Le Conseil constitutionnel relance le débat sur le bisphénol A

Les boites de conserve alimentaires sont tapissés d'une résine contenant du bisphenol A

En autorisant de nouveau l’utilisation de la substance pour l’export, la plus haute cour française fragilise la position de la France qui l’interdit totalement.

C’est un revers pour la ministre de l’Écologie française. En censurant partiellement la suspension du bisphénol A, le Conseil constitutionnel relance le débat sur l’opportunité d’interdire cette substance que les scientifiques accusent de perturber le fonctionnement endocrinien.

Par décision du 17 septembre 2015, le Conseil constitutionnel a en effet levé l’interdiction de fabrication et d’exportation de contenants alimentaires fabriqués à partir de bisphénol A, tout en confirmant l’interdiction de la commercialisation et de l’importation en France.

Une décision paradoxale, liée au champ de compétence du Conseil constitutionnel, qui estime que la liberté d’entreprendre serait entravée par la loi puisque la substance reste commercialisable en dehors de la France.

« La décision du Conseil constitutionnel est ahurissante. On se croirait revenu au temps de Tchernobyl à l’époque où on nous disait que le nuage radioactif s’était arrêté à la frontière française » s’énerve Michèle Rivasi, député européenne.

Un débat scientifique agité

Sur le fond, le Conseil constitutionnel ne s’est pas jugé compétent pour se prononcer sur le débat scientifique ou sur la conformité de la loi française au cadre européen.

Le lobby du plastique juge de son côté que l’interdiction par la France de la commercialisation de la substance est « sans fondement scientifique ». Il est en cela soutenu par l’Agence européenne de sécurité alimentaire, qui a jugé dans un avis datant de début 2015 que le bisphénol ne présentait pas de risque pour la santé des consommateurs. 

« Pour l’industrie française, 40 % du marché de l’emballage métallique, qui utilise des résines contenant du bisphenol A, est à l’export » explique Michel Loubry, qui se réjouit de la décision du Conseil constitutionnel tout en s’interrogeant sur la bataille d’experts qui sévit entre la France et la Commission européenne autour de la dangerosité du matériau. Car les autorités sanitaires divergent fortement sur leurs recommandations : la France est isolée dans son opposition. L’autorité sanitaire allemande, comme américaine, ont émis des avis différents ; seule l’autorité sanitaire danoise rejoint partiellement l’avis français.

« Le ministère de l’Ecologie est le principal ministère de tutelle de l’Anses » souligne M. Loubry, qui s’interroge sur l’indépendance de l’institution. En juin dernier, l’Anses a publié une nouvelle note d’analyse concernant le bisphenol A, où elle conserve sa position initiale sur l’interdiction de la molécule, tout en constatant au sein d’une note de bas de page son innocuité à très petite dose.

Une procédure d’infraction en cours contre la France

Deux directions générales concernées ont ouvert une enquête en mars dernier sur le cas du bisphénol A. La DG Industrie à propos de l’entrave à la liberté d’entreprendre, et la DG Santé à propos du non respect par la France de la directive sur les matières dangereuses.

Les enquêtes sont en cours, et pourraient aboutir sur une procédure d’infraction à l’encontre de la France.

>>L’industrie du plastique fait tanguer l’interdiction du bisphénol A

« Il est grand temps de fixer un cadre précis sur les perturbateurs endocriniens au niveau européen. Ce que la Commission européenne aurait dû faire depuis 2013 et n'a toujours pas fait. Car encore une fois, au niveau européen comme français, les industriels et lobbies en tout genre font pression sans limites sur les institutions pour faire valoir leurs intérêts » assure Michèle Rivasi, député européenne du parti Vert.

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