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Politique

Quand Gaspard Gantzer vole la vedette à François Hollande sur France 3

Le film d'Yves Jeuland, sur France 3, consacré à la présidence Hollande a surtout montré le travail de l'homme de l'ombre de la communication de l'Elysée, Gaspard Gantzer. Pourquoi cette starisation soudaine?
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290915 Challenges François Hollande et Gaspard Gantzer
François Hollande et Gaspard Gantzer
(c) AFP

Depuis François Mitterrand, nul président ne s’était à ce point prêté au jeu des caméras. Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy avait opté pour une communication fermée, maitrisant d’un bout à l’autre l’image, là où Hollande, comme Mitterrand, a ouvert les portes de l’Elysée en grand. Le documentaire diffusé sur France 3 ce lundi, "A l’Elysée, un temps de président", s’inscrit dans ce mouvement présidentiel. Convoquer les caméras, c’est prendre la pose pour l’histoire.

Il est deux façons de peser le documentaire d’Yves Jeuland. La première, instinctive, qui consisterait à conclure que non, décidément, il ne faut pas lever le second rideau de la pièce présidentielle. Que ce qui se passe en coulisses doit rester secret. Que dévoiler la façon dont se construit (ou tente de se construire) une image présidentielle relève du secret. Se montrer à visage découvert, c’est s’exposer. Afficher ses faiblesses. Donner des verges pour se faire battre. Montrer les ficelles du marionnettiste, c’est avouer implicitement que le spectacle présenté n’est pas nécessairement vérité.

Dans le film de Jeuland, un personnage est omniprésent, qui donne à voir ce que les gourous de la communication recommandent de ne pas dévoiler. La coulisse. Tout au long du documentaire, le spectateur contemple le directeur de la communication du président Hollande à l’ouvrage.

Tourbillonnant, vibrionnant, le camarade de promotion d’Emmanuel Macron crève l’écran. Et surtout, il ne cache rien. Ni de son travail. Ni de ses méthodes. Ni de ses rapports avec les journalistes accrédités. Sublime séquence où on le voit rapporter les propos de François Hollande, après le premier conseil des ministres du gouvernement Valls II, indiquant qu’il faut dire « a rapporté son entourage » pour indiquer la source de l’information. La scène peut choquer les profanes, mais la vérité est que cela se passe toujours ainsi depuis que le journalisme politique existe (rappelons ici que Talleyrand et Fouché sont les inventeurs de l’écho de presse touchant à l’activité ou au propos d’un ministre « rapporté par son entourage »). Ce qui est nouveau, c’est de le montrer tel que cela se passe, sous l’œil d’une caméra qui n’est pas invisible.

L'anti-Pilhan

Gantzer est l’anti-Pilhan/Colé. Là où les communicants de Mitterrand se faisait devoir d’absence, fuyant toute médiatisation ou apparition publique, au nom de la préservation des secrets protégés par le second rideau, leur successeur se montre sans réserve. En toute transparence. En toute conscience.

Pourquoi ce changement, et surtout, pourquoi une telle rupture dans la mise en scène, d’un président socialiste à l’autre? C’est posant cette question que l’on débouche sur la seconde façon d’apprécier, en politique, en pure politique même, le documentaire de Jeuland.

Jeuland ne se trompe pas de vecteur. Gantzer n’est pas Gantzer dans le film, Gantzer est Hollande. Tout Hollande. Rien que Hollande.

Gantzer incarne Hollande

Pourquoi le directeur de la communication présidentielle est-il à ce point au centre du film? Parce qu’il porte en permanence l’incarnation politique François Hollande. Au téléphone ou en direct, il dit ce que dit le président. Ce qu’il ne dit pas. Ce qu’il pense. Ce qu’il ne pense pas. Ce qu’il aime. Ce qu’il n’aime pas. Gantzer est la vedette du film parce qu’il incarne, en médiateur, celui qui est supposé être le héros du film, François Hollande.

Regardons encore les séquences où apparait François Hollande dans le documentaire. En voiture. Au bureau. En Conseil des ministres. En avion. En décorant Jean d’Ormesson, dans les salons de l’Elysée. A la rencontre des uns et des autres. Rien ne transparait de ce qu’il pense, dit ou aime. François Hollande est exceptionnel en ce que même filmé durant des mois et des mois par la caméra de Jeuland, il ne livre rien. Ou si peu. L’exact contraire de François Mitterrand, qui aimait se laisser filmer escaladant Solutré, corrigeant Georges Kiejman, courtisan qui confond Bernadette Soubiroux et Thérèse de Lisieux « Elle ne sortait jamais, elle était dans un ordre contemplatif enfin ! ». Ou visitant les Frères de la communauté de Taizé. Ou se promenant dans sa forêt des Landes, en compagnie de sa petite fille. Ou déjeunant en famille à Cluny. Ou achetant des livres à la librairie Gallimard, boulevard Saint Germain.

François Mitterrand était l’homme des sensibilités partagées. Ainsi construisait-il ce lien si particulier avec ceux qui partageaient son rapport aux choses de la vie, ce qui aboutit aujourd’hui à ce qu’il demeure encore des Mitterrandiens, alors qu’il n’y a plus de Mitterrandistes. Or, partager ses goûts et ses affinités, c’est une chose que François Hollande se refuse à consentir. Ce qui explique, à l’évidence, que le hollandisme soit si peu partagé, parce qu’il est si inconnu.

François Hollande s’exhibe, mais ne montre rien. Même confronté à ce moment de vérité, que peut filmer Jeuland, qu’est la révélation de ce que Valérie Trierweiler va sortir son célèbre livre, « Merci pour ce moment », Hollande ne livre rien. Mieux encore. Il se laisse filmer confronté à cette catastrophe, ne demandant même pas, compte tenu des circonstances, à ce que la caméra le lâche un peu. Non. Ça tourne encore et toujours, et il maitrise. C’est dire le degré de contrôle intérieur du personnage. Et sa volonté de ne rien dévoiler de l’intime.

Jeuland ne s’y est pas trompé, qui a compris que le meilleur moyen de montrer Hollande, de chercher un début d’esquisse d’authenticité, c’est encore de montrer en action celui qui est le meilleur vecteur de Hollande, son incarnation de substitution, son directeur de communication: Gaspard Gantzer. D’où l’omniprésence de cet énarque communicant, le premier du genre, dans le film.

Un transfert à double sens

Il faut s’y faire, François Hollande est le président de la méta-communication et Gaspard Gantzer est son vecteur. Plus intéressant encore, ce transfert joue à double sens. Si Gantzer est l’incarnation du Hollande politique, ce qui est un pouvoir considérable, en retour, à travers le vibrionnant Gantzer, François Hollande se dit sans doute qu’il apparait plus jeune, moderne, cool, en prise avec son temps, à l’unisson de l’idée qu’il se fait de l’époque.

On l’avait déjà écrit ici et on va rééditer : Gantzer et Hollande, c’est Anselme Popinot réveillant César Birotteau et lui permettant de redresser son petit commerce. Il faut s’y faire, en 2015, Anselme Popinot est passé par l’ENA, fait dans la communication présidentielle expérimentale et initie César Birotteau aux joies de Twitter.

Les communicants de métier, conservateurs et corporatistes par nature, ne le supportent pas, qui estiment qu’à la place de Gantzer, Hollande aurait besoin d’un « Roger Aisles, qui a contribué à forger l’image de Ronald Reagan et de Jacques Chirac, un binôme Jacques Pilhan-Gérard Colé, qui a fait la grandeur du mitterrandisme, voire un Karl Rove, ex-conseiller de George W. Bush connu pour avoir conceptualisé la «stratégie de Shéhérazade ».

On peut toujours préférer la bougie à l’ampoule électrique, sauf qu’à la fin, c’est l’ampoule électrique qui a gagné. C’est une vision d’hommes du passé dépassés qui ne voient pas que le lien Hollande/Gantzer est d’abord et avant tout politique. « Sic transit gloria politica communicatione ».

 

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