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Eaux en bouteille : des nano-doses de pesticides, mais pas traces de médicaments

Quarante eaux minérales et de source rendues anonymes, soit les trois quarts du marché français, ont été passées au crible à la demande des professionnels du secteur.

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Publié le 24 septembre 2015 à 21h34, modifié le 25 septembre 2015 à 12h07

Temps de Lecture 3 min.

Les chercheurs ont traqué 330 molécules de synthèse dans 40 eaux minérales. Ils n’ont détecté ni trace de médicaments, ni d’hormones mais ont mis au jour des traces d’herbicides, en faibles proportions, dans 9 échantillons.

Une dose de pesticides, quelques résidus de médicaments, une once d’hormones et de phtalates : tel est le cocktail contre lequel se battent désormais les distributeurs d’eau au robinet. Mais les eaux minérales naturelles et de source, mises en bouteille, échappent-elles à cette contamination généralisée ? Pour répondre à cette interrogation, cruciale pour elles, 24 sociétés commercialisant 40 marques – soit les trois quarts du marché français –, ont uni leurs moyens afin de réaliser une étude inédite, menée au laboratoire de physico et toxico-chimie de l’environnement spécialisé dans les nano-traces, au sein de l’unité mixte de recherche EPOC (CNRS-Université de Bordeaux).

Moyennant une année de recherche, 13 200 analyses et 130 000 euros, la fédération professionnelle a livré, jeudi 24 septembre, des données lui permettant de mettre en avant « la très grande qualité » de ses produits, qui, assure-t-elle, s’avèrent exempts de tous les « composés recherchés dans 99,7 % » des cas.

Des traces d’herbicides

Ainsi, 40 eaux minérales rendues anonymes ont été passées au crible. Les chercheurs ont traqué 330 molécules de synthèse différentes dans ces échantillons. Ils n’ont détecté ni trace de médicaments, ni d’hormones. Hélène Budzinski, directrice de recherche, qui a mené l’équipe de Bordeaux, est formelle : elle n’a pas trouvé de tamoxifène, un médicament de traitement contre le cancer, alors que d’autres analyses, dont la revue 60 millions de consommateurs avait rendu compte en 2013, indiquaient le contraire.

En France, les sources n’échappent pas, en revanche, à l’omniprésence des pesticides dans les sols. Les chercheurs ont mis au jour des traces d’herbicides dans 9 échantillons sur 40, en faibles proportions : de 2 à 10 fois inférieures aux valeurs maximales imposées par la réglementation des eaux minérales, elle-même plus exigeante que celle régissant l’alimentation.

Dans les 9 eaux contaminées, les scientifiques ont repéré des traces infinitésimales (moins de 50 nanogrammes par litre) de substances et de composés bien connus : atrazine, simazine, Diuron, Metolachlore (un organochloré comme le DDT), tous interdits depuis 2003 en France, puis dans l’Union européenne. On a trouvé aussi certaines de leurs métabolites (leurs molécules dégradées) comme le Terbutylazine desethyl, ainsi que de l’hexazinone, prohibé aussi.

Il est probable que ces pesticides constituent, dans leur majorité, une forme d’héritage de l’agriculture pratiquée il y a trente ans. « Avec le temps, les métabolites deviennent de moins en moins dégradables et de plus en plus solubles dans l’eau, » précise Lodovico Di Gioia du département recherche de Danone. À terme, ces produits persistants devraient donc avoir tendance à diminuer, tandis que d’autres contaminants tendent à se développer.

Des molécules « émergentes »

L’équipe de recherche s’est aussi saisie de familles de polluants : les phtalates utilisés comme additifs dans des matières plastiques, les alkylphénols présents dans les détergents, lubrifiants, carburants, résines, ainsi que les acides perfluorés qui servent d’agent de surface antitache, antiadhésif, émulsifiant…

Sur 29 de ces molécules « émergentes » étudiées, les analyses ont permis de détecter de l’alkylphénol deux fois, ainsi que de faibles traces d’acides perfluorés dans quatre échantillons : deux à la limite possible de quantification, une inférieure à 6 ng/l et une sous la barre des 20 ng/l, mais aucun phtalate.

La difficulté ne réside pas dans la détection désormais, mais dans la quantification de plus en plus fine de ces substances. « De 1 milligramme par litre dans les années 1970, on est passé à une performance de quelques nanogrammes par litre, soit quelques grains de riz dans une piscine olympique », assure Denis Cans, président de Nestlé Waters France.

Afin que ces données soient reconnues robustes, l’étude a eu lieu dans de strictes conditions expérimentales, sur 49 dispositifs d’analyses différents de façon à éviter le maximum d’interférence. « Elle a fait progresser mon laboratoire, assure Hélène Budzinski. Nous en sommes arrivés à demander à des techniciens d’arrêter de fumer ou de s’abstenir de boire du café pour ne pas perturber l’échantillonnage des analyses. » Cette recherche devrait donner lieu à une publication prochaine dans une revue scientifique, Chemosphere.

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Lodovico Di Gioia émet l’hypothèse que les résidus industriels d’acides perfluorés ont pu être apportés par la pluie. « L’absence de médicaments et d’hormones montre que nos aquifères ne sont pas contaminés par les eaux de surface », estime-t-il. Des marques comme Vittel ou Evian veillent ainsi sur des bassins-versants de 35 km2, tâchant de contrôler tout ce qui pourrait porter atteinte à leurs sources.

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