Réfugiés : les Européens lancent la répartition des migrants
Les Etats vont se répartir 120.000 réfugiés massés en Italie et Grèce. Fait inédit, la décision a été prise par un vote, malgré le « non » exprimé à l’Est.
Par Renaud Honoré
C’est un passage en force qui fera date. Les Européens ont fini, ce mardi, par valider le mécanisme de quotas de répartition des réfugiés mais en tordant le bras à des pays de l’Est toujours aussi rétifs. Ainsi cette décision a été prise lors d’un vote des ministres de l’Intérieur européens réunis à Bruxelles, qui l’ont tous approuvé à l’exception de la Slovaquie, de la République tchèque, de la Roumanie et de la Hongrie, qui l’ont rejetée (la Finlande s’est abstenue).
L’unanimité était la meilleure solution
Avant la réunion, tous les participants disaient pourtant que, sur une question aussi sensible politiquement que les problèmes migratoires, l’unanimité était la meilleure solution. « Vous imaginez envoyer des demandeurs d’asile dans un pays qui aurait refusé le système de quotas de répartition ? », s’interrogeait il y a quelques jours un officiel européen. C’est pourtant ce qui va se passer, la décision s’imposant également aux pays qui ont voté contre. « Il y avait la volonté de décider pour ne pas laisser ce problème des quotas polluer le sommet européen des chefs d’Etat et de gouvernement » qui se tient ce mercredi, explique un diplomate européen.
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Refus de Budapest
Dans le détail, le plan voté par les Européens se révèle pourtant bien moins ambitieux que les intentions initiales. Au départ, il s’agissait de redistribuer partout en Europe, sur deux ans, 120.000 réfugiés massés en Italie, Grèce et Hongrie, pour soulager ces pays soumis aux plus importants flux migratoires. Mais Budapest – à qui on avait proposé de transférer 54.000 de ses demandeurs d’asile vers d’autres pays – a refusé obstinément de participer à ce système, qu’elle juge inefficace. Exit donc la Hongrie. Si bien que, sur les 120.000 réfugiés concernés, seuls 66.000 le seront immédiatement à partir de la Grèce et de l’Italie. Les 54.000 manquants le seront dans un second temps. A priori, ils viendront des deux mêmes pays, mais les Européens se réservent le droit de soulager d’autres pays si jamais d’autres Etats étaient confrontés à des afflux massifs dans quelques mois. « Cette solution en deux temps avait l’avantage de rendre ce système moins massif aux yeux de la Pologne, qui pouvait le “vendre” plus facilement à son opinion publique », décrypte une source diplomatique. Si bien que Varsovie s’est désolidarisé de la République tchèque, de la Slovaquie et de la Hongrie alors qu’ils formaient un bloc uni jusque-là.
Autre concession : dans un tour de passe-passe lexical dont les Européens ont le secret, le mot « obligatoire » a également disparu du compromis voté, mais la rédaction est telle que tous les Etats membres devront participer. Cette formulation satisfait les plus sourcilleux sur la défense de leur souveraineté.
Une décision qui laissera des traces durables
Cette décision prise au forceps risque de laisser des traces durables parmi les Européens, quels qu’ils soient. Un certain agacement a percé côté français devant les positions fluctuantes de l’Allemagne, qui a alterné entre générosité affichée et fermeté sur cette question, de sources diplomatiques. Et, à l’Est, les pays mis en minorité ne décoléraient pas après le vote, le ministre tchèque parlant d’une « défaite pour le sens commun ». Le sommet des chefs d’Etat et de gouvernement ce mercredi risque donc d’être assez agité. Ces derniers ont aussi prévu d’évoquer une aide à la Turquie – on parle de 1 milliard d’euros – pour inciter les réfugiés à ne pas franchir la Méditerranée. Les leaders européens devraient également mettre la pression sur la Grèce pour qu’elle contrôle mieux ses frontières. « Nous les aidons avec ce système de quotas, mais il faut qu’ils fassent leur travail aussi », prévient un diplomate.
Renaud Honoré (Bureau de Bruxelles)