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Comment le centre Primo Levi accueille les réfugiés

Jeudi, la secrétaire d'Etat aux Droits des femmes, Pascale Boistard, s'est rendue au centre Primo Levi dans le 11e arrondissement parisien. Créé en 1995, ce centre est dédié aux soins des personnes victimes de torture et de violence politique réfugiées en France.

Anne-Charlotte Dusseaulx , Mis à jour le
Pascale Boistard et Sibel Agrali jeudi au centre Primo Levi.
Pascale Boistard et Sibel Agrali jeudi au centre Primo Levi. © LeJDD.fr

Un réfugié, "ce n'est pas une bouche à nourrir mais quelqu'un dont l'humanité a été niée. Ils n'étaient pas victimes avant, même eux l'oublient", lance Omar Guerrero, psychologue clinicien. Face à l'afflux de réfugiés en Europe, les associations se préparent à les accueillir. Parmi elles, le centre Primo Levi * dédié aux soins des personnes victimes de torture et de violence politique réfugiées en France. Situé dans le 11e arrondissement, il a été créé en 1995 - "au moment de la guerre des Balkans et juste après le génocide rwandais" - et accueille chaque année 350 personnes. "Quelle que soit leur situation administrative, et dès lors qu'ils se reconnaissent dans l'appellation du centre", explique Sibel Agrali, directrice du centre de soins. "Un tiers d'entre eux sont arrivés au cours de l'année, deux tiers sont suivis depuis deux ans et plus", précise-t-elle.

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Les migrants syriens notamment n'ont pas encore poussé la porte de l'association. "Pas encore, mais on sait qu'ils vont arriver. On va le ressentir. Il y a toujours un temps de décalage", affirme la directrice, qui parle d'une période "d'un an, voire d'un an et demi".

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La salle d'attente du centre Primo Levi. (Laurence Guenoun)
 
Cette période de "flottement" a plusieurs raisons. Premièrement, se soigner, reprendre pied physiquement et psychologiquement, n'est pas leur "problématique première", et donc pas la "première démarche" des réfugiés. Ensuite, "ils ont une sorte de culpabilité". "Les gens s'abstiennent de demander quelque chose pour eux, alors que la situation n'est pas réglée là-bas (…) Faire le pas n'est pas évident, ça l'est encore moins quand la guerre continue", poursuit Sybel. "La torture vise à faire taire les gens, à les casser", renchérit Antoine Ricard, président du centre. "Cela prend du temps pour pouvoir en parler."

"Un devoir moral et une opportunité"

Jeudi, le centre a reçu Pascale Boistard. Visites des lieux, sur trois étages façon appartement - "on ne voulait pas qu'il y ait un aspect hospitalier", précise la directrice. "Même si pour vous l'actualité est permanente, nous travaillons à l'accompagnement des réfugiés nouveaux", indique la secrétaire d'Etat aux Droits des femmes. "Notamment celui des femmes seules, sujettes à des trafics", ajoute-t-elle, indiquant travailler sur ce dossier en lien avec le ministère de l'Intérieur. A l'agenda de Pascale Boistard : rencontre avec des associations pour "essayer d'anticiper". François Hollande a récemment indiqué que la France allait accueillir 24.000 réfugiés sur les deux prochaines années. "Pas plus de 30.000", a complété Manuel Valls jeudi soir sur France 2.

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Un médecin généraliste du centre Primo Levi. (Laurence Guenoun)

Il n'y aura pas d'échanges sur le fond de la politique menée par le gouvernement. Dans une tribune, publiée sur Mediapart la semaine dernière, le centre estime que l'accueil des réfugiés est "non seulement un devoir moral (…) mais aussi une opportunité d'enrichissement pour la France". "Notre pays, sixième puissance mondiale, est tout à fait en mesure d'accueillir ceux qui parviennent jusqu'à chez nous", peut-on également y lire.

"Ce qui est vraiment difficile, c'est d'être un lieu de soins spécialisé dans le passé traumatique et accueillir des gens qui vivent aujourd'hui un présent traumatique", explique simplement Sibel Agrali à la secrétaire d'Etat Pascale Boistard. "Combien de temps vont-ils mettre à pouvoir se projeter vers l'avenir, pour ensuite pouvoir traiter le passé?", s'interroge-t-elle.

"On ne fait pas de tri"

En 2014, parmi les réfugiés accueillis par le centre Primo Levi, 45% étaient originaires d'Afrique subsaharienne, 25% du Caucase et des Balkans, et 14% du Moyen-Orient. Il y avait autant d'hommes que de femmes. Au moment de leur admission, 41% étaient des demandeurs d'asile, 17% avaient été déboutés de leur demande et 14% étaient des réfugiés statutaires. "Les femmes seules sont les situations les plus dures", précise un travailleur social. "Nous sommes très inquiets pour ces femmes, dont certaines sont très jeunes", ajoute Sibel Agrali. "C'est très rare qu'on tombe sur quelqu'un qui n'a pas été victime de violences sexuelles", complète Omar Guerrero, psychologue clinicien.

Les réfugiés qui poussent la porte du centre sont en grande majorité orientés par d'autres associations ou des centres d'accueil pour demandeurs d'asile (Cada). "On ne fait pas de tri, on ne prend pas d'urgence. C'est en fonction de l'ordre d'arrivée", explique la directrice. "Il y a des moments où nous sommes ouverts, d'autres où nous sommes fermés" pour pouvoir accueillir les personnes sur liste d'attente. "L'idée est de faire des petits", via notamment une large offre de formations, dispensées par l'équipe du centre**. La structure a également déposé une demande de financement à la mairie de Paris pour recruter un médecin, un kiné et un psychologue supplémentaires.


* Le centre a été créé par cinq associations : Amnesty International France, Médecins du Monde, Juristes sans frontières, Trêve et Action des chrétiens pour l'abolition de la torture (ACAT). Il est composé d'un centre de soins, d'un centre de formations et d'un centre de documentation.

** Actuellement, l'équipe est composée de 2 personnes qui gèrent l'accueil, 2 médecins généralistes, 6 psychologues cliniciens, 2 assistants sociaux et 1 juriste.

Source: leJDD.fr

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