La mascarade des normes antipollution

Peu réalistes, trop ciblées, les procédures de mesure de consommation et de pollution sont faciles à contourner, en trichant ou pas.

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VW a été parmi les premiers à tenter l'aventure du moteur diesel aux États-Unis, où les normes de dépollution sont parmi les plus strictes au monde.
VW a été parmi les premiers à tenter l'aventure du moteur diesel aux États-Unis, où les normes de dépollution sont parmi les plus strictes au monde. © GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

Temps de lecture : 3 min

L'affaire Volkswagen est le dernier exemple en date de la dérive d'un système qu'il est devenu urgent de réformer. Les méthodes d'homologation de la consommation et des émissions polluantes des nouveaux modèles doivent évoluer pour devenir plus réalistes, et comporter, comme c'est déjà prévu à brève échéance (janvier 2016), une partie aléatoire mesurée sur route qui interdise aux constructeurs de trop spécialiser leur voiture pour un cycle précis. La procédure actuelle de mesure sur un cycle unique réalisé sur banc à rouleaux n'est en effet plus adaptée aux technologies modernes.

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De l'optimisation...

Car même sans volonté de tricher, il est évident qu'avec les moyens dont ils disposent, les constructeurs conçoivent et mettent au point leurs voitures spécifiquement pour respecter la norme imposée sur le cycle officiel, et qu'ils s'en écartent dans d'autres circonstances, pour le coup aujourd'hui en toute légalité, que ce soit pour améliorer l'agrément de conduite en augmentant les performances, réduire la consommation de carburant ou d'additif nécessaire au fonctionnement du système de traitement des gaz d'échappement, etc. En effet, s'il arrive que certains constructeurs se montrent plus vertueux que ce que les normes exigent, comme PSA avec son filtre à particules au début des années 2000, il est évident que, dans un univers ultra-compétitif, sauter à 4,5 m de haut lorsque la norme fixe la barre à 1,5 m est le plus souvent impossible à justifier sur le plan économique.
Résultat de cette optimisation, les 15 modèles récents respectant la norme Euro6 testés par l'ONG ICCT (pour International Council on Clean Transportation) émettent en conditions réelles en moyenne 7 fois plus que sur le cycle d'homologation européen, soit 560 mg/km au lieu de 80.

... à la tricherie

Si l'affaire VW est plus grave, c'est parce que les ingénieurs du constructeur allemand auraient intentionnellement conçu un logiciel pour reconnaître les circonstances du test d'homologation américain, afin de ne faire fonctionner effectivement le système de post-traitement des oxydes d'azote que lors de ce cycle. S'agissant d'un moteur 2.0 TDI utilisant un piège à NOx, qui, pour fonctionner efficacement, doit être régénéré régulièrement grâce à un enrichissement ponctuel du mélange carburé, l'avantage de cette tricherie est évident en termes de consommation et d'agrément de conduite. Le problème, c'est qu'en fonctionnant de la sorte, les modèles concernés (VW Jetta, Golf, Beetle, Passat, et Audi A3 2.0 TDI) peuvent émettre jusqu'à 40 fois plus d'oxydes d'azote en réalité que sur le cycle officiel. Or ces NOx contribuent à la formation du dioxyde d'azote, un polluant très irritant pour les voies respiratoires, mais aussi à celles de particules. Cette fois, c'est en menant un test au hasard et sur la route – selon le principe du RDE pour Real Driving Emissions – que l'ONG ICCT a découvert le pot aux roses. Et c'est l'absence d'explications satisfaisantes de la part de VW qui a déclenché l'ire de l'EPA, l'agence pour la protection de l'environnement américaine.

18 milliards de dollars

Le logiciel fautif serait potentiellement utilisé sur 482 000 modèles vendus par VW sur le marché américain entre 2009 et 2015. Or, selon le "clean air act", le département de la Justice américain pourrait réclamer jusqu'à 37 500 dollars par véhicule concerné, soit un montant total d'amende encouru par le groupe allemand d'un peu plus de 18 milliards de dollars. Dans l'immédiat, toutes les voitures susceptibles d'utiliser ce logiciel sont interdites à la vente. Soucieux d'éteindre l'incendie, le groupe VW a, en la personne de Martin Winterkorn, son président de directoire, annoncé qu'il voulait collaborer pleinement avec l'agence de protection de l'environnement américaine (EPA) pour remédier au problème.

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Commentaires (15)

  • herbivore

    Tous les génies de Bruxelles qui nous fabriquent des normes et des lois impossible à respecter devraient travailler en usine pur comprendre un peu les enormes problèmes auquels sont confrontés nos ingénieurs

  • C'est-dit

    Bienvenue au pays de la fragmentation hydraulique, des animaux piqués aux hormones... Au royaume des hypocrites, les faux derches américains sont rois.

    482000 véhicules incriminés sur 6 ans sur un parc automobile de 264 millions d'unités, soit 0, 18% mais 18 milliards de jackpot à la clé.

  • clitandre

    Ce problème des normes ressemble de plus en plus à un oignon. Après en avoir enlevé une couche, une autre apparait dessous.
    D'après ce qu'on nous dit les nouvelles normes EURO6 garantissent un niveau de pollution du diesel, plus faible que celui de l'essence. Dont acte MAIS,
    1/ les constructeurs savent-ils vraiment se conformer à cette norme sans tricher ou sans "optimiser " les moteurs pour qu'ils satisfassent aux tests seulement sur les points du cycle sans se préoccuper de ce qui se passe en dehors de ces points ?
    2/ le cycle normalisé est-il vraiment representatifs des conditions d'utilisation relles sachant que celles-ci sont diversifiées selon le mode d'utilisation, routière ou citadine ?
    Il semble que non et la question est centrale.
    S'il devait en effet s'averer que, tout en etant conforme à EURO6 les moteurs diesel emettent, EN CONDITION REELLE D'UTILISATION beaucoup plus de NoX que lors du cycle normailsé, la question prendrait une tout autre tournure.
    Les interets en jeu sont enormes et il est fort à parier qu'il sera extremement difficile d'avoir le fin mot de l'histoire. Les constructeurs tiennent probablement les clés de la verité mais les livreront-ils ? Elles risquent sans doute de mettre en peril des centaines de milliers d'emploi et d'avoirs des consequences financières considerables en terme de de reconversion de l'outil industriel si le diesel devait être delaissé. On peut comprendre leur prudence et celle des instances administratives qui se trouvent devant la necessité d'arbitrer entre la santé economique d'un secteur important industriel et la santé physique des administrés. Choix cornelien s'il en est !