Discrimination : les chibanis marocains de la SNCF réclament justice

Embauchés au début des années 1970 comme contractuels, 832 cheminots d'origine marocaine estiment avoir été pénalisés dans leur carrière. Les prud'hommes se prononcent aujourd'hui.

Discrimination : les chibanis marocains de la SNCF réclament justice

    La SNCF joue gros. Environ 350 Mâ?¬, soit plus de la moitié de son bénéfice réalisé l'année dernière, 605 Mâ?¬ ! C'est aujourd'hui que le conseil de prud'hommes de Paris doit rendre son jugement concernant les recours déposés par 832 cheminots d'origine ou de nationalité marocaine qui affirment avoir été bloqués dans leur carrière et pénalisés à la retraite.

    L'affaire dite des chibanis (« cheveux gris » en arabe) de la SNCF est aussi ancienne que le plein-emploi en France. Elle trouve ses racines dans les années 1970, quand la compagnie ferroviaire est en quête d'une main-d'Å?uvre bon marché qui fait défaut dans l'Hexagone. A l'époque, elle se tourne vers le Maghreb, et plus précisément vers le royaume chérifien. Une convention est même signée avec le pouvoir marocain pour fournir des travailleurs. Des centaines de jeunes, environ 2 000, quittent leurs villages accrochés au flanc de l'Atlas ou encore les banlieues de grandes villes comme Casablanca. On s'entasse dans les bateaux pour traverser la Méditerranée et rejoindre la France où ils sont dispatchés au gré des besoins de la compagnie ferroviaire, du Creusot à Strasbourg, de Paris à Tourcoing, dans les gares de triage où, souvent, ils exercent les métiers les plus durs, exposés aux aléas climatiques.

    «A travail égal, le salaire doit être égal»

    Mais ces travailleurs venus du Maroc sont embauchés comme contractuels (avec un CDI de droit privé). Concrètement, ils ne relèvent pas du statut particulier, et plus avantageux, des cheminots. Longtemps réservé aux salariés de la SNCF de nationalité française, ce statut désormais ouvert aux ressortissants européens offre une garantie d'emploi et des avantages en matière de protection sociale, d'évolution de carrière, de rémunération et de retraite. Si, durant leur carrière, ces 832 cheminots marocains ont constaté que leurs homologues français évoluaient professionnellement et que leurs salaires étaient plus importants, c'est lors du passage à la retraite que la différence s'est fait sentir. Leurs pensions étaient en moyenne trois fois moins importantes. Les premières plaintes apparaissent en 2005.

    « Je ne sais pas si on peut parler de racisme, estime Me Clélie de Lesquen-Jonas, l'avocate des travailleurs marocains. Mais il y a eu inégalité de traitement. A travail égal, le salaire doit être égal. Là, les dirigeants de la SNCF ont fait des économies sur leur dos. » En moyenne, chaque cheminot marocain réclame 400 000 â?¬ de dommages et intérêts.

    Si la compagnie ferroviaire ne souhaite pas s'exprimer avant le jugement, elle a contesté, lors du procès en mars, le mode de calcul des sommes réclamées par les plaignants. Surtout, elle a rappelé que la SNCF, entreprise publique, dispose de deux statuts pour ses salariés. Une disposition inscrite dans la loi. « Ce jugement peut être une bombe financière mais aussi sociale, prévient Eric Chollet de la CFDT. Aujourd'hui, sur les 160 000 employés, environ 12 000 sont contractuels. Leurs effectifs augmentent et ils gagnent en moyenne 25 % de moins que les cheminots au statut. Pourquoi cette différence alors que le travail est tout aussi pénible ? Et pourquoi les salariés extra-européens sont exclus du statut ? »

    VIDEO (24 mars). Des cheminots marocains attaquent la SNCF