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Liban - Social

Le suicide de Toufic, rappel tragique de la non-application de la loi sur les handicapés

La loi 220/2000, censée assurer les droits des handicapés, est restée en très grande partie lettre morte. Le drame de Toufic, qui s'est immolé par le feu, relance le débat.

Le sit-in en hommage à Toufic, sous le pont de Basta où il a vécu et où il s’est donné la mort. Photo fournie par l’Union des handicapés du Liban

Toufic Abdel Kader avait 78 ans et se déplaçait en chaise roulante. Le pont routier de Basta était devenu sa maison : il gagnait sa maigre pitance par la mendicité, qui était devenue sa seule source de subsistance. Malgré son âge et les besoins inhérents à sa condition de handicapé, Toufic ne recevait aucune aide de personne, encore moins d'une organisation gouvernementale quelconque. Il était désespéré au point d'avoir tenté de se suicider à plus d'une reprise.
En ce matin du 11 septembre, un vendredi, Toufic distribue le peu d'argent qu'il possède à des enfants dans la rue, sans raison apparente. Puis il demande à l'un d'eux de lui acheter un bidon d'essence. Sans crier gare, il s'en asperge et met le feu à son pauvre corps mortifié. Il meurt par les flammes, comme pour se purifier d'une existence trop lourde, trop souillée par l'indifférence des hommes, rendue insupportable par la solitude et l'impuissance à changer quoi que ce soit.

 

(Lire aussi : « Mon handicap joue un rôle primordial dans mes entretiens d’embauche »)


Samedi dernier, un hommage a été rendu à Toufic afin que son sacrifice ne soit pas vain. L'Union des handicapés du Liban a effectué un sit-in sous le pont où la silhouette de Toufic était devenue si familière. « Toufic, un homme âgé, handicapé, sans domicile fixe, s'est immolé par le feu à cet endroit même il y a une semaine sans que les autorités ne se sentent concernées par les droits des handicapés, des personnes du troisième âge ou encore des clochards, a déploré Sylvana Lakkis, présidente de l'Union des handicapés du Liban. Les gouvernements successifs, depuis la signature de l'accord de Taëf jusqu'à nos jours, privent les pauvres du droit à la couverture sociale et sanitaire, au logement et à un environnement où leurs droits sont respectés. »
Ce drame individuel, a-t-elle poursuivi, n'est que le résultat d'une injustice plus vaste, provenant de la non-application d'une loi-programme sur les droits des handicapés, la loi 220, adoptée en 2000 et dont la grande majorité des décrets d'application se fait toujours attendre. Cette loi assure aux personnes à besoins spéciaux, souffrant de handicaps divers, le droit à la couverture sociale et sanitaire, le droit d'accès à tous les lieux (transports publics, rampe dans les bâtiments, les écoles...), un quota d'emplois dans les entreprises et dans les administrations publiques, une exemption de taxes pour l'importation de voitures équipées... Auparavant, la loi libanaise, notamment celle régissant l'emploi et l'éducation, était très discriminatoire.
Or, dans la réalité, quinze ans plus tard, rien n'a vraiment changé. Cette année, pour marquer le quinzième anniversaire de l'adoption de cette loi, l'union a déjà organisé plusieurs événements, notamment une manifestation.

 

(Lire aussi : « Le handicap doit être au cœur des Objectifs du millénaire de l'Onu »)


Au cours du sit-in de samedi dernier, Sylvana Lakkis n'a pas hésité à accuser les officiels « de marginaliser les handicapés et de les priver de leurs droits les plus élémentaires, énoncés dans la Convention internationale sur les droits des handicapés, ratifiée par notre Parlement il y a neuf ans ».
Elle a rappelé que le mouvement de revendication des droits des handicapés a souvent employé les moyens diplomatiques pour convaincre les autorités d'améliorer la situation, sans résultat.
« Dans ce lieu où la marginalisation a étouffé les espoirs d'un handicapé, nous réitérons la justesse de nos revendications, et lançons une campagne qui va recourir, au besoin, à l'escalade, dans les limites du militantisme pacifique, et qui se poursuivra jusqu'à ce que nous arrachions nos droits à des responsables corrompus », a-t-elle conclu.
Si les droits des handicapés sont enfin reconnus, si le combat de l'intégration sociale de vingt pour cent de la population libanaise est enfin remporté, Toufic pourra alors reposer en paix.

 

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Toufic Abdel Kader avait 78 ans et se déplaçait en chaise roulante. Le pont routier de Basta était devenu sa maison : il gagnait sa maigre pitance par la mendicité, qui était devenue sa seule source de subsistance. Malgré son âge et les besoins inhérents à sa condition de handicapé, Toufic ne recevait aucune aide de personne, encore moins d'une organisation gouvernementale quelconque....
commentaires (2)

REGRETTABLE L'INDIFFÉRENCE DE L'ETAT... MAIS Y A-T-IL UN ETAT ? POURQUOI LES 128 E?CAISSENT ENCORE DES SALAIRES ?

LA LIBRE EXPRESSION

18 h 07, le 23 septembre 2015

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Commentaires (2)

  • REGRETTABLE L'INDIFFÉRENCE DE L'ETAT... MAIS Y A-T-IL UN ETAT ? POURQUOI LES 128 E?CAISSENT ENCORE DES SALAIRES ?

    LA LIBRE EXPRESSION

    18 h 07, le 23 septembre 2015

  • On évalue entre autres une civilisation aux droits octroyés aux faibles de la société: les vieux, les enfants, les handicapės et les animaux. Sans commentaires.

    Dounia Mansour Abdelnour

    09 h 16, le 23 septembre 2015

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