RUGBY - Immanquable, tout simplement. S'il y a un match à suivre absolument lors de cette Coupe du monde (en dehors de ceux des Bleus bien sûr), c'est sans doute Angleterre-Pays de Galles. Ce samedi 26 septembre (21h), le XV de la Rose et celui du Poireau se retrouvent pour ce qui s'annonce comme "LA" rencontre au sommet de la phase de poules. Malheur au vaincu, qui pourrait être éliminé dès le 1er tour.
Car trois des meilleures nations du monde (Angleterre et Pays de Galles donc, mais aussi Australie) se disputent les deux premières places dans le groupe A, surnommé à juste titre "groupe de la mort". Favoris sur le papier, les Anglais n'auront pas le droit à l'erreur devant leur public de Twickenham. Au-delà de l'enjeu, cette rencontre est sous tension avant même d'avoir commencé. Retour sur une vieille rivalité savamment entretenue.
Ce samedi soir, l'Angleterre et le Pays de Galles se retrouveront pour la 127e fois. Il s'agit d'un des grands duels du rugby, dont la première édition remonte à 1881 et qui reste légèrement à l'avantage des Anglais (58 victoires contre 56 et 12 nuls). Mais si le XV de la Rose a battu les "Dragons rouges" lors de leurs deux dernières confrontations, les Gallois peuvent se targuer d'avoir remporté deux Tournois des Six Nations depuis la dernière Coupe du Monde (0 pour l'Angleterre).
Les 126 rencontres disputées ont accouché de chocs mémorables, comme le quart de finale de Coupe du monde remporté (28-17) en 2003 par l'Angleterre qui deviendra ensuite championne du monde, ou bien la victoire écrasante du Pays de Galles (30-3) qui a privé les Anglais de Grand Chelem lors du Tournoi des Six Nations 2013. Si les deux sélections se retrouvent chaque année, ce match probablement décisif aura une autre saveur.
Le Pays de Galles a fait de cette rencontre une priorité, au vu du XV aligné par le sélectionneur Warren Gatland par rapport à l'équipe B qui avait écrasé l'Uruguay lors du premier match. Son homologue anglais Stuart Lancaster a lui opté pour une paire de centres particulièrement athlétique avec Sam Burgess (1,93 m, 116 kg) et Brad Barritt (1,85 m, 95 kg).
Sam Burgess, le centre du XV de la Rose
A surveiller aussi, le duel musclé qui s'annonce entre les troisièmes lignes Billy Vunipola et Taulupe Faletau, cousins originaires des Tonga qui évoluent respectivement pour le Pays de Galles et l'Angleterre. Sans oublier les neuf Gallois nés en Angleterre qui pourraient amener un peu de piquant à l'affrontement.
Certains joueurs ont aussi contribué à faire monter la pression avant le match. Interrogé sur la titularisation de Sam Burgess, venu du rugby à XIII et déjà considéré comme une possible révélation de la compétition, le centre gallois Scott Williams a répondu qu'à ses yeux, c'est contre Jonathan Joseph (préféré à Burgess pour disputer le match de l'Angleterre face aux Fidji) qu'il était "beaucoup plus difficile de défendre".
Les médias anglais ne se sont pas privés de faire réagir Sam Burgess, qui a répondu: "Williams? Qui c'est ça?", rapporte le Guardian. Alors qu'on lui expliquait qui était son futur adversaire, il a ensuite ajouté: "Ah oui. OK. Wait and see. Je vais juste laisser ma performance parler pour moi samedi". Une réaction qui a visiblement déplu aux supporteurs gallois, nombreux à s'indigner des propos de Sam Burgess.
"Ce Burgess (désolé, je ne sais pas qui c'est!), il va bientôt savoir qui est Scott Williams, le mec en rouge qu'il n'arrive pas à attraper"
"Je suis si impatient du match de demain. J'espère que Scott Williams va écraser Sam Burgess!"
Avant même le début de la compétition, le sélectionneur gallois Warren Gatland avait aussi lancé que l'Angleterre n'était "pas prête". "Le XV de la Rose se pose des questions sur quel jeu pratiquer et avec quels joueurs. Ils n'ont pas encore décidé de leur charnière, leur ligne de trois-quarts n'est pas définie, avait-il affirmé. De notre côté, nous sommes déjà familiarisés à de nombreuses combinaisons et nous savons où nous allons".
Comme au football, le rugby distingue les nations britanniques, qui jouent les unes contre les autres plutôt que sous des couleurs unifiées. Les Britanniques "ont inventé le football, le rugby, le tennis, le golf [...] et ils bénéficient toujours, dans la plupart des cas, des privilèges qui vont avec ces naissances" rappelle Slate, qui souligne que les fédérations internationales "respectent scrupuleusement ce droit d’aînesse en offrant un statut particulier aux nations britanniques".
Cette particularité va de pair avec une rivalité forte et ancienne, qui dépasse largement le rugby en tant que tel. Sans forcément remonter jusqu'à la conquête du pays de Galles en 1282, les Anglais ne sont pas toujours en odeur de sainteté chez leurs cousins britanniques qui restent attachés à leur identité culturelle, comme on l'a vu lors du référendum sur l'indépendance de l'Ecosse. Et cet antagonisme est exacerbé dans le sport.
Quant aux Gallois, le quotidien The Independent rappelle le discours musclé tenu par Phil Bennett, capitaine du XV du Poireau, en 1977:
Sans aller jusque-là, la rencontre promet une certaine intensité. "Perdre contre l'Angleterre ressemblerait plus à la fin du monde qu'une collision d'astéroïde" résume le Western Mail sur son site. "Chaque match contre l'Angleterre provoque ce mélange explosif et fébrile de frénésie, d'histoire et d'hystérie", écrit le quotidien gallois, qui rappelle que les deux sélections s'affrontent certes chaque année lors des Six Nations, mais que ce n'est arrivé que deux fois en Coupe du monde.
La presse anglaise y est aussi allée fort, à l'image du Sunday Times qui appelle tout simplement à "lâcher les chiens de guerre" contre les Gallois, rappelant que les deux équipes se sont "souvent affrontées avec dureté et ne se sont jamais vraiment comprises, que ce soit dans leur rapport au rugby ou dans la façon dont elles expriment leur passion" pour ce sport.
Le prince William et le deuxième ligne gallois Jake Ball
Mais ce n'est pas tout. La rivalité entre le XV de la Rose et celui du Poireau va jusqu'à la famille royale britannique. Comme le relève TF1, le Prince William, duc de Cambridge n'est autre que le vice-patron de la Fédération galloise de rugby, tandis que son frère Harry est parrain de la Fédération anglaise.
"Malheureusement, je vais regarder le match avec mon frère donc j'ai besoin de cette victoire plus que jamais!" a plaisanté William en accueillant la délégation galloise à Londres. Le duel s'annonce donc littéralement fratricide.