Ces contribuables qui voient leur taxe foncière multipliée par dix

LE FAIT DU JOUR. Trois fois plus, dix fois plus ou même... vingt fois plus : près de 2000 propriétaires ont vu la taxe foncière qu'ils payaient pour leur terrain non bâti exploser. Ils habitent dans des «zones tendues», où le manque de logement

Ces contribuables qui voient leur taxe foncière multipliée par dix

    Un choc. Lorsqu'ils ont découvert le nouveau montant de leur taxe foncière, certains contribuables se sont étranglés. Des augmentations astronomiques, jusqu'à dix ou vingt fois plus que le précédent montant réclamé par le fisc, pour des terrains constructibles mais non bâtis.

    A l'origine de la mesure, la noble intention de libérer des terrains pour construire des logements dans les zones qui en manquent cruellement. Dans 727 communes, la taxe foncière sur les terrains constructibles non bâtis a donc explosé cette année.

    Certes, moins de 2000 foyers fiscaux sont impactés... Mais pour les contribuables concernés, l'effort financier est substantiel, et certains d'entre eux ne pourront tout simplement pas payer.

    A Saint-Leu (Val-d'Oise), les habitants sont vent debout

    Saint-Leu-la-Forêt (Val d'Oise), mercredi. Michèle Adam montre la taxe foncière de sa belle-mère qui est passée de 33 â?¬ à 6 393 â?¬. (LP/Marie Persidat.)

    « Cette année, l'Etat demande 6 393 â?¬ de taxe foncière, au lieu de 33 â?¬ habituellement ! » Michèle Adam et ses proches n'en reviennent toujours pas, après avoir découvert il y a quelques jours l'avis d'imposition du terrain familial dont ils s'occupent. Une parcelle de 1 300 m2 appartenant à la belle-mère de Michèle, actuellement en maison de retraite. Le jardin, anciennement cultivé, est dans la famille depuis des générations.

    « Ma belle-mère étant mensualisée, cela veut dire qu'on va lui prélever plus de deux fois 3 000 â?¬ sur les deux derniers mois de l'année ! » réagit Michèle, estomaquée. « 6 000 â?¬ cela représente deux mois de maison de retraite. Et dans deux ans, d'après la loi, ce sera pire, le montant pourrait s'élever à 13 000 â?¬. »

    La situation inquiète le maire de Saint-Leu-la-Forêt. « J'ai déjà été alerté trois fois par des habitants », explique l'élu, Sébastien Meurant (LR). Un autre résident de Saint-Leu-la-Forêt se retrouve avec une ardoise salée pour un terrain qu'il utilise dans le cadre d'un système de géothermie. Il doit désormais s'acquitter de 3 365 â?¬, alors que son système de pompe à chaleur géothermique (qui sert à chauffer son pavillon) a bénéficié de subventions.

    Une troisième habitante a fait remonter sa colère à la mairie. Elle doit régler 2 400 â?¬ pour un terrain « qui correspond à l'allée qui lui permet d'accéder à sa propriété et qu'elle partage avec sa voisine », explique l'élu. Sébastien Meurant s'attend au pire dans les semaines qui viennent. « Ce n'est qu'un début », estime-t-il. « Cela doit concerner des dizaines ou peut-être même des centaines d'habitants de ma commune. Des gens qui ne payaient quasi rien avant... C'est de la folie fiscale. » L'élu n'apprécie guère de recevoir les plaintes de ses administrés : « La commune n'y peut rien. Moi je me bats depuis sept ans pour ne pas augmenter les impôts locaux et là on va me dire que je ne tiens pas parole. Je vais interpeller le ministère, il y a des gens qui ne pourront pas payer. »

    « Nous devrons nous serrer la ceinture »

    Nicole et Jean, 71 et 82 ans, retraités à Yerres (Essonne)

    Yerres (Essonne), mercredi. Nicole a eu la surprise de découvrir que ses 500 m2 de jardin lui coûteront 1 400 â?¬ de taxe foncière cette année. (LP/Guillaume Georges.)

    « Les impôts vont baisser » -- c'est ce qu'ils avaient retenu des dernières interventions présidentielles. C'est dire si la taxe foncière 2015 qu'ils viennent de recevoir dans leur boîte aux lettres les a abasourdis. Le terrain de 500 m2 dont Nicole et Jean sont propriétaires leur coûtera cette année... 1 400 â?¬. Il ne grevait leur budget que de quelques centaines d'euros l'an passé. Pire : ces 1 400 â?¬ doubleront en 2017.

    Jean ne décolère pas. Au total, la taxe foncière 2015 du couple grimpe à 3 300 â?¬, contre 1 800 â?¬ en 2014. La faute à ces 500 m 2 de jardin, 4, rue des Chasseurs, attenants à leur domicile, au 6 de la même rue. Le terrain entre dans la catégorie constructible non bâti, lourdement taxée à partir de cette année.

    Il abrite seulement un petit cabanon de jardin non imposable. Le reste, c'est un potager, quelques arbres fruitiers -- cerisiers, pêchers, pommiers -- et des dizaines de rhododendrons. « Mon mari a commencé à travailler à 12 ans dans les fermes, se désole Nicole. Il n'a pas volé son petit bout de terrain où il s'adonne à sa passion, les fleurs et le jardinage ! Nous envisagions de le céder à nos filles ; maintenant, je ne sais pas si nous pourrons le garder. Nous n'aurions jamais imaginé être expropriés de cette façon ! » Les deux retraités n'en sont pas encore à vendre. Rendez-vous a été pris à la mairie et, pour l'instant, ils entendent seulement « se serrer la ceinture »... d'un cran supplémentaire.

    « Nous n'allons pas au restaurant, nous ne partons jamais en voyage, soupire la septuagénaire. Les vacances : c'est un vieux mobile home en Normandie. Dans notre budget, il n'y a pas beaucoup de marge pour faire des économies. Je devais me faire soigner les dents, alors ça attendra... » Ce terrain, c'était aussi une sorte d'assurance, « au cas où il aurait fallu partir en maison de retraite ». Ils l'auraient alors vendu, à contrecÅ?ur. Les deux retraités craignent d'y être contraints plus tôt que prévu, à cause des impôts.