Sur la stratégie du PKK en Syrie et l’AKP...

Interview

En Route ! - paru dans lundimatin#28, le 20 septembre 2015

Pour comprendre le contexte de cette interview, il peut être utile de se référer à la première partie de l’interview de Zeki publiée la semaine dernière.

Depuis, la situation a continué de se tendre en Turquie. Après trois jours de levée, le couvre-feu sur la ville de Cizre a repris. L’armée turque a bloqué toutes les communications vers l’extérieur de la ville, empêchant l’acheminement de vivres ainsi que l’accès aux hôpitaux. Un journaliste de Libération a publié un récit de la situation sur place.

Sur la stratégie du PKK en Syrie et l’AKP d’Erdogan

« En Syrie, les kurdes font leur maximum pour instaurer le communalisme démocratique. Et pour cela, il faut que toutes les ethnies participent, ça c’est basique. Mais quand tu es dans une situation de guerre, il y a deux ou trois morts dans chaque famille… Il y a deux mois, des gens de Daesh sont venus du côté turc déguisés en militants du YPG et ils ont tué une soixantaine de personnes. Quand le YPG s’en est rendu compte, c’était trop tard, ils les ont tous tués. Il y en a juste deux ou trois qui se sont échappés… Mais quand tu fais la guerre, il y a une économie de guerre, si tu fais du pain, tu le fais pas pour gagner de l’argent, tu le fais pour la communauté. »

« Là-bas, c’est un système nickel, ça marche nickel, c’est ce qui est dangereux pour les autres dictatures du moyen-orient. C’est un mauvais exemple. Officiellement, le gouvernement turc n’autorise aucune visite à Ocalan mais il y a une dizaine de jours — on l’a appris dans les médias — il y a un ministre turc qui est allé le voir en cachette. Il lui a dit "il faut que tu dises au PKK de cesser le feu." Ocalan lui a répondu "d’accord, mais la prochaine fois que tu viens ici, je veux pouvoir déclarer quatre cantons". L’autre lui a répondu "d’accord, d’accord, laisse tomber".

Mais là, depuis trois jours, il y a trois ou quatre villes, Sirnak, Mardin… qui ont déclaré leur propre gouvernement. La Turquie, ça le rend fou. Ces auto-gouvernements, ils ont déclaré au nom de tout le peuple, "nous on ne reconnait aucun procureur que l’État envoie ici, aucun flic, aucun tribunal… nous on va faire nos tribunaux. Ca fait des années qu’on vous propose de le faire ensemble et vous ne voulez pas, donc nous, on attend plus rien de vous. On va faire nos tribunaux, nos mairies, nos polices municipales." La Turquie ils répondent qu’ils vont tout détruire mais en réalité ils ne peuvent rien faire. C’est le peuple qui décide et c’est comme ça. »

« Aux dernières élections, il y a plusieurs villes où avant l’AKP obtenait quatre ou cinq députés… mais là ils en ont eu zéro. C’est le HDP qui a tout raflé, c’est pour ça qu’Erdogan est devenu fou. Il est devenu malade ! Lui son but, c’est de devenir sultan. Mais Selahattin Demirtas, il lui a répondu que non, il ne le laisserait pas devenir sultan. C’est à cause de cela que Erdogan est fâché. »

« L’AKP, c’est pas une idéologie, c’est une organisation mafieuse. Quand il y a une idéologie, c’est solide mais là, c’est pas solide. Il suffit que deux ou trois ministres s’en aillent et ensuite ce sera un effet de domino. Ça va disparaître l’AKP. Erdogan il le sait. Ils ont volé des millions et maintenant ça se sait dans les médias. Ils ont pris l’argent du Qatar, de l’Arabie Saoudite, ils ont vendu beaucoup de grandes entreprises de l’État comme ça, à leurs copains. Tous les barbus sont devenus riches. Avant en Turquie, les barbus ils arrivaient même pas à trouver d’armes, maintenant ils ont tous des 4x4 et des BMW. Ils sont devenus l’élite. Ils habitent au bord du Bosphore et ils ont acheté de grandes villas. Mais si Erdogan tombe, là le biberon c’est fini. Et quand il n’y aura plus de biberon, ils vont se battre les uns contre les autres. Et après on va voir, tous les médias vont montrer leurs dégueulasseries. »

« Erdogan il est paniqué, il est prêt à tout, il est capable de déclarer la guerre à tout le pays. Parce que dans la loi turque, en état de guerre, le président récupère tous les pouvoirs, y compris militaires. Et après c’est la dictature. Erdogan, il est devenu comme Pinochet. Mais il a un problème psychologique. Tous les jours je le regarde et chaque jour sa psychologie devient un peu plus malade. Il dit une chose un jour, le contraire le lendemain. C’est un type bizarre. »

Daesh, la Turquie, le Quatar et l’Arabie Saoudite

« À Kobané on n’a pas fuit, on a résisté, on a montré à tout le monde qu’il était possible de battre Daesh. Mais bon, entre Mossoul et Kobané, c’est un terrain complètement plat — ici, à la télé française, ils ne disent pas la vérité — comment c’est possible que 200 4x4 avec des Douchka et du matériel viennent de Mossoul jusqu’à Kobané ? Avec 2 avions tu peux tous les détruire… même avec un seul avion.

Ça à mon avis c’est une stratégie. Ils s’en fichent du peuple Kurde. Nous, de toute façon on n’a pas d’États amis, on compte sur personne, on compte sur la solidarité internationale, sur le peuple, pas sur des États. Tous les États c’est la même chose de toute façon. Ils vendent les armes… Les armes à votre avis, elles viennent d’où ? Elles viennent d’ici. »

« À mon avis pour comprendre l’histoire de la Mésopotamie, il faut commencer avec l’Afghanistan. C’est une grande stratégie des pays impérialistes. Ils ont fait la guerre en Afghanistan, il y a eu les révolutions arabes… bon moi j’arrive pas à appeler ça des révolutions, c’est quelque chose mais je ne sais pas quoi. Ils s’en fichent du peuple, ils s’intéressent juste au marché, ils veulent faire une ligne contre la Chine. Il y a beaucoup de richesses en Afghanistan. Au Moyen-Orient, il y a beaucoup d’énergies. Au Kurdistan quand on était dans les montagnes, dès que tu es dans une petite vallée, tu te penches et sur l’eau, il y a du pétrole. Il y en a partout. Mais les pays impérialistes, la France, l’Amérique, ils ne calculent pas la vie des êtres humains. Ils calculent le marché de l’énergie. Quel prix ils paient ? 100 000 personnes qui meurent, ils s’en fichent. Ils doivent régler leur histoire d’énergie. »

« Les français disent "oui, on est un pays démocratique", mais moi je comprends pas… tout le monde est démocratique ! Mais dans ce cas pourquoi vous êtes alliés du Qatar ? C’est un pays démocratique le Qatar ? Et l’Arabie Saoudite ? C’est pas un pays monarchique ? Ils sont tous alliés. La Turquie, le Qatar, l’Arabie Saoudite. Et tout le financement de Daesh, c’est le Qatar. Le Qatar, ils donnent aussi à Erdogan. Il y a un an et demi, la police a arrêté un copain d’Erdogan avec des millions dans un sac. Le procureur qui menait l’enquête, ils l’ont arrêté et mis en prison. Le problème était réglé. »

Sur l’occupation du parc Gezi et le mouvement de 2013 en Turquie

Suite et fin la semaine prochaine

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