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Transports et Défense

L'incroyable histoire de la revente des Mistral russes à l'Egypte

La France a réussi à boucler les négociations avec l'Egypte en six semaines à peine, revendant les deux Mistral pour 950 millions d'euros. De Paris au Caire, récit d'une course contre la montre.
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Mistral
Les Mistral
(c) AFP

Hôtel de Brienne, samedi 19 septembre. Dans le splendide hôtel particulier du ministère de la Défense, les journées du patrimoine battent leur plein. La foule des badauds se presse pour visiter le bureau de Georges Clemenceau. A quelques mètres de là, des visiteurs un peu spéciaux entrent par une discrète porte latérale. Cette délégation d’une douzaine de gradés égyptiens, à Paris depuis le 11 septembre, vient finaliser les derniers détails du rachat des deux navires Mistral initialement destinés à la Russie. L’accord du président égyptien Abdel Fattah Al-Sissi et de François Hollande est donné le 22 septembre. Il a été annoncé le 23 septembre par succinct communiqué de l’Elysée.

Bilan économique neutre

L’exécutif peut se réjouir : la France a trouvé preneur pour les deux bâtiments de projection et de commandement (BPC) en à peine six semaines. Selon l’entourage de Jean-Yves Le Drian, le prix d’achat est de 950 millions d’euros, une somme sensiblement identique à celle que Paris a remboursé à Moscou après la rupture du contrat le 5 août dernier. "Tous les calculs ne sont pas encore terminés, mais on est sur le même ordre de grandeur que le contrat russe, assure-t-on à l’hôtel de Brienne. S’il y a un impact budgétaire, il sera très faible. Pour les industriels aussi, le bilan économique sera neutre." La France "ne perdra rien", jure même François Hollande.

Le contrat pour 24 Rafale avec l’Egypte avait été négocié en cinq mois. La commande des deux BPC a donc encore explosé le record. Les premières discussions entre François Hollande et son homologue égyptien ont lieu le 6 août dernier, sur un navire, lors de l’inauguration du nouveau canal de Suez, soit le lendemain de la rupture du contrat russe. Dès la fin août, une mission conjointe entre la DGA et les industriels est en Egypte pour avancer sur le dossier.

Livraison début mars 2016

Une délégation égyptienne débarque en France dès le 8 septembre, pour visiter les navires à Saint-Nazaire. Trois jours plus tard, les négociations finales avec le cabinet du ministre de la défense commencent à Paris.  Elles seront bouclées en dix jours, aboutissant à l’annonce du 23 septembre. Le contrat devrait être formellement signé dans les prochains jours, selon l’entourage de Jean-Yves Le Drian. L’accord prévoit la formation de 400 marins égyptiens à Saint-Nazaire pendant quatre mois, et des exercices conjoints au printemps prochain. "Les deux navires devraient être livrés début mars 2016", assure-t-on à l’hôtel de Brienne.

Cette annonce est une bonne nouvelle pour tout le monde. La France ? Elle solde enfin l’épineuse question du sort de ces deux navires, qu’il fallait revendre au plus vite pour éponger les 949,8 millions d’euros remboursés à la Russie. Paris a trouvé preneur en un mois et demi à peine, une performance remarquable vu le marché relativement limité de ce genre de navires à 500 millions d’euros pièce. La France évite ainsi le spectre de deux bateaux invendables et durablement à quai, un scénario ruineux en entretien et en gardiennage (1 à 5 millions d’euros mensuels, selon les sources), et catastrophique en termes d’image.

Repreneur idéal

L’Egypte, elle, va prendre livraison de deux navires flambant neufs, sans avoir à attendre le temps de leur construction. Après la commande d’une frégate Fremm et de 4 corvettes Gowind à la France, Le Caire aura ainsi sept navires français de premier rang à l’horizon 2020. Avec les deux Mistral, l’Egypte fait changer sa marine de dimension, avec un outil polyvalent qui peut servir à la fois de poste de commandement, d’hôpital flottant (69 lits et deux salles d’opération), de bâtiment d’attaque au sol (16 hélicoptères peuvent être stockés dans les hangars). Les deux navires seront équipés de quatre chalands de transport de matériel (CTM) et de deux engins de débarquements L-CAT (fabriqués par le français Cnim).

Même la Russie devrait voir le rachat de ces deux navires par l’Egypte d’un œil plutôt favorable. Pour Moscou, Le Caire est le repreneur idéal. Echaudé par le "lâchage" d’Hosni Moubarak par les Etats-Unis et l’arrêt de l’aide militaire américaine après sa prise de pouvoir, le président égyptien Abdel Fatah Al-Sissi s’est beaucoup rapproché de Vladimir Poutine depuis deux ans. Les deux pays avaient signé fin 2014 un accord préliminaire pour la fourniture de 3,5 milliards de dollars de matériel militaire par Moscou. L’Egypte et la Russie ont même organisé des manœuvres navales communes en juin dernier, baptisée "Pont de l’amitié", au grand dam de Washington.

Des hélicoptères Kamov dans les BPC ?

Dernier avantage du rachat par l’Egypte : le Caire est un habitué des matériels aux standards russes, ce qui évitera d’avoir à effectuer trop de modifications pour « dérussifier » le navire. "Il y aurait une certaine facilité à revendre les BPC aux Égyptiens ou aux Indiens compte tenu du standard de leur flotte et de leurs habitudes de coopération avec la Russie", expliquait récemment devant l’Assemblée nationale Louis Gautier, secrétaire général à la défense et la sécurité nationale (SGDSN). L’Egypte a ainsi commandé une cinquantaine d’hélicoptères d’attaque Kamov Ka-52 Alligator, qui peuvent être intégrés sans problème sur les BPC : les Mistral russes avaient justement été modifiés pour accueillir ces machines russes à double rotor.

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