La surqualification des jeunes devient la norme en Europe

Youth unemployment

De très nombreux jeunes européens sont trop qualifié pour l'emploi qu'ils ont. [Ed Yourdon/Flickr]

Dans certains pays européens, jusqu’à un tiers des jeunes de 18 à 25 ans sont trop qualifiés pour leur emploi. Nombre d’entre eux finissent par accepter des postes mal rémunérés pour éviter de se retrouver au chômage.  

Si vous dînez à Édimbourg ce soir, c’est peut-être Ilaria Marchi, une licenciée d’histoire, qui vous servira vos fish and chips.

Malgré un diplôme en histoire et relations internationales à l’université d’Aberdeen, cette Italienne de 24 ans, qui parle plusieurs langues, n’est pas parvenue à trouver un poste à la hauteur de sa formation.

« Après l’obtention de mon diplôme, j’espérais trouver un emploi lié à mes études, donc j’ai décidé de m’installer à Édimbourg. Je ne pensais vraiment pas trouver en Italie », explique-t-elle à EURACTIV.

Expérience nécessaire

« Je me suis pourtant vite rendu compte que les postes ayant un rapport avec l’histoire sont très rares, et que l’on ne les obtient que si l’on a beaucoup d’expérience ou de bonnes relations. Comme je viens de terminer mes études, je n’ai ni l’un ni l’autre. »

Ilaria Marchi a beau s’être installée dans une grande ville, elle a tout de même rejoint les rangs de ces nombreux jeunes européens qui postulent pour des emplois pour lesquels ils sont surqualifiés. Elle a fini par devenir serveuse, pour 6,50£ (8,90 euros) l’heure.

« Mon salaire me permet de payer le loyer et les factures. Je fais mes courses grâce aux pourboires. Pour tout le reste, je dois puiser dans mes économies », explique-t-elle.

Malgré le coût de cette démarche, Ilaria Marchi a donc décidé de retourner sur les bancs de l’école et s’est inscrite à un master sur l’histoire de l’égalité des genres, dans l’espoir de trouver un emploi qui lui plaira plus.

>> Lire : La lutte contre le chômage des jeunes patine en Europe

Une génération surqualifiée

Ilaria Marchi est loin d’être la seule jeune dans ce cas. Selon une étude de STYLE, une organisation de recherche européenne spécialisée dans l’emploi des jeunes, 33 % des jeunes Irlandais sont surqualifiés par rapport à leur emploi, par exemple. C’est le niveau de surqualification le plus élevé d’Europe, après Chypre (31 %) et l’Espagne (30 %). La Slovénie (10 %) a le taux le plus bas. Il est toutefois important de noter que ces chiffres ne concernent que les 18-25, dont un grand nombre sont donc encore étudiants.

Adele Bergin est chargée de recherche à l’institut économique et social (ESRI) de Dublin. Elle est l’une des auteurs de l’étude de STYLE. Selon elle, l’augmentation du nombre de jeunes surqualifiés est notamment due à la tendance des économies développées à continuellement essayer que plus de citoyens obtiennent une éducation de niveau supérieur.

Autre cas de figure courant : les jeunes reçoivent des formations qui ne correspondent pas aux secteurs porteurs, et se retrouvent donc surqualifiés par rapport aux emplois existants.

La chercheuse cite une autre recherche qui montre que le taux de personnes surqualifiées dans l’ingénierie, les mathématiques, les sciences, le droit et la médecine est bien plus bas que dans les secteurs des arts et des sciences sociales.

Déséquilibre des formations

« Si l’on envisage la surqualification comme découlant de facteurs tels qu’un surplus de travailleurs qualifiés, ou un déséquilibre des formations, la mise en place de certaines politiques pourrait améliorer la situation », estime-t-elle.

Le problème pourrait en effet être plus efficacement géré dans la plupart des pays européens si les caractéristiques du marché du travail étaient mieux intégrées aux processus de planification de l’éducation, estime Adele Bergin.

Politique de l’éducation

Marianne Thyssen, la commissaire européenne à l’emploi, aux affaires sociales, aux compétences et à la mobilité des travailleurs, a réagi à l’étude de STYLE en affirmant que les jeunes ne devraient jamais être dissuadés d’obtenir une meilleure formation.

« Une bonne instruction et les compétences adéquates sont les meilleures armes contre le chômage. Et la main d’œuvre très qualifiée de l’Europe est son meilleur avantage concurrentiel dans une économie mondialisée », a-t-elle déclaré à EURACTIV.

La Commission tente d’améliorer la manière dont elle prévoit les compétences nécessaires au marché du travail, d’adapter l’éducation et de permettre aux jeunes de faire des choix de formation et de carrière plus informés, indique-t-elle. Pour cela, il faudra améliorer la collaboration entre les employeurs et le système éducatif.

L’an prochain, l’exécutif européen devrait présenter un programme européen concernant les compétences.

« [Ce programme] aura comme but principal d’aider plus de gens à développer leurs compétences, et notamment les compétences de bases : lire et écrire correctement, savoir se servir d’un ordinateur, etc. Il comportera également des mesures sur la manière dont nous anticipons les compétences qui seront nécessaires sur le marché du travail et sur la reconnaissance des diplômes », ajoute la commissaire. 

Allan Päll, secrétaire général du Forum européen de la Jeunesse, estime quant à lui que la surqualification est liées aux politiques éducatives, qui n’encouragent pas assez l’apprentissage tout au long de la vie.

 « Trop de jeunes se tournent vers des études académiques parce que l’enseignement professionnel est considéré comme une mauvaise option. Nous ne devrions vraiment pas décourager l’apprentissage, mais nous devons nous assurer qu’il est accompagné d’un meilleur conseil et que tous les types d’éducation sont toujours disponibles », indique-t-il.

Il ajoute que l’inadéquation des compétences est également une conséquence du manque d’emplois et du manque d’emplois de qualité pour les jeunes. « Les jeunes choisissent souvent de recommencer une formation quand ils ne trouvent pas de travail. Les secteurs qui créent beaucoup d’emploi, comme l’informatique et l’économie verte, doivent donc bénéficier de plus d’investissement public et privé », conclut-il.

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Entre 2007 et 2013, le chômage des jeunes a atteint des niveaux record à travers l'Europe, qui est passé de 15,7 % à 23,4 % selon les chiffres publiés par Eurostat.

En février, les chefs d'État et de gouvernement de l'UE ont accepté de lancer une initiative « Emploi des jeunes », et d'y allouer 6 milliards d'euros.

La Grèce, l'Espagne et l'Italie recevront 3,4 milliards.

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