Le modèle de la subvention des opérateurs à l’épreuve du nouvel iPhone
Apple veut changer sa relation avec les consommateurs aux Etats-Unis en court-circuitant les opérateurs mobiles.
Par Romain Gueugneau, Fabienne Schmitt
A première vue, les iPhone 6S qui débarquent ce vendredi en magasin et chez les opérateurs ressemblent à s’y méprendre à leurs prédécesseurs. Mais la vraie innovation est peut-être à chercher du côté du mode de financement plus que du produit. Pour acheter un iPhone, la firme à la pomme propose pour la première fois un programme de crédit avec option d’achat, qui permet d’étaler le paiement sur plusieurs mois, ou bien de souscrire à un abonnement mensuel permettant de disposer chaque année du modèle de dernière génération, dès sa sortie. La solution n’est pour l’instant disponible qu’aux Etats-Unis. Mais elle pourrait faire des petits ailleurs dans le monde. Déjà Samsung réfléchirait à un système de leasing comparable à celui d’Apple, selon le magazine « Forbes ».
Avec ce dispositif, Apple tente de renforcer le lien avec ses clients, dont la fidélité est déjà forte, et sécuriser les ventes futures. La firme à la pomme jette aussi une pierre dans le jardin des opérateurs de téléphonie. Ceux-ci ont longtemps été les meilleurs promoteurs de l’iPhone, grâce au modèle de la subvention qui permet de disposer d’un smartphone à moindre prix, moyennant un engagement longue durée auprès d’eux. Le coût du terminal est rentabilisé sur le long terme par les opérateurs mobiles grâce au montant des mensualités. Avec son nouveau programme, Apple pourrait donc se substituer aux opérateurs. Une bien mauvaise nouvelle pour eux. Si ce modèle devait être adopté en France, les Orange, Bouygues Telecom, SFR et autres, dont les revenus sont largement liés à la distribution des iPhone, en pâtiraient.
Les subventions ont du plomb dans l’aile
Le modèle de la subvention a déjà du plomb dans l’aile un peu partout dans le monde. En France, c’est le cas notamment depuis l’arrivée de Free Mobile. Le trublion des télécoms a popularisé les forfaits sans engagement (SIM Only) et sans mobile associé. Tant et si bien qu’ aujourd’hui, la moitié des abonnés en France y a souscrit. L’agressivité concurrentielle, et l’impact sur les marges, a aussi poussé les opérateurs « historiques » à moins subventionner les terminaux. Et ce n’est pas plus mal pour eux. « Cela leur coûte suffisamment cher, pour une marge de manœuvre plutôt limitée. C’est surtout Apple qui profite de ce modèle à la fin », estime un expert du secteur.
« Le marché se scinde en deux désormais : il y a les clients qui veulent s’engager, et les autres. Le modèle de la subvention n’est pas remis en cause pour autant, il peut coexister avec le SIM Only », considère Gilles Lubic, conseiller auprès de la direction de Bouygues Telecom. Le dirigeant ne croit d’ailleurs pas à l’importation du modèle de leasing d’Apple en France. « En France, les clients ne sont pas prêts à changer de téléphone tous les ans. Et le prix des mensualités peut être rédhibitoire, car elles sont quasi équivalentes au forfait lui-même. »
« Pour se prémunir contre une éventuelle arrivée du leasing d’Apple en France, les opérateurs ont tout intérêt à continuer à pousser la subvention. Cela leur permet de capter une grande partie des ventes et donc des clients », affirme pour sa part Tariq Ashraf, consultant chez Bearing Point. Et, pour un opérateur, avoir des clients en magasin, c’est essentiel. C’est aussi l’occasion de leur vendre d’autres services, comme de la domotique par exemple.
Romain Gueugneau et Fabienne Schmitt