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Comment Valls a construit sa popularité

Dans un chat sur LeMonde.fr, Laurent Borredon et David Revault d'Allonnes, journalistes au « Monde » et auteurs de « Valls, à l'intérieur », analysent la popularité et la stratégie du ministre de l'intérieur.

Le Monde

Publié le 07 janvier 2014 à 17h36, modifié le 31 mars 2014 à 19h47

Temps de Lecture 5 min.

Manuel Valls, le 12 décembre 2013, à Coquelles.

Dans un chat sur LeMonde.fr, Laurent Borredon et David Revault d'Allonnes, journalistes au Monde et auteurs de Valls, à l'intérieur (Robert Laffont, 280 p., 19,50 euros, en librairies le 9 janvier), analysent la popularité et la stratégie du ministre de l'intérieur.

Agnès : Comment Manuel Valls, sorti dernier de la primaire socialiste de 2011, pourrait-il convaincre des militants PS qui ne sont pas favorables à ses idées (sur la TVA sociale notamment) ?

Laurent Borredon et David Revault d'Allonnes : Manuel Valls a méthodiquement construit son rapport à l'opinion et a connu une ascension sondagière fulgurante en trois ans à peine. Alors inconnu du grand public, il est aujourd'hui le ministre le plus populaire ! Même parmi les sympathisants de gauche. Et Manuel Valls a suffisamment de sens tactique pour opérer quelques glissements ou quelques conversions au bon moment.

Visiteur : A votre connaissance, Manuel Valls est-il flatté ou agacé de la comparaison permanente avec le parcours et les méthodes de Nicolas Sarkozy ?

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A l'origine, cela l'exaspérait. Mais c'était à l'époque de son installation à Beauvau. Aujourd'hui, la comparaison le laisse de marbre. Car en réalité, Valls a bien mesuré combien Sarkozy avait « tué le job » de ministre de l'intérieur, comme l'avait expliqué l'ancien président. Donc beaucoup de similitudes, notamment dans la mise en scène de l'action, que Valls assume aujourd'hui.

Visiteur : Manuel Valls pourrait-il succéder à Jean-Marc Ayrault à Matignon ?

Il a failli le faire au début du mois de décembre ! La solution était sérieusement envisagée par François Hollande. Et le ministre s'y est cru... Mais Ayrault a sauvé sa tête en lançant la réforme fiscale. Cela dit, cela ne pourrait être que partie remise : Valls demeure l'un des principaux prétendants, sinon le principal... Après les européennes ?

Lire : Article réservé à nos abonnés Le jour où Manuel Valls s'est vu à Matignon

Visiteur : A votre avis, Manuel Valls laissera-t-il son nom à une réforme forte au sein de son ministère ? Ou se contente-il de ne pas faire de vagues pour durer ?

Pour l'instant, il a fait le choix assumé de l'« apaisement » pour des gendarmes et des policiers qui avaient été bien secoués ces dernières années. L'apaisement, ça veut dire clairement : pas de grande réforme.

Ceci dit, il laisse, après dix-huit mois, une réforme en cours de la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), le nouveau code de déontologie des policiers et gendarmes, plusieurs circulaires sur la politique migratoire... Le bilan est mitigé, comme on dit.

Visiteur : Manuel Valls est-il populaire parmi les policiers ? Plus que Nicolas Sarkozy ?

La fin de ce qu'on peut appeler la décennie Sarkozy dans la police a laissé beaucoup d'amertume, chez les policiers hauts placés comme à la base. Ils attendaient beaucoup de leur nouveau ministre. Aujourd'hui, quand on se rend dans les commissariats, il y a une déception. Beaucoup attendaient une réforme de l'usine à gaz qu'est devenue la police française. Ils ne l'ont pas eue. D'autres attendaient une chasse aux sorcières, elle n'a pas eu lieu.

Stuj : Pourquoi Valls est-il aussi populaire ? Les résultats n'ont pas l'air d'être encore là pour le moment, non ? Qui sont les gens qui aiment Valls et pourquoi l'aiment-ils ?

Sarkozy est resté, pendant dix ans, crédible sur la question alors que les résultats étaient mitigés. Valls, pour l'instant, n'a pas été rattrapé par ses résultats. Quant à sa popularité, elle a été méthodiquement construite, comme nous le racontons dans notre enquête, en peu de temps, grâce à une communication d'une redoutable efficacité.

Visiteur : Comment François Hollande vit-il la popularité de son ministre de l'intérieur ?

Mal ! Et de plus en plus mal... Au début du quinquennat, une confiance relative règne entre les deux hommes. Mais plus François Hollande va sombrer dans les tréfonds de l'impopularité, et ce très vite, et plus Manuel Valls va caracoler au faîte des études d'opinion, plus la confiance, mécaniquement, va s'éroder... Il n'est pas évident pour un président de la République de voir son ministre de l'intérieur l'humilier ainsi dans les sondages.

Visiteur : Que pense Manuel Valls de la façon dont François Hollande occupe son poste, tant sur le fond que sur la forme ?

Manuel Valls, en apparence, est extrêmement loyal. Pas un mot de travers, ou presque. Pas un commentaire qui fâche, ou si peu. Mais il n'en pense pas moins. Le « ministre de l'évènement », comme il se définit, peine à comprendre le manque de réactivité et la communication à l'ancienne du président, lui qui vit à l'heure des tweets et de BFMTV.

Lire : Article réservé à nos abonnés Hollande-Valls, associés rivaux

Simon : Le titre du chat (« Manuel Valls : quel bilan et quelle stratégie pour 2017 ? ») laisse entendre que M. Valls pourrait penser à la présidentielle de 2017. Cela semble compliqué avec un président ultra-légitime pour se représenter ! Sa chance n'est-elle pas que la droite passe en 2017, pour qu'il incarne le changement en 2022 ?

Vous avez raison, c'est l'un des scénarios les plus plausibles. Mais il y en a d'autres. Et d'abord parce que François Hollande, à l'allure où vont les choses, ne sera pas forcément « ultra-légitime pour se représenter » comme vous dites... Et qu'au moment du choix, Valls semblera peut-être un meilleur candidat que Hollande aux yeux des socialistes et de la gauche. C'est une possibilité que le ministre de l'intérieur a évidemment envisagée.

Visiteur : Manuel Valls ne joue-t-il pas avec le feu en s'emparant du sujet Dieudonné et en jouant la confrontation frontale ? Le silence n'est-il pas la meilleure stratégie avec Dieudonné ?

Il faut d'abord savoir, et nous le décrivons dans Valls, à l'intérieur, que Valls a une réelle sensibilité personnelle sur la question de l'antisémitisme. Quand il s'indigne des propos de Dieudonné, on peut considérer qu'il est sincère.

Ensuite, l'argument qui consiste à dire « Valls fait de la pub à Dieudonné » n'est pas forcément valable, quand on voit bien que la notoriété et l'audience de Dieudonné, par le biais d'Internet, sont déjà énormes.

Le vrai problème est le réalisme juridique de ce que demande (ou plutôt suggère) le ministre à ses préfets dans la circulaire envoyée le 6 janvier. L'avocat de Dieudonné a annoncé des recours, les juridictions se prononceront, et c'est à ce moment-là qu'on saura si Valls a fait beaucoup de bruit pour rien.

Thibault : Quelle différence de politique y-a-t-il entre Manuel Valls et ses prédécesseurs ? La politique me semble aussi répressive qu'auparavant.

Ce n'est pas tout à fait vrai : si l'on prend deux marqueurs controversés de l'époque passée, les interpellations de consommateurs de cannabis et celles de sans-papiers, il y a une réelle inflexion.

Visiteur : Quid des relations entre M. Valls et le reste du gouvernement ? Qui sont ses alliés ? Ses opposants ?

Manuel Valls agace pas mal de monde au sein du gouvernement, et d'abord par sa popularité qu'aucun autre ministre n'atteint. Il a des adversaires : Cécile Duflot, sans doute la plus opposée à sa ligne politique. La relation avec Jean-Marc Ayrault, au départ quasi inexistante, s'est fortement dégradée au fil des mois. Celle avec Taubira est plus complexe : la garde des sceaux considère que Valls est bien sûr un poids lourd, mais elle est très agacée par ses positions. Benoit Hamon ou Aurélie Filippetti, beaucoup plus à gauche, se rangent de plus en plus derrière sa force de frappe. Enfin, Arnaud Montebourg, malgré la différence radicale de ligne, est plutôt proche de Manuel Valls.

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