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Billet de blog 29 septembre 2015

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Il n'y a pas de races humaines

La Gâtinaise et la Charolaise sont des races de poules et de vaches françaises. Et tout comme Mesdames Morano et Le Pen, elles sont blanches. Cependant, à la différence de Mesdames Morano et Le Pen, elles ont été sélectionnées pour l'être.

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La Gâtinaise et la Charolaise sont des races de poules et de vaches françaises. Et tout comme Mesdames Morano et Le Pen, elles sont blanches. Cependant, à la différence de Mesdames Morano et Le Pen, elles ont été sélectionnées pour l'être. Concernant les espèces animales domestiquées, une race est toujours issue d'une sélection par l'Homme, le plus souvent à des fins de productivité : par exemple, la poule gâtinaise pour ses œufs et la vache charolaise pour sa viande.

Tous les animaux d'une race se ressemblent, par leurs aspects et par leurs gènes. C'est un grand avantage pour les éleveurs, qui, lorsqu'ils achètent des animaux, s'attendent à un certain standard, et ne veulent en aucun cas un animal qui se distingue des autres. Cette homogénéité est certes un avantage économique mais il est certain que l'absence de diversité au sein d'une race est dramatique à long terme : si tous les individus se ressemblent et qu'une nouvelle maladie se développe (ou que le climat change rapidement), la race disparaît. Tel fut le cas des plants de vigne européens décimés par le phylloxéra au XIXème siècle.

« Nous sommes un pays de race blanche » a déclaré Nadine Morano le samedi 26 septembre sur le plateau de « On n'est pas couché », citant le général de Gaulle. Madame Morano s'estime donc appartenir à un groupe homogène d'humains, possédant tous les mêmes aspects (dont le standard serait la peau blanche), les mêmes gènes ; et surtout comme étant le résultat d'une sélection au fil des siècles.

Tout d'abord, il faudra que la tête de liste de Meurthe-et-Moselle des "Républicains" aux prochaines élections régionales développe un peu ses propos : qui est plus français entre un Lorrain et un Provençal, entre un métropolitain et un Guadeloupéen ? Doit-on mettre en place un indicateur donnant notre pourcentage de blancheur ? Estime-t-elle que les individus se définissent uniquement par leur puissance économique, leur productivité, comme c'est le cas pour les races animales ? Il faudra aussi que la députée européenne nous donne son interprétation de la devise « unis dans la diversité ». En disant « nous sommes un pays judéo-chrétien, de race blanche », estime-t-elle qu'il existe un gène judéo-chrétien ? Sait-elle que la femme de Moïse était peut-être noire, qu'une grande partie des chrétiens du Monde ne sont pas blancs ?

Ensuite, la notion de race est inapplicable à l'Homme. L'espèce humaine se caractérise justement par sa grande diversité génétique, aucun Homme n'étant identique à un autre. Les généticiens trouvent même des différences entre les vrais jumeaux. L'Histoire a connu des mythes de la « race pure ». Mesdames Morano et Le Pen pourraient aussi citer d'autres grands hommes, comme Jules Ferry "Les races supérieures ont un droit sur les races inférieures" ou Voltaire "Il n'est permis qu'à un aveugle de douter que les blancs, les nègres, les Albinos, les Hottentots, les Lappons, les Chinois, les Américains soient des races entièrement différentes". Si grands qu'ils soient, les mythes de la "race pure", celui par exemple de la race aryenne, ont conduit à la destruction de l'Autre, à des génocides (contraires d'ailleurs au principe chrétien du « tu aimeras ton prochain comme toi-même »). C'est cette diversité qui lui permet d'exister encore aujourd'hui, après des siècles de famine et de maladies infectieuses.

Les "patriotes" se rappellent-ils ces milliers d'hommes étrangers qui ont combattu pour défendre la France le siècle dernier ? Nos monuments aux morts, où leurs noms sont inscrits au sang, n'ont pas de couleur. Ils n'ont qu'une religion : la démocratie. Ils n'ont qu'un cri : la liberté universelle.

Ces hommes n'ont pas combattu parce qu'ils étaient français, parce qu'ils avaient telle ou telle couleur de peau, parce qu'ils se considéraient comme appartenant à telle ou telle race. Ils ont combattu parce que l'humanité en dépendait, répondant à ces paroles de Victor Hugo « unissons-nous dans une pensée commune, et répétez avec moi ce cri : Vive la liberté universelle ! Vive la République universelle ! ».

N'en déplaise à certains "républicains", l'esprit républicain n'est pas « un accueil de personnes étrangères » par « un pays judéo-chrétien, de race blanche », ni un héritage génétique ou culturel. La République n'est pas un déterminisme qui s'impose à chacun, elle ne définit pas l'individu par sa productivité. La République est une volonté, une construction. La République est un rassemblement de la diversité autour d'un projet commun, universel : la Liberté.

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