Billet de blog 24 septembre 2015

Jean-Christophe MATHIAS (avatar)

Jean-Christophe MATHIAS

Auteur

Abonné·e de Mediapart

Grande région Sud-Ouest : le bio, c'est pas pour demain !

Maison écocitoyenne de Bordeaux, 23 septembre 2015. A l'initiative des associations membres de la Fédération Nationale de l'Agriculture Biologique (FNAB) des actuelles régions Aquitaine, Limousin et Poitou-Charentes, et dans le cadre de la campagne nationale « Manger bio et local c'est l'idéal », la parole a été offerte aux candidats aux élections régionales de la future grande région Sud-Ouest.

Jean-Christophe MATHIAS (avatar)

Jean-Christophe MATHIAS

Auteur

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Cet exercice a permis de prendre la mesure du fossé qui existe entre les paysans bio et les élus, mais plus encore du gouffre qui se creuse entre les attentes légitimes de la société civile et les programmes électoraux des partis politiques. Car à la question « Quelle sera la politique agricole et alimentaire bio dans la future grande région ? », le spectateur n'a pu entendre de réponse clairvoyante, et n'a pu que rester sur sa faim.


Ce n'était pourtant pas faute d'avoir posé la question clairement, tant Didier Lorioux d'Agrobio 19 (Corrèze), agriculteur sur le plateau de Millevaches, alertait le public sur les pollutions d'origine agricole de plus en plus importantes des fleuves régionaux tels que la Vienne ou la Dordogne, ou Loïc Rochard, président du comité d'orientation du « pôle conversion bio » avait insisté sur la nécessité d'une commande politique « claire et déterminée ». En guise de réponses, une série de poncifs confus et indéterminés (voire indéterminables) ont été énoncés.

C'est José Manuel Boudey du Parti Fédéraliste Européen qui a plongé le premier, défendant une « position iconoclaste » relevée par l'animateur du débat, prônant une normalité bio peut-être inspirée de François Hollande et de José Manuel Barroso allant jusqu'à son abolition. Après cette parodie des Inconnus, ce fut au tour de la candidate Europe-Ecologie-Les-Verts Françoise Coutant d'enfoncer les portes des étables ouvertes, prônant une grande région avec 20% de Surface Agricole Utile en agriculture biologique, semblant avoir oublié, comme le lui fit aimablement remarquer son confrère de gauche Yves d'Amécourt (Les Républicains – UDI - MoDem), que cette idée venait d'Alain Juppé alors éphémère ministre de l'écologie. En effet, la loi n° 2009-96  du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de  l’environnement vise un objectif de 6 % de la SAU en agriculture biologique au niveau national en 2012 (cible non atteinte) et 20 % en 2020. Bien que rédigée de manière non contraignante, cette loi ne saurait donc faire office de programme politique écologiste, et ne saurait pas plus être vue comme méprisablement inatteignable comme a semblé vouloir l'expliquer l'actuel président de la région Aquitaine Alain Rousset (Parti Socialiste). Il est vrai que ce dernier n'a pas eu l'occasion d'entendre les interventions des professionnels, étant arrivé en retard et commençant par plaisanter avec son camarade de droite Yves d'Amécourt avec lequel il semble avoir de nombreux points communs, puisque ce dernier, viticulteur conventionnel de son état renvoyant la question au Conseil général de la Gironde au sujet de l'absence de produits bio à la cantine du collège de sa commune (sans doute une petite vengeance pour ne pas avoir été réélu conseiller départemental), sacrifie les terres agricoles de son territoire au profit d'aménagements commerciaux, tout comme Alain Rousset (n'ayant pas semblé entendre l'alerte à la disparition des terres agricoles lancée dans la salle) entend le faire à l'échelle de la région au profit d'une Ligne à Grande Vitesse Bordeaux-Espagne aussi nuisible que démentielle. Il faut souhaiter au paysan bio et vice-président de l'actuelle région Poitou-Charentes Benoît Biteau (Parti Radical de Gauche) bien du courage s'il rejoignait son grand conseil.

Cette série de discours totalement à côté des véritables enjeux agricoles illustre à quel point les représentants du peuple français sont inconscients de la nécessité civique d'une réflexion en profondeur pour traiter des questions fondamentales de santé publique et de souveraineté alimentaire. Car si à plusieurs reprises il a été noté l'équivalence en surface de la future grande région Sud-Ouest et de la République Fédérale Autrichienne (environ 84000 km2), le fait que cette dernière ait déjà quasiment atteint les 20% de SAU en bio, loin devant les autres Etats européens, n'a pas semblé motiver les candidats. Avec ses 3 ou 4% de surface en bio, la future grande région n'a pas besoin de ces discours lénifiants, mais d'un plan sérieux pour sortir de l'impasse.

Car ce dont ne semblent pas avoir pris conscience les candidats, c'est que leur future grande région est celle de Paul François, céréalier charentais venant de gagner un procès en appel contre Monsanto pour intoxication, celle de Jacky Ferrand, père d'un viticulteur du cognaçais décédé à cause de l'emploi des pesticides, celle de Marie-Lys Bibeyran, ouvrière viticole du Médoc en procès contre la MSA pour faire reconnaître en maladie professionnelle le décès de son frère, celle de Valérie Murat, fille de viticulteur ayant fait ouvrir une enquête préliminaire pour homicide involontaire, ou encore celle de Pierre-Michel Périnaud, président de l'Alerte des Médecins sur les pesticides.

Et c'est enfin, accessoirement, la grande région du fleuve le plus pollué de France :

http://blogs.mediapart.fr/edition/la-mort-est-dans-le-pre/article/280515/charente-le-fleuve-ou-la-mort-coule-tranquille

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.