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Comment les anti-avortement pratiquent la désinformation sur le Web

Le gouvernement a lancé un site Internet et un numéro vert pour contrer les sites « pro-vie » qui ne disent pas leur nom.

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Publié le 28 septembre 2015 à 16h51, modifié le 28 septembre 2015 à 18h00

Temps de Lecture 3 min.

En ce lundi 28 septembre, Journée mondiale pour le droit à l’avortement, le gouvernement a lancé un numéro vert pour renseigner sur l’interruption volontaire de grossesse (IVG), le 0800 08 11 11, associé à un site officiel, ivg.gouv.fr et à une campagne de communication. Car sur ce sujet sensible, l’information sur Internet est pléthorique mais loin d’être neutre.

Tapez « IVG » ou « avortement » sur un moteur de recherche, et vous trouverez, parmi les premiers liens, des sites comme ivg.net ou encore ecouteivg.org . En apparence, ce sont des sites d’information ou d’aide pour des femmes confrontées à la question de l’avortement. Pour certains, c’est bel et bien le cas, et l’information, plus ou moins abondante, est fournie de manière neutre. Mais, comme l’a découvert l’AFP, qui a enquêté longuement sur le sujet, relayée par LeFigaro.fr, ce n’est pas le cas de tous, loin de là. Derrière l’apparence de l’information se cache en fait une manipulation.

Prenons ivg.net. Le site apparaît en troisième place dans le moteur Google, lorsque l’on recherche « IVG ». Il propose un numéro vert d’écoute, des rubriques « droit », « santé », « que faire »... et un lien vers un « centre de documentation médicale sur l’avortement ». De quoi orienter une femme ou une jeune fille en quête de réponses sur ces questions douloureuses. Mais en réalité, ce site, que tout présente comme objectif et neutre, ne l’est pas : il est conçu et animé par une association baptisée « SOS détresse » et un certain René Sentis, par ailleurs auteur d’ouvrages chrétiens sur l’amour et la fécondité. 

Beaucoup de témoignages négatifs

Tout son contenu véhicule un argumentaire anti-avortement. Les témoignages publiés sont essentiellement négatifs – dix pages de commentaires sur « j’ai mal vécu mon IVG », contre une page sur « j’ai bien vécu mon IVG » – et mettent en valeur les femmes qui ont « gardé » leur bébé. La partie médicale ne parle quant à elle quasiment que des « dangers » de l’IVG sous toutes ses formes.

Capture du site ecouteivg.

Selon plusieurs témoignages, dont celui de la blogueuse Gaëlle-Marie Zimmermann, la « hotline », loin de donner des conseils objectifs, tend à diffuser une information dramatisant l’acte d’avorter et incitant à s’en détourner. Idem pour la page Facebook, qui publie le témoignage d’un médecin racontant son vécu négatif d’un centre d’interruption volontaire de grossesse. Bref, sous des apparences d’aide et de conseil, ce site fait tout pour détourner les femmes de l’IVG. Ce qui pourrait se comprendre, s’il ne tentait pas de se faire passer pour un service d’écoute objectif et non orienté.

Une stratégie assumée d’Alliance Vita

Ce cas est loin d’être isolé. En réalité, les « pro-vie » opposés à l’avortement tirent parti du manque de référencement des sites officiels sur l’IVG pour placer un maximum de leurs sites sur la première page de résultats Google. Et derrière ces sites d’apparence neutre, des associations parfois de taille considérable se livrent à une forme de manipulation. Prenons par exemple ecouteivg.org ou sosbebe.org.

Les deux sites ont été conçus par la même société de création de sites, Cephas, propriété de Pierre Gauer, qui est également le webmaster du site d’Alliance Vita et un militant de cette association créée par Christine Boutin, qui s’oppose à l’avortement, à l’euthanasie et au mariage homosexuel. SOS bébé a d’ailleurs pour responsable identifiée Caroline Roux, secrétaire générale d’Alliance Vita.

Et là encore, derrière une « vitrine » objective, les deux sites font l’apologie de la maternité de préférence à l’IVG, et ne ratent pas l’occasion de mettre en avant les « risques » de l’avortement. S’il n’est jamais précisé explicitement qu’il est mieux de ne pas avorter, les contenus sont très fortement orientés. Ainsi, cette chanson sur « Mon secret » qui raconte les regrets d’une femme après un avortement – une vieille chanson, déjà utilisée en 2005 pour une campagne de « teasing » des pro-vie.

Ce site, qui a toutes les apparences de l’outil d’information neutre, est en fait clairement partisan. Ce n’est que très récemment (après une première version de cet article paru en avril 2013) que la page « qui sommes-nous » de SOS bébé précise que le portail est « animé par Alliance Vita depuis 2000 ». Sans que soit fourni un lien ou une explication sur l’engagement d’Alliance Vita. On pourrait multiplier les exemples à l’envi. La stratégie n’est pas récente.

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Depuis, Alliance Vita est devenue, par le biais de la polémique autour du mariage homosexuel, plus visible. Et n’apprécie pas tellement qu’on évoque ces méthodes, qu’elle assume pourtant. Voici ce que disait son délégué national, Tugdual Derville, interpellé en 2013 sur Twitter :

Et Alliance Vita semble décidé à propager le « bien » sur Internet : on compte pas moins de 90 noms de domaines enregistrés par M. Gauer, le webmaster de l’association, dont au moins deux sont ouvertement opposés à l’avortement : auxlarmescitoyennes.org et le site d’un « collectif de sages femmes contre l’IVG », Sages-Femmes.info.

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