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L'effet niqab

NIQAB
Photo AFP


Et ce qui devait arriver arriva. Le sondage EKOS d’aujourd’hui confirme que le jugement de la Cour d’appel fédérale sur le niqab a changé le cours de la campagne. Certains commentateurs et chroniqueurs en sont biens surpris: ils avaient annoncé que cette question demeurerait périphérique, marginale. Ils cherchaient peut-être surtout à s’en convaincre, comme s’ils redoutaient ses effets sur l’élection. On sait pourtant que les questions d’accommodements raisonnables passionnent les électeurs et que celle-ci se présente à la manière d’un accommodement extrêmement déraisonnable.  

Le NPD en paie le prix. Il faut dire qu'il ne s'est ne s’est pas aidé. En fait, il s’est clairement tiré dans le pied en faisant du droit de porter son niqab au moment de prêter son serment de citoyenneté un droit fondamental. Bien des électeurs qui voulaient lui donner sa chance ont alors découvert un parti converti à l’intégrisme multiculturaliste et manifestement incapable d’imposer quelques balises que ce soit devant des revendications fanatiques qui témoignent d’un manque de respect flagrant de la société d’accueil. S’en sont-ils détournés brusquement, dans une réaction combinant la surprise, l’indignation et le dégoût? C’est possible même si d'autres facteurs peuvent entrer en compte. Ils ne savent pas encore pour qui ils voteront, mais savent peut-être désormais pour qui ils ne voteront pas.

Il faut appeler un chat un chat et une offensive islamiste une offensive islamiste. Le combat pour porter le niqab à tout prix participe à cette dernière, consciemment ou inconsciemment. Celle qui veut le porter à tout prix au moment de prêter son serment de citoyenneté envoie un message clair : elle ne veut rien savoir de sa société d'accueil. Le politiquement correct empêche pourtant les élites médiatiques et intellectuelles de constater cela. Elles sont persuadées que «l’intolérance» occidentale devant la diversité est le grand problème de notre époque. Et lorsqu’elles consentent à nommer l’islamisme comme problème, elles n’y voient souvent qu’une réaction malheureuse mais inévitable devant le refus de la différence. Le commun des mortels n’a pas de telles œillères. Il peut lui arriver de parler maladroitement. Mais il veut surtout qu’on lui parle franchement.

Qui en profite? Surtout le Parti conservateur, et un peu le Bloc Québécois. Les deux se sont clairement positionnés contre l’idée qu’on puisse le porter au moment. Ils ont envoyé un signal fort: devant le délire du NPD et du PLC, ils savent distinguer l’acceptable de l’inacceptable. Dans une société mollassonne, qui plie devant tous les lobbies, ils savent encore dire non. On pourrait bien souhaiter qu’ils le disent plus souvent, d’ailleurs. Entre la rationalité multiculturaliste et la rationalité démocratique, ils ont choisi la seconde. Le peuple semble vouloir les en récompenser.

On entend la réponse de ceux qui déplorent le possible retournement de la campagne autour de cet enjeu: tout cela relève de la démagogie politicienne grossière. La question du niqab serait marginale, insignifiante et les politiciens la monteraient en épingle pour exciter la xénophobie de l’électorat et surtout, son islamophobie. On notera qu’une telle réponse témoigne d’un mépris grossier pour le peuple. Faudrait-il parler de démophobie chez ceux qui le voient comme une bête un peu mauvaise toujours prête à piétiner les droits des minorités? Mais la question du niqab est tout sauf secondaire: à travers elle, on débat enfin des délires du multiculturalisme canadien. Un interdit est-il en train de tomber?

Évitons pourtant les spéculations abusives. Est-ce que tout cela se tassera? Est-ce que l’élection reprendra son cours? Ce n’est pas impossible. On le sait, l’électorat peut connaître des bouffées de passion, puis en revenir à ses habitudes. D’autres enjeux reviendront sur la scène, qui joueront en faveur de l'alternance gouvernementale. Mais si l’effet niqab se confirmait, on aurait encore une fois la preuve que l’électorat ne réagit pas seulement au discours économique et veut qu’on réponde aux questions identitaires - en un mot, ces questions sont importantes et la société d'accueil veut enfin faire valoir ses droits. On verra aussi qu’il vaut souvent mieux transgresser la rectitude politique que s’y soumettre. D'autres hommes politiques pourraient en tirer avantage.

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