Numérique : 10 morceaux de loi que vous pouvez réécrire

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Numérique : 10 morceaux de loi que vous pouvez réécrire

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A partir de ce samedi, le projet de loi "Pour une république numérique" d'Axelle Lemaire est proposé sur une plateforme en ligne. Pendant trois semaines, les citoyens peuvent commenter et amender le texte. Voici dix nouveautés qu'il pourrait instaurer.

> Le projet de loi en 10 points | Entretien avec Axelle Lemaire | La loi s'empare de la neutralité du net

Finalement le voilà, ce projet de loi numérique annoncé depuis trois ans. De consultations en rapport et en report, il n'a cessé d'être repoussé, et ses contours, modifiés.

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Le texte, présenté ce samedi matin à Matignon avec Manuel Valls, est ouvert pour trois semaines aux commentaires en ligne. Des ambitions affirmées sous le gouvernement Ayrault, il ne reste qu'une petite partie dans le projet de loi "Pour une république numérique" porté par Axelle Lemaire.

Cela tient à la place prise sur ces sujets par d'autres ministères au poids politique plus affirmés, en particulier celui d'Emmanuel Macron qui devrait récupérer pour un futur projet de loi une bonne partie des aspects économiques et tous les sujets dits "sectoriels".

Autre explication : le sujet lui-même. Le numérique est par définition transversal et de nombreux points portés par le Secrétariat d'Etat d'Axelle Lemaire ont essaimé dans d'autres ministères et projets de loi (santé, éducation, personnes handicapées etc).

C'est néanmoins un texte qui intègre de grands principes nouveaux et fondateurs.

Qu'est-ce que cela pourrait changer à notre quotidien ? Voici quelques exemples de ce que le texte vous permettra de faire :

1) Vous prononcer sur la loi avant qu’elle ne soit votée

C’est inédit. Axelle Lemaire, qui sera notre invitée lundi à 12h30 et dimanche dans " Rue des écoles", a décidé de publier son projet de loi sur Internet en amont du processus institutionnel. Alors que les textes sont d'habitude rendus publics officiellement quelques jours après leur passage en Conseil des ministres, cette "version beta" sera soumise aux suggestions et amendements "citoyens" du grand public. Cela pourra aller du j'aime / j'aime pas, à la proposition de modification du texte.

C'est une manière d'expérimenter la "démocratie participative". Les propositions « qui auront reçu le plus d’assentiments » feront l’objet d’une réponse du gouvernement à l'issue des trois semaines de consultations.

L’intérêt, c'est un effort inédit de transparence dans la fabrique de la loi. Pour autant, cela ne devrait pas avoir d'incidence majeure sur le texte lui-même. Les arbitrages interministériels - difficilement négociés - ne devraient pas bouger. « Sauf plébiscite » reconnaît le cabinet - à bon entendeur…La consultation aura au moins l'avantage de rendre visible les contestations citoyennes. Le texte sera ensuite soumis au Conseil d’Etat, avant un passage au Conseil des ministres prévu fin novembre. Il ne devrait pas arriver au Parlement avant janvier 2016.

Cadre contributif pour chaque article du projet de loi Lemaire sur le numérique
Cadre contributif pour chaque article du projet de loi Lemaire sur le numérique

Quelle stratégie numérique pour la France ? Synthèse de juin dernier à l'occasion des orientations présentées par Manuel Valls

2) Savoir combien de jours par an votre député est à l’Assemblée nationale, quelle est la liste des prénoms les plus donnés dans votre région ou quel est l’arbre le plus haut de votre commune

Les institutions publiques produisent des tas de données dans lesquelles on trouves les réponses à toutes ces questions - et à bien d’autre. C'est grâce à ces données que se développent tout un tas d'applications qui rendent service au quotidien comme trouver l'auto-école la plus proche de chez vous, être alerté à chaque fois que vous passez près d'une caméra de surveillance, savoir à quelle heure passe votre bus.Ce que propose le texte, c’est de rendre toute ces infos systématiquement accessibles : par défaut , les données publiques devront être_* ouvertes et gratuites_* . Or aujourd'hui pour obtenir des informations non publiées, il faut faire une demande à la Cada (la commission d'accès aux documents administratifs) - des démarches longues et difficiles.

C'est un changement de logique qui renforcer le mouvement, déjà ancien, d’ouvertures des données publiques- ce qu’on appelle l’*open data. * Et un enjeu de taille pour les collectivités et institutions qui devront proposer des données dans un format utilisable - c’est-à-dire un fichier exploitable de manière informatique, et pas les PDF de documents écrits à la main. C’est ce que le texte définit comme un_"service public de la donnée"._ Il instaure aussi la notion de "données d'intérêt général", comme par exemple les données de cartographie, le cadastre, les infos sur la météo ou la pollution.

Les Carnets de l'économie, avec Henri Verdier, directeur d'Etalab

Soft Power : Où en est l'Open data du gouvernement (janv. 2014)

Et retrouvez tous nos articles et émission autour des données publiques

3) Transférer les mails de votre boîte Yahoo à votre boîte Gmail

Nous et nos données
Nous et nos données
© Fotolia - Julien Eichinger

Toutes les informations collectées sur nous chaque jour (quand on fait des courses par exemple), et tout ce qu'on ajoute aux services numériques qu'on utilise (des photos, des mails, des documents) ce sont des données personnelles. Difficile aujourd'hui - voire impossible - de les faire passer d'une application à une autre. L'historique de vos achats électroménagers chez Darty ne peut pas être importé dans une application Boulanger.

Le texte impose ce qu'on appelle la portabilité des données. En gros, pouvoir partir avec vos informations personnelles, comme on peut désormais garder le même numéro de téléphone quand on change d’opérateur.

Pourquoi maîtriser nos données ? Retrouvez notre Pixel "Nous et nos données"

_4) Ne pas traîner toute sa vie comme un boulet des photos de cette soirée que vous regrettez avec vos amis de seconde B
_

Il est des posts ou des photos publiés sur le web l’on regrette et qui pourtant restent en ligne. Pour les mineurs, le texte prévoit une sorte de droit à l’erreur de jeunesse . Il sera possible de façon inconditionnelle de demander l'effacement de contenus mis en ligne avant sa majorité (alors qu’il faut aujourd'hui justifier d’une bonne raison). C’est ce que l’on appelle le droit au déréférencement pour les mineurs.

5) Charger votre cousin Bernard de vous faire disparaitre en ligne après votre mort

La loi prévoit les conditions de votre « mort numérique » : grâce à une sorte de testament numérique, chacun peut définir le devenir de ses données.

**Quelle mort numérique ? Réécoutez Les Nouvelles vagues mars 2015 : webpostmortem

LES NOUVELLES VAGUES

58 min

6) Continuer à accéder aussi facilement à La Fabrique de l’histoire qu’à des vidéos de chatons

Sur le web, tous les contenus sont égaux. La neutralité du net, c'est le principe selon lesquels les tuyaux n'ont pas d'avis. Autrement dit, ceux qui gèrent les tuyaux du web - les fournisseurs d’accès, doivent transporter tous ces paquets de la même manière, sans regarder ce qu’ils contiennent.

Pour la première fois, le principe de la neutralité du net est inscrit dans la loi française (lisez nos explications ainsi qu'un entretien avec le président de l'Arcep).

7) Lire un article scientifique d'un de vos collègues chercheurs sans avoir à le pirater

Lire les travaux de ses collègues, cela fait partie du travail d'un chercheur. Mais pour le faire, il doit parfois aujourd'hui payer très cher. Aujourd'hui, les laboratoires doivent payer les chercheurs, puis les éditeurs de revues scientifiques qui les publient. "L’équipe qui travaillait sur la menace d'Ebola au Liberia n’a ainsi pas pu accéder à certains articles en raison de leurs coûts ", rappellent 75 chercheurs dans une tribune publiée par Le Monde.

La loi instaure la libre utilisation de travaux universitaires, financés au moins pour moitié par les fonds public au bout d'un an pour les sciences, les techniques et la médecine, de deux ans pour les sciences sociales (dont le secteur de l'édition est plus fragile).

_8) Éviter de risquer un procès si vous reproduisez les fresques de la Grotte de Lascaux
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Une oeuvre du domaine public, c'est une oeuvre qui n'est pas ou plus encadrée par la propriété intellectuelle. Aujourd'hui, elle n'appartient à personne. Définir juridiquement et de manière positive le domaine public comme c'est affirmer que ces créations nous appartiennent à tous. Au-delà du symbole, c'est une manière d'empêcher que certains s'accaparent une oeuvre, comme quand il y a quelques années le Conseil Général de Dordogne revendiquait le droit de reproduction des peintures de la Grotte de Lascaux. Initialement prévue, la possibilité pour un auteur de placer lui même son oeuvre dans le domaine public de manière irrévocable n'a pas été retenue. Perçues par certains, les société d'auteur en tête, comme une "brèche" dans le droit d'auteur.

9) Rester connecté même si vous êtes fauché

Le texte fait d’internet un besoin de première nécessité - au même titre que l'eau ou l'électricité. En conséquence, il instaure un droit au maintien d'une connexion minimale pour les personnes en grandes difficultés financières. Il serait pris en charge par le fonds de solidarité sur le logement - qui deviendrait le « fonds de solidarité logement et des services essentiels ».

10) Poser devant la Tour Eiffel illuminée avec vos amis

Enfin ça, vous auriez dû pouvoir le faire. Mais au tout dernier moment, cela a été retiré de la version finale du texte, il n'en est finalement plus question.

Vous ne le savez pas forcément, mais aujourd'hui, c'est interdit. La loi instaure le droit de prendre en photo (dans un but non commercial) des œuvres visibles dans l’espace public sans avoir à demander d’autorisation ou à payer des droits. C’est le _“droit de panorama”.
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Aujourd'hui, la France est l'un des pays les plus en retard sur le sujet.

La carte de la liberté de panorama en Europe (Vert foncé : liberté de panorama pour les bâtiments, les sculptures et les œuvres d’art vert clair : pour les bâtiments uniquement jaune : pour les usages non commerciaux uniquement)

Ce point fait partie des projets écartés par les arbitrages de Matignon, comme d'autres mesures d'exception au droit d'auteur - auxquelles les institutions culturelles sont farouchement opposées.

La consultation devrait permettre à un certain nombre de citoyens de remettre le sujet en discussion. La #LoiNumérique en 9 dessins (dont un burger et une fusée)

Les explications gouvernementales illustrées.