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Comment mangera-t-on dans 10 ans ?

Si le bio est parti pour durer, quelles sont les tendances qui vont influencer nos pratiques alimentaires d’ici 10 ans ? Décryptage avec Rémy Oudghiri, prévisionniste.

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D’ici 20 ans, notre alimentation pourrait être influencée par cinq grandes tendances.

Par Marion Degeorges

Publié le 20 sept. 2015 à 11:00

En se basant sur un observatoire (2.000 personnes en France, interrogées tous les ans sur tous les sujets de société), et sur un travail de veille documentaire, Rémy Oudghiri, directeur général adjoint de Sociovision, a dessiné les tendances culinaires qui ont émergé, et celles qui vont émerger. C’est la prospective alimentaire.

La France, ce cas particulier

Dans l’Hexagone, où la gastronomie est un pilier de la culture, « ça évolue à la fois vite et pas vite. Les cultures alimentaires ne sont pas évidentes à changer », constate Rémy Oudghiri. Pour analyser les pratiques alimentaires en France, il se base sur quatre « piliers » : plaisir, santé, convivialité, et tradition. Dans un pays où « ce que vous mangez est une forme d’identité », analyse-t-il, ce sont ces quatre mots qui reviennent le plus lorsque les Français évoquent la nourriture. Ainsi, le produit ou la marque qui additionne ces quatre caractéristiques est assuré de séduire un maximum de Français.

Voici selon le travail de Rémy Oudghiri, les cinq tendances majeures qui vont dessiner l’alimentation du futur. Ainsi qu’un point sur six autres, plus petites, mais amenées à se développer.

1. Le bio, bien parti pour durer

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« Tout ce qui tourne autour du naturel et du bio, c’est bien-sûr une tendance qu’on observe déjà, mais surtout, c’est évident qu’elle va continuer », plante Rémy Oudghiri qui affirme que la consommation de nourriture bio n’a cessé d’augmenter.

Et ça se vérifie dans les chiffres : entre 2014 et 2015, le marché du bio devrait gagner 500 millions d’euros, pour atteindre 5,5 milliards.

Si le bio « n’est pas encore devenu la norme », nuance le prévisionniste, lorsqu’on se projette en 2025 ou 2035, « c’est évident qu’il sera de plus en plus demandé par le consommateur ». Car « tout ce qui est naturel est paré de toutes les vertues », note-t-il.

Pour l’instant, il existe un « cercle de convaincus » (entre 5 et 10%) qui ne mange que du bio. Puis une grande partie de la population « qui sait qu’il faut manger bio », et qui en achète de manière occasionnelle lorsqu’elle en a les moyens financiers ou matériels.

Il y a deux raisons essentielles à ce plébiscite du bio, explique Rémy Oudghiri. D’abord, les consommateurs sont de plus en plus informés « qu’en dehors du bio, tout est douteux ». Ensuite, et par conséquent, parce qu’ils sont de plus en plus préoccupés par leur santé. Et « le lien entre nutrition et santé est désormais établi, que ce soit par les nutritionnistes, les médecins, ou les consommateurs » eux-mêmes.

2. Le « sans », pour la santé

Sans gluten, sans huile de palme, sans colorant, sans lactose... Choisissez votre camp. Si elle n’est pas majoritaire, cette tendance se développe et « ça va monter », assure le prévisionniste. Pourquoi ? « En raison des allergies, de la pollution etc... Et parce qu’à chaque fois qu’on enlève quelque chose - des ingrédients un peu chimiques ou simplement qu’on simplifie - on va vers plus de santé », explique-t-il.

D’ailleurs la tendance du « sans » est en lien avec celle du naturel ou du bio : « Les consommateurs prennent de plus en plus conscience que moins il y a de choses ajoutées, plus on se rapproche du naturel ».

3. L’enrichi... pour la santé aussi

A l’inverse du « sans », il y a « l’enrichi » : lorsqu’on ajoute des ingrédients, là aussi dans une optique de santé et/ou d’énergie. « Par exemple aux Etats-Unis, depuis quelques années, il y a les eaux protéinées : des eaux enrichies en protéines. Mais vous ne voyez pas ça en France ».

Dans l’Hexagone, nous avons toutefois un produit similaire : Vitamin Water, qui appartient à Coca-Cola. Sauf que le produit « stagne depuis des années », précise Rémy Oudghiri. Et pour cause, « les Français sont très réfractaires » à l’enrichi. A l’image du Red Bull, qui n’a pas bonne presse, et dont « les Français se méfient ».

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Pour comprendre l’alimentation du futur, il est important de comprendre que la France est à la fois un bon et un mauvais indicateur. Bon, parce que « c’est un modèle fort et traditionnel ». Mauvais, parce que « les Français sont assez réfractaires à l’innovation culinaire », constate le prévisionniste.

Ainsi, cette tendance se développe davantage dans les pays anglo-saxons et au Japon, où, d’un point de vue culinaire, les consommateurs sont « plus ouverts ». Les Japonais consomment par exemple « un certain nombre de boissons, de soupes, ou de plats au collagène, parce que c’est supposé rendre plus beau », explique-t-il.

Adieu l’allégé

Un point sur l'allégé, qui n'est pas une tendance qui monte, mais plutôt qui baisse. Il est même « en perte de vitesse depuis des années », selon Rémy Oudghiri. « Toutes les marques qui s’étaient positionnées là-dessus, depuis cinq ou six ans, ont complètement fait marche arrière. Ca ne marche plus », constate-t-il. D’abord parce que « le light de fonctionne pas ». Ensuite parce qu’ « il est suspecté d’être nocif pour la santé ». Ainsi va la vie de l’allégé, qui disparaît « au profit du “sans” ».

4. Le snacking sain : le compromis

On le voit surtout dans les grandes villes. Le snacking sain, comme l’appelle Rémy Oudghiri, « c’est vraiment une tendance qui va monter ». Et pour cause, elle réconcilie deux préoccupations des contemporains qui n’ont pas beaucoup de temps, mais qui sont soucieux de leur santé.

« D’où les problèmes que rencontre McDonald’s » en France, relève-t-il. Car si les gens y trouvent leur compte en terme de rapidité, niveau santé, ce n’est pas la panacée. C’est ainsi que ces dernières années, plusieurs franchises qui jouent sur les deux tableaux se sont développées. Rémy Oudghiri cite le Belge Exki ou le Français Cojean, « mais il y en a plein d’autres. Ca reste une tendance massive ».

Les Français et la déstructuration des repas

« Ce que l’on sait aujourd’hui en prospective, c’est que les gens ont de moins en moins de temps, et ils continuent d’en avoir de moins en moins », affirme Rémy Oudghiri. Or, les Français sont très attachés à leur patrimoine gastronomique et aux traditions qui vont avec : trois repas par jour, entrée-plat-dessert, manger à table etc. Pour cette raison, la France résiste plus que les autres pays à la déstructuration des repas. Toutefois, elle n’échappe pas au phénomène et la dynamique va vers moins de tradition. Par exemple, sur les trois plats, l’entrée est de plus en plus passée à la trappe, et on s’assoit moins qu’avant pour manger (recul de 10 à 15% sur 15 ans).

5. Le plaisir sain

Mis en avant seul, l’argument de santé ne fonctionne pas, constate Rémy Oudghiri : « A part pour ceux qui sont vraiment malades, c’est très compliqué de proposer aux gens quelque chose simplement sur la promesse de la santé ». D’abord parce que les consommateurs « n’y croient pas, ou de moins en moins. Ils ne font plus confiance au marketing santé ». Mais aussi parce qu’ « ils ont besoin de plaisir ».

Ce phénomène a notamment pu être observé avec l’effritement du nombre de produits estampillés « seniors » sur les linéaires des supermarchés. D’ailleurs, les seniors ont même disparu des publicités pour la margarine anti-cholestérol. Car en 2015, « plus personne n’est vieux », plaisante le prévisionniste.

Les petites tendances qui montent, qui montent

Il s’agit de choses qui sont plus petites, « mais dont on sent qu’il y a une dynamique, et qui, dans 5 ans, auront conquis plus de gens. Et dans 10 ans, elles seront probablement plus importantes encore », explique Rémy Oudghiri.

Le végétarisme. Aujourd’hui en France, les végétariens purs et durs représentent 3% de la population. Ce qui est peu, et n’augmente pas beaucoup. Mais « si vous ajoutez les 7% qui sont végétariens de temps en temps, vous avez 10% », calcule-t-il. En fait ce qui augmente, c’est la part de ces « flexitariens ». L’idée selon laquelle « manger trop de viande est nocif commence à entrer dans les tête des consommateurs », explique le spécialiste. Ainsi, 42% des Français interrogés cette année disent avoir sensiblement réduit leur consommation de viande, « ce qui est énorme », commente-t-il. Il y a aussi l’argument économique, puisque l’alimentation est un poste sensible à l’économie. Verdict : « Je suis convaincu que la part de flexitariens va continuer d’augmenter dans le futur ».

Le cru. « C’est petit en France, le pays du cru c’est plutôt l’Allemagne, avec tout un courant qui s’appelle le “Rauwkost” », précise-t-il. La tendance crue est liée à celle du naturel ou du bio. Il s’agit « de revenir à l’origine ». Mais au-delà de l’argument santé, il y a aussi l’aspect plaisir, relève le prévisionniste : « Manger cru, c’est retrouver la sensation de choses qui n’ont pas été dénaturées, les sensations premières ». Verdict : « c’est une micro-tendance aujourd’hui, encore plus petite que le végétarisme ».

L’alimentation connectée. L’idée étant que la technologie est « un assistant à votre alimentation », résume le prévisionniste. Il s’agit donc d’intégrer les données (aliments ingérés, calories dépensées etc.) et de les stocker et/ou les analyser grâce à son smartphone, sa tablette ou son ordinateur. Verdict : « C’est tout petit, en France en particulier. Mais avec le vieillissement de la population, et le fait que de plus en plus de gens auront des problèmes de santé - notamment de diabète, qui augmente - ces outils vont s’avérer de plus en plus utiles ».

L’anti-régime. En France, 15% des personnes sont obèses, et « on est plutôt dans une dynamique qui continue », indique-t-il. Pour autant, une idée se dégage : celle qu’ « il n’y a pas un régime miracle qui peut s’appliquer à tous, mais au contraire, chaque individu a sa morphologie ». Et ce discours qui se développe de plus en plus, à commencer par les spécialistes de santé. « Finalement, l’important, est davantage de trouver son poids de forme que d’être filiforme ». Verdict : « Ce phénomène profite du développement du courant intuitif qui consiste à faire confiance à son corps sur ce dont il a besoin, il a donc de l’avenir ».

L’alimentation hollistique. Ici, l’alimentation fait partie d’un tout qui englobe des exercices physiques et des exercices de psychologie positive. « L’idée est que vous ne pouvez pas être en bonne santé si vous ne jouez pas sur tous les leviers », explique le spécialiste. Ainsi, « l’alimentation est réintégrée dans un ensemble plus vaste qui est le corps et l’esprit ». Verdict : « C’est un courant qui va se développer, notamment en s’appuyant sur l’essor de la psychologie positive ».

Les ateliers. Ils émanent du désir de se réapproprier les recettes, réapprendre à manier les aliments. « Les gens ne vont pas se mettre à cuisiner tous les soirs de la semaine, il s’agit d’un loisir », nuance Rémy Oudghiri. Ce loisir est motivé par « le besoin de convivialité, celui de manger des choses saines, et le plaisir d’être maître de ce que l’on fait ». Verdict : « cette tendance est solide. Elle est largement portée par le fait que les gens veulent de plus en plus faire eux-même, et pas seulement en cuisine ».

Marion Degeorges

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