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CHINE

Des étudiantes chinoises humiliées pour avoir mal rangé leur chambre

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Contraintes de s’allonger par terre, sous une couverture, en plein soleil, puis de courir avec des sceaux sur la tête : c’est la double punition infligée la semaine dernière à une vingtaine d’étudiantes du Hunan College of Foreign Studies, situé à Changsha, au sud de la Chine, aux premiers jours de l’entrainement militaire que doit y suivre tout nouvel entrant. Un traitement dégradant auquel les étudiantes n’ont pourtant rien trouvé à redire. Au contraire.

Les instructeurs de l’université ne plaisantent pas avec la discipline : des étudiantes ont été punies… parce que leur chambre n’était pas bien rangée. Des photos, publiées sur Weibo, le principal réseau social chinois, et reprises par plusieurs médias chinois, les montrent exécuant leur sanction, couvertes par leurs couettes alors que le Hunan connait en septembre des températures proches de 30 degrés. Selon les médias chinois et plusieurs témoignages d’étudiants qui ont assisté à la scène, la punition n’a pas duré plus de dix minutes. Mais les étudiantes ont ensuite dû effectuer, enroulées dans leurs couettes, des tours de pistes avec un seau sur la tête, devant leurs camarades d’université.

Plusieurs médias chinois ont critiqué l’attitude des instructeurs, estimant que la punition s’apparentait à une humiliation.

Sur Weibo, des utilisateurs ont également dénoncé le caractère arbitraire des exercices imposés aux étudiantes. Mais les instructeurs se sont aussi trouvé des avocats surprenants : les étudiantes punies elles-mêmes et des étudiants témoins de la scène ont pris leur défense.

"(…)j’ai dû courir avec le seau sur la tête, j’ai eu le sentiment que c’était mérité. Je n’ai rien à redire sur ma punition. Je ne voudrais pas que mon instructeur se sente mal à cause de ce qui a été dit dans les médias. Ne faites pas attention à l’opinion publique, mais écoutez nous plutôt".

'En tant que nouvel élève ayant participé à l’entraînement je peux témoigner que les filles qui ont été punies couraient en rigolant. Je ne pense pas qu’elles aient subi de conséquences psychologiques".

Dans un pays connu pour encadrer très sévèrement la liberté d’expression, ces propos pourraient sembler avoir été dictés aux étudiants. Mais pour notre Observateur, ils sont tout à fait à spontanés, ce qu’il regrette.

"Cet entraînement militaire est un genre de lavage de cerveau"

Lu Haitao (pseudonyme) a suivi les débats provoqués par la punition des étudiantes dans les médias et sur Weibo, et a lui-même participé à l’ entraînement militaire obligatoire pendant ses études.

Je ne pense pas que les commentaires en ligne de ces étudiants leur ont été dictés par l’administration. Ils sont tout à fait spontanés et sincères. Et ça n’a rien de surprenant. J’ai moi-même suivi un entrainement militaire lors de mon arrivée à la faculté il y a quelques années. Cela consistait uniquement à apprendre à marcher au pas et à chanter des chants militaires. Nous restions souvent pendant des heures sous le soleil, c’était pénible et franchement inutile. Les instructeurs n’étaient pas agréables avec nous.

Et pourtant, j’ai vu plusieurs étudiants remercier chaleureusement leur instructeur une fois l’entraînement terminé, certaines étudiantes pleuraient même à l’idée de ne plus le voir. Les étudiants qui arrivent en première année et ne sont pas du tout familiarisés avec leur nouvel environnement universitaires s’ attachent très facilement à leur instructeur. C’est comme un repère, même s’il ne les a pas bien traités. Ils développent une sorte de syndrome de Stockholm.

Même si elle a n’a duré que quelques minutes et a été acceptée par les étudiantes, cette punition est selon moi une vraie humiliation. La réaction des étudiants est symptomatique de la Chine : éduqués dans un pays qui place le collectif au dessus de l’individu, ils manquent de repères et de discernement et ne se questionnent pas assez sur ce qu’est la dignité individuelle. Les entraînements militaires ont été inscrits au programme des universités après les massacres de Tiananmen en 1989, dans l’optique d’inculquer aux jeunes le patriotisme et l’envie de défendre leur pays. Mais surtout de bien canaliser tout esprit indépendant, et de rendre les étudiants malléables.

L’armée comme l’université interdisent officiellement l‘humiliation...mais comme les plaintes sont rares, ce genre de débordement est possible. Au final, cet entraînement militaire est un genre de lavage de cerveau. On demande une obéissance absolue aux étudiants.

À vrai dire, tout le monde obéit durant l’entraînement, car il donne des crédits universitaires. Si on ne le réussit pas, il faut refaire l’entraînement l’année suivante. Je sais très bien que je ne suis pas le seul à avoir détesté mon entraînement. Dans ma promotion, plusieurs étudiants se plaignaient, mais jamais directement aux instructeurs. La sévérité de ceux-ci est très variable, ce sont en général des soldats de l’armée, certains sont plus ou moins zélés. Le fait de vérifier la propreté des chambres dépend également des universités. Dans le ces de l’université du Hunan cela fait partie de la pression mise par les autorités sur les nouveaux arrivants.

L’entraînement militaire des étudiants du Hunan s’est achevé vendredi dernier, avec un défilé en rang parfaitement orchestré. Ce n’est pas la première fois qu’un entraînement militaire suscite la polémique : l’an dernier, dans un lycée [certains lycées prévoient déjà un entraînement obligatoire] du Hunan, 40 élèves avaient été blessés lors de heurts avec leurs instructeurs.

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