ART - Vous allez sans doute en entendre parler. Si son lancement a été repoussé par en raison d'une grève à l'initiative de la CGT-culture, l'exposition Splendeurs et misères. Images de la prostitution (1850-1910)devait s'ouvrir ce mardi 22 septembre au musée d'Orsay. Au programme, peinture, sculpture et documents, notamment photos et films, qui retracent l'influence de la prostitution dans l'art de cette époque.
Pourquoi le monde de la prostitution a "généré un aussi grand nombre de représentations à travers des courants aussi variés que l’impressionnisme, le naturalisme, le fauvisme ou l’expressionnisme ?", interroge Guy Cogeval, président du musée d'Orsay, dans le catalogue de l'exposition. Il s'agira de la première de cette importance à aborder le thème de la prostitution, avec des artistes comme Degas, Manet, Van Gogh, Munch ou Picasso.
Une exposition pas entièrement tout public, puisque l'on y retrouve deux salles (interdites aux moins de 18 ans) avec des photos et extraits de films pornographiques, précise Le Parisien. Elle confirme l'intérêt du musée d'Orsay pour des thématiques liées à la nudité et/ou la sexualité, après Degas et le nu en 2012, Masculin/Masculin (consacrée à la nudité masculine) en 2013 et Sade. Attaquer le soleil en 2014. Le sexe, recette miracle pour attirer les foules?
Thème sulfureux et rarement abordé au musée, images provocatrices dans un écrin davantage connu pour ses chefs d'oeuvre impressionnistes et son architecture que pour son exploration des bas-fonds et des vices... Splendeurs et misères a tout, en principe, pour susciter la curiosité et l'intérêt du public. Quitte à déboussoler, voire choquer les visiteurs, au risque de rebuter certaines âmes sensibles?
Président du musée d'Orsay, Guy Cogeval a non seulement conscience de cette éventualité, relève Le Parisien, mais il l'assume et en fait même un argument, dénonçant les expositions "sans mise en scène, qui ne racontent rien". Comme il le souligne, "Manet, Maupassant et tant d'autres sont morts de la syphilis parce qu'ils passaient leur temps au bordel, central dans l'art et la littérature de l'époque".
Pour Masculin/Masculin déjà, Guy Cogeval se réjouissait à l'idée que l'exposition puisse choquer, prédisant "une petite réticence des bourgeois bien-pensants d'une manière générale" et s'attendant même à ce que l'établissement "perde une partie de son public qui va avoir peur de venir ici" car "le nu masculin gêne".
"On se prend une baffe à chaque pas", se félicitait-il aussi au sujet de Sade. Attaquer le soleil. Pour cette exposition, le musée d'Orsay était allé assez loin en diffusant un clip de promotion suggestif et érotisant dans lequel on pouvait voir de nombreux corps de femmes et d'hommes nus entrelacés.
Résultat, ces expositions ont fait parler d'elles et réuni jusqu'à 480.000 visiteurs pour Degas et le nu et 410.000 visiteurs pour Masculin/Masculin, tandis que Sade. Attaquer le soleil a rassemblé 243.165 visiteurs, un chiffre tout de même honorable pour une exposition nettement plus provoc' et exigeante.
Dans un autre registre, des expositions grand public mais où la thématique de la sexualité était centrale ont aussi connu de beaux succès. C'est le cas du "Zizi sexuel" revenu l'année dernière à la Cité des sciences, au cœur d'une polémique sur la "théorie du genre" et dénoncée comme "sexuellement explicite" par des associations, ou de "Bêtes de sexe" en 2012-2013. Mais à la question de savoir si le sexe attire les foules, la réponse est plus complexe qu'il n'y paraît.
Si les expos citées précédemment ont assurément trouvé leur public et réalisé de bons chiffres de fréquentation, elles n'ont pas non plus battu des records, loin de là. L'exposition Van Gogh/Artaud. Le suicidé de la société (mars-juillet 2014) reste ainsi - et de loin - le plus gros succès du musée d'Orsay avec 654.000 visiteurs. A la deuxième place, on retrouve un autre événement qui ne se distingue pas non plus par son côté "hot" même si on pouvait y voir quelques nus.
Pierre Bonnard. Peindre l'Arcadie, a ainsi attiré pas moins de 510.000 visiteurs entre les mois de mars et juillet 2015 alors que c'était tout de même la troisième rétrospective consacrée à l'artiste français en 20 ans. Parmi les succès du musée, on peut encore citer Manet le Paris moderne (470.268 visiteurs) ou Cézanne et Pissarro et ses plus de 400.000 visiteurs.
Si l'on s'intéresse aux expos qui ont attiré le plus de visiteurs en 2014 tous musées confondus, on constate par ailleurs que Henri Cartier-Bresson (Centre Pompidou, 424.535 visiteurs), "Star Wars" (Cité du Cinéma, 400.000) ou l’Orient-Express (Institut du monde arabe, 260.000) restent nettement devant le Kâma Sûtra (Pinacothèque de Paris, 200.000) et donc Sade. Attaquer le soleil.
De manière générale, les grandes rétrospectives restent souvent plus accessibles (et donc populaires) que les expos sulfureuses, en témoignent les succès colossaux de Monet, Dali, Picasso et Hopper ces dernières années. Mais il faut évidemment tenir compte de la capacité d'accueil et du prestige de l'établissement, de la période ou encore de la durée de l'exposition.
Les expos Masculin/Masculin et Sade. Attaquer le soleil n'ont duré que trois mois et demi, contre près de cinq mois pour Van Gogh et quatre mois pour Pierre Bonnard. Pour Splendeurs et misères. Images de la prostitution, ce sera quasiment quatre mois (jusqu'au 17 janvier 2016). Reste à savoir si elle contribuera à reproduire les bons chiffres de fréquentation enregistrés par le musée d'Orsay en 2014.