eux par le passé.

Depuis leur première Coupe du monde, en 1987, le soleil ne s'est jamais levé pour les rugbymen japonais, ils se sont pris des taules monumentales édition après édition. Ils détiennent le triste record de points encaissés, par la Nouvelle-Zélande, en 1995 (145-17), ils ont été soufflés par les All Blacks 87 à 7 en septembre 2011, ou 91 à 3 par l'Australie en septembre 2007. Ils squattent le Guinness Book des degelées dans le rugby, aux côtés de la Namibie, de l'Uruguay, du Portugal ou encore du Zimbabwe. Le Zimbabwe… Jusqu'à ce samedi soir, cette nation était l'unique victime des Japonais en Coupe du monde (52 à 8, en 1991!). Malgré un championnat attrayant, qui a attiré le Néo-Zélandais Sonny Bill Williams ou l'Australien George Smith, malgré l'apport de sélectionneurs étrangers (Jean-Pierre Elissalde, John Kirwan), malgré quelques naturalisations avant chaque Coupe du monde, malgré des améliorations dans le jeu, dont les Français, mis en difficulté en septembre 2011 (47-21) peuvent témoigner, les Japonais n'arrivaient pas à trouver leur nouveau Zimbabwe, leur nouvel eldorado.

Il a fallu attendre ce match face aux double champions du monde d'Afrique du Sud, face au virevoltant Bryan Habana, au vieillissant Victor Matfield, au surpuissant Schalk Burger, pour qu'ils glanent une seconde victoire (34-32) et créent un des plus grands exploits de l'histoire de ce sport. Suffisants, les musculeux Springboks ont laissé des brèches et des espoirs à la bande à Ayumu Goromaru, talentueux arrière auteur de 24 points. «Je prédisais un coup très dur pour le Japon, j'avais tort, et je leur tire mon chapeau», souligne l'ancien deuxième-ligne de Toulon et de l'Afsud, Bakkies Botha«C'est arrivé, et voilà, c'est tout, sourit le sélectionneur Eddie Jones, ancien manager de l'Australie, qui leur a concocté une préparation physico-tactique pointue à base de plaquages à trois sur le joueur adverse et de muscu à 5 heures du matinJ'entraîne depuis plus de 20 ans, et je n'ai jamais travaillé aussi dur. Je devrais être à la Barbade en train de regarder des matches de cricket, mais je suis avec ces mecs en or. Le bruit dans le stade, pour nous soutenir, était tout simplement incroyable. Je crois qu'on a participé à l'une des plus belles rencontres de l'histoire de la Coupe du monde.» Il a raison. Le Japon accueillera la prochaine édition, en 2019, en dépit de véritables difficultés organisationnelles. Il le fera avec l'aura d'une vraie nation de rugby.

Pour aller plus loin :

Dans la même rubrique