Publicité

Volkswagen : les 7 questions autour de l’affaire du logiciel espion

Accusé par les autorités américaines d’avoir falsifié ses résultats aux tests antipollution, le constructeur risque une amende de 18 milliards de dollars et a connu, lundi, la pire journée de son histoire en Bourse. Une affaire qui pose plusieurs questions.

021341386078_web.jpg
Le constructeur aurait placé un logiciel espion sur ses véhicules Diesel aux Etats-Unis pour contourner les tests anti-pollution.

Par Pierre Demoux, Julien Dupont-Calbo, Maxime Amiot

Publié le 21 sept. 2015 à 12:23

Le titre a perdu plus de 18 % à la Bourse de Francfort ce lundi.

De quoi est accusé Volkswagen ?

Les Etats-Unis et l’Etat de Californie ont accusé vendredi le constructeur allemand d’avoir délibérément contourné les règles en vigueur en matière de lutte contre la pollution atmosphérique. L’agence américaine de protection de l’environnement (EPA) reproche au groupe d’avoir équipé des modèles diesel VW et Audi, entre 2009 et 2015, d’un logiciel permettant de contourner les tests d’émission de certains polluants atmosphériques.

C’est l’Université de Virginie-Occidentale et l’ONG ICCT qui ont découvert le pot aux roses. Mandaté au printemps 2014 pour étudier les énergies alternatives, le laboratoire n’a pu reproduire, en conditions de circulation réelle, les basses émissions avancées par Volkswagen. Alertée, l’EPA a ensuite pris le relais des investigations avec son homologue californienne mais, jusqu’alors, le groupe allemand avait nié les accusations. Avant d’être finalement forcée de les reconnaître, au vu des preuves recueillies par les autorités. Echaudés, les Etats-Unis ont annoncé lundi après-midi que des véhicules d’autres constructeurs allaient être de nouveau testés.

Publicité

Pourquoi une amende aussi lourde  ?

VW risque au total une amende de 18 milliards de dollars (16 milliards d’euros), soit 37.500 dollars par véhicule qui ne serait pas aux normes, selon la loi antipollution. Ce serait l’amende la plus forte jamais administrée par l’EPA. En novembre 2014, l’EPA avait sanctionné les sud-coréens Hyundai et Kia d’une amende de 100 millions de dollars pour avoir sous-estimé les consommations de carburant de leurs véhicules. Avant cela, dans les années 1990, 7 constructeurs de moteurs diesel avaient dû verser 1 milliard de dollars pour avoir utilisé des outils trompant les contrôles antipollution.

D’autres constructeurs automobiles ont été récemment sanctionnés aux Etats-Unis, mais pour des défauts techniques, et non par l’agence américaine de protection de l’environnement : Toyota a écopé l’an dernier d’une amendede 1,2 milliard de dollars pour un problème sur ses accélérateurs et General Motors a reçu, lui, une amende de 900 millions jeudi pour avoir dissimulé pendant dix ans un défaut sur certains modèles.

Cette intransigeance de l’EPA s’inscrit dans l’offensive de l’administration Obama dans la lutte contre le réchauffement climatique. De nouveaux objectifs de lutte contre les émissions ont été fixés pendant l’été, visant notamment les centrales au charbon, mais aussi la pollution automobile. Clairement, cette enquête sonne comme un avertissement pour les autres constructeurs qui pourraient être tentés de contourner la loi.

D’autres constructeurs vont-ils être concernés ?

Les concurrents du constructeur allemand se sont empressés de se dissocier de l’affaire. Lundi matin, le président du directoire de Daimler, la maison mère de Mercedes-Benz, a estimé que la question ne le concernait pas. « J’ai une vague idée de ce qui se passe et je pense que nous ne sommes pas concernés », a affirmé Dieter Zetsche. « Mais il est bien trop tôt pour dire quoi que ce soit de définitif à ce sujet. » Le groupe a ajouté dans un communiqué ne pas avoir connaissance d’une enquête visant sa filiale américaine. BMW a également déclaré ne pas être concerné par cette affaire. Mais les constructeurs européens ont été pris dans le sillage de VW en Bourse : l’indice Stoxx 600 Automobile a reculé de plus de 4 % ce lundi.

Lundi, les Etats-Unis ont néanmoins annoncé qu'ils étendaient leurs investigations à d'autres constructeurs automobiles. "L'agence fédérale de protection de l'environnement américaine (EPA) et la CARB (son homologue californienne) ont commencé des tests sur des véhicules déjà en circulation produits par d'autres constructeurs pour détecter la présence de possibles logiciels trompeurs", a expliqué une porte-parole de l'EPA lundi.

De son côté, le gouvernement allemand a annoncé attendre des constructeurs automobiles qu’ils lui communiquent toute information permettant de déterminer si les données allemandes et européennes sur les émissions polluantes pourraient elles aussi avoir été faussées. La Corée du Sud va pour sa part contrôler les niveaux d’émission de polluants de trois modèles de Volkswagen. Quant à la Commission européenne, elle a indiqué être en contact avec le groupe allemand et les régulateurs américains.

Comment fonctionnait ce logiciel ?

Publicité

L’informatique peut servir à tout. C’est un petit « algorithme sophistiqué », selon l’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA), qui a permis à Volkswagen de truquer les résultats des tests d’émissions pratiquées par les autorités de contrôle américaines. En pratique, ce logiciel (très discret) active à 100 % l’équipement antipollution de la voiture seulement quand celle-ci passe les contrôles officiels. « Pour faire simple, ces automobiles étaient équipées d’un logiciel qui coupait le mécanisme de contrôle des émissions en circulation normale, et l’activant en cas de test d’émission », s’est agacé l’EPA. « Lors d’un test, le volant ne tourne pas, le capot est ouvert, indique un équipementier. On peut tout à fait paramétrer un logiciel qui reconnaît ces phases »

Concrètement, le logiciel « bride » l’équipement antipollution de la voiture dans son utilisation de tous les jours – et celle-ci peut ainsi rouler sur les routes américaines en dégageant par exemple un taux d’oxyde d’azote (Nox) presque 40 fois supérieur à la norme. Si Volkswagen a avoué la tromperie, le groupe allemand n’a pas précisé le fonctionnement du logiciel incriminé. A peine peut-on imaginer qu’il pourrait se déclencher selon les coordonnées GPS, ou encore en fonction de l’utilisation de la voiture – les tests pratiqués en laboratoire répondant à un déroulement bien précis .

Selon une source proche de Volkswagen citée par l’AFP, une éventuelle décision sur un mécanisme de contrôle des émissions polluantes aurait été prise par le siège en Allemagne, et non par les divisions régionales concernées.

Comment a réagi Volkswagen ?

Le constructeur a reconnu les faits rapidement et a lancé une enquête externe dès dimanche. « Je regrette personnellement et profondément que nous ayons déçu la confiance de nos clients et du public », a déclaré le président du directoire, Martin Winterkorn. Il a promis que le groupe allait coopérer avec les Etats-Unis pour « établir les faits rapidement et de façon transparente » et qu’il ferait « tout pour regagner pleinement la confiance que tant de gens [lui] accordent ». Une mission qui s’annonce difficile : dès lundi matin, le titre a fortement chuté en Bourse, perdant finalement lundi soir plus de 17 %, le plus gros plongeon de son histoire. Le groupe va désormais devoir rappeler près de 500.000 voitures de différents modèles (Audi A3, Jetta, Beetle, Golf et Passat) vendues depuis 2008 aux Etats-Unis. Et il a demandé à ses concessionnaires de cesser de vendre ses modèles diesel quatre cylindres de ses marques VW et Audi aux Etats-Unis.

Et maintenant, que va-t-il se passer pour VW ?

Pour l’instant, les autorités américaines poursuivent leur enquête en collaboration avec Volkswagen et l’amende n’est pas encore confirmée. Mais l’affaire tombe mal pour Volkswagen, déjà affecté par des querelles internes depuis plusieurs mois. Le sujet sera ainsi évoqué par les 20 membres du conseil de surveillance du groupe vendredi et pourrait conduire au départ du président du directoire, Martin Winterkorn, qui dirigeait la marque VW de 2007 à 2015, période qui couvre les six années visées par les enquêtes américaines.

D’autres fronts pourraient s’ouvrir pour le constructeur. Le Clean Air Act américain prévoit ainsi des peines de prison pour les responsables de fausses déclarations et de trucage des mesures de contrôles… D’ailleurs selon la presse américaine une enquête pénale a été ouverte par la justice américaine. Et une « class action » a été déposée par un cabinet d’avocat auprès la Cour fédérale de San Francisco. Les plaignants craignent pour la valeur à l’argus de leurs véhicules estampillés VW.

Enfin, tout cela va peser sur l’avenir du groupe aux Etats-Unis. Encouragé par le durcissement de la réglementation, qui impose aux constructeurs de fabriquer des véhicules peu gourmands en carburant, VW avait tout misé sur le diesel aux Etats-Unis, où ces types de motorisation sont peu courants. Mais ses modèles sont perçus comme plus chers que la concurrence dans un environnement très compétitif. Le groupe a déjà fait cesser jusqu’à nouvel ordre la vente de ses modèles diesel aux Etats-Unis, qui représentaient 23 % du total de ses ventes en août. Un coup dur pour l’allemand, qui misait beaucoup sur ce pays pour prendre la place de leader mondial de l’automobile à Toyota.

Sa stratégie pour contrer Toyota est d’autant plus mise à mal que l’ affaire commence à s’étendre en Asie. Mardi matin, Séoul a annoncé qu’elle allait enquêter sur trois modèles diesel Volkswagen, avant de convoquer les représentants du constructeur allemand à une réunion au ministère de l’Environnement.

Que représente une telle amende pour le groupe ?

Si l’amende est finalement appliquée, son montant représenterait donc 18 milliards de dollars (16 milliards d’euros), soit 9 % du chiffre d’affaires annuel du groupe en 2014 ! Quant à la chute du titre VW en Bourse ce lundi, elle équivaut à une perte de près de 17 milliards d’euros de capitalisation, soit davantage que la capitalisation totale d’un groupe comme Peugeot... A terme, VW devra aussi faire face d’autres coûts : rappels des véhicules, arrêt des ventes aux Etats-Unis, possibles poursuites judiciaires des propriétaires de véhicules, impact sur les ventes futures, etc.

Le « palmarès » des amendes record

Si l’automobile est, depuis quelques mois, dans le viseur de la justice américaine, d’autres secteurs ont été lourdement sanctionnés par l’administration ces dernières années. En premier lieu, les banques. Après la crise des « subprimes », elles ont versé, pour la seule année 2013, plus de 50 milliards de dollars aux autorités américaines. Les plus touchées ont été JPMorgan et Bank of America, qui ont dû payer respectivement 13 et 16,6 milliards de dollars en 2013 et en 2014 pour vente abusive de prêts hypothécaires.De son côté, BNP Paribas a été condamné l’an dernier pour avoir violé l’embargo des Etats-Unis avec le Soudan, Cuba et l’Iran. Montant : 9 milliards. Credit Suisse, lui, devra débourser 2,6 milliards pour avoir aidé à pratiquer la fraude fiscale.Le domaine de la santé est aussi la cible d’amendes : en 2009, l’américain Pfizer a accepté de payer 2,3 milliards pour des pratiques commerciales frauduleuses. Mais la palme de la plus grosse sanction individuelle revient à BP, qui versera une indemnisation de 18,7 milliards pour la marée noire de 2010 dans le Golfe du Mexique.

MicrosoftTeams-image.png

Nouveau : découvrez nos offres Premium !

Vos responsabilités exigent une attention fine aux événements et rapports de force qui régissent notre monde. Vous avez besoin d’anticiper les grandes tendances pour reconnaitre, au bon moment, les opportunités à saisir et les risques à prévenir.C’est précisément la promesse de nos offres PREMIUM : vous fournir des analyses exclusives et des outils de veille sectorielle pour prendre des décisions éclairées, identifier les signaux faibles et appuyer vos partis pris. N'attendez plus, les décisions les plus déterminantes pour vos succès 2024 se prennent maintenant !
Je découvre les offres

Nos Vidéos

xx0urmq-O.jpg

SNCF : la concurrence peut-elle faire baisser les prix des billets de train ?

xqk50pr-O.jpg

Crise de l’immobilier, climat : la maison individuelle a-t-elle encore un avenir ?

x0xfrvz-O.jpg

Autoroutes : pourquoi le prix des péages augmente ? (et ce n’est pas près de s’arrêter)

Publicité