Des centaines d’ateliers textiles réduits en poussière et 1 600 victimes officiellement, mais bien plus selon les témoins. Le 19 septembre 1985, un tremblement de terre puis sa réplique le jour suivant ont eu raison des frêles usines de confection regroupées dans un quartier de la capitale. “Elles se sont écroulées comme des maisons de poupée”, se souvient Sin Embargo, qui consacre un reportage aux survivantes de cette catastrophe.

A l’époque, raconte le site d’investigation mexicain, le drame jeta la lumière sur la vie sordide de ces petites mains, leur salaire de misère, la soumission au patron tout-puissant, les cadences impitoyables réglées sur le tic-tac de l’horloge, et bien souvent leur statut de travailleuses non déclarées pour des entreprises clandestines. L’événement avait donné naissance au premier syndicat de femmes, baptisé “Syndicat du 19 Septembre” (Sindicato 19 de Septiembre). Une organisation aujourd’hui moribonde, à l’instar d’autres syndicats du textile. Les victimes qui ont survécu n’ont jamais perçu la moindre indemnisation après l’accident. 

“Trois décennies plus tard, dans un secteur amaigri par la concurrence des pays asiatiques et qui compte à peine 300 000 emplois officiels, se dessine le même panorama qu’en ces jours de terreur, constate Sin Embargo. Les couturières qui ont vécu la tragédie disent même que c’est pire.” Alors que les ateliers déclarés se réduisent comme peau de chagrin, les femmes en sont réduites à travailler au noir, à la tâche, sans avenir et sans aucune protection sociale. Celles qui ont encore un emploi fixe sont confrontées à des employeurs malhonnêtes. Voici deux ans, une grève attira l’attention sur une maquila (atelier mexicain de couture) qui fabriquait des chemises pour la marque Paco Rabanne. Aucune des employées n’était déclarée, toutes avaient été licenciées sans un sou.

La condition de ces femmes décrit les fractures sociales du pays. Les petites mains de la couture sont, aujourd’hui comme hier, “des femmes immigrées dans leur propre pays [venues de la campagne], mères célibataires et de faible niveau scolaire, explique Sin Embargo. Elles deviennent toutes domestiques ou couturières et survivent avec 2 800 pesos [148 euros] par mois.”